27 avril 2008

Lettre à Pascal Hébert

Notre photo : La foire à tout des quartiers ouest est un riche moment de rencontres et de convivialité. (Photo JCH)
Cher Pascal,
Tu ne te caches pas d'avouer que c'est par moi que tu as adhéré au Comité d'Action de gauche. C'était hier dans les années 1970. Et je te remercie de t'en souvenir. Tu as rejoint un groupe d'amis, de copains, qui n'étaient animés que du désir de bien faire dans l'intérêt général et surtout dans l'intérêt de ceux qui sont laissés au bord de la route. Et seule la gauche a cette vraie préoccupation. A cette époque, Ernest Martin s'occupait encore de soigner les malades alcooliques avec la Croix d'or et M. Heullant. A cette époque, le CAG était une force de gauche respectée. A cette époque, nous luttions contre Rémy Montagne le tombeur de Pierre Mendès France qui, comme tu le sais, a des successeurs au centre droit et du côté des supporteurs des mœurs rétrogrades. Tu as été, avec moi et d'autres, de tous les combats qui ont permis nombre de victoires locales, cantonales et législatives. Comme, en plus, nous étions collègues salariés à La Dépêche, notre proximité était encore plus évidente. Je t'ai toujours considéré comme un ami, un ami du quartier « des Amoureux » et de la cité Breton, qui plus est, cela crée des liens que rien ne devrait pouvoir remettre en cause.
Avant que tu demeures aux côtés de Franck Martin lors des élections municipales dernières, nous avons eu encore un point commun : celui d'être tous les deux licenciés de La Dépêche sous des prétextes « patronaux » pour réduire le déficit réel ou supposé d'une entreprise plutôt mal gérée à l'époque. Les grands groupes de presse ne s'embarrassent pas de sentiment ni de gratitude : 38 ans d'ancienneté : dehors, car trop vieux et trop cher ! Le monde d'aujourd'hui marche comme cela. Nous avons fait partie, toi et moi, de la variable d'ajustement d'une entreprise dont un des titres est encore une référence à Louviers.
Sur le plan politique, ce qui d'abord nous rassemblait, nous a ensuite divisés. Tu as fait le choix de suivre Franck Martin, de lui être fidèle, comme on dit. Qui pourrait t'en blâmer ? Pas moi. Je connais les qualités de meneur d'hommes du maire de Louviers et je sais le poids de son verbe. Adversaires sur des listes différentes, moi-même candidat aux cantonales pour le PS, la campagne a produit ce qu'elle devait produire : du ressentiment et une impression de gâchis. C'est du moins ce que me disent certains Lovériens. La rupture, qu'il s'agisse de couples, de familles ou d'amis, suscite toujours des regrets et de l'amertume. Mais les choix ayant été faits et réfléchis, il nous faut les assumer. Et on sait bien que les torts sont souvent partagés : Franck Martin s'est montré inflexible sur l'ouverture au second tour, nous n'avons pas rompu suffisamment tôt pour que notre démarche soit compréhensible.
J'ai tenté, dimanche dernier, lors de la foire à tout des quartiers ouest, de discuter avec toi. Tu ne l'as pas souhaité. C'est ton droit. Tu as mis très vite sur le tapis notre attitude de liste dissidente…ainsi que les obsèques de notre ami commun, le regretté Yves Lebrun, occasion qui m'avait permis de revoir des têtes connues et de leur consacrer un court article sur ce blog dans une ambiance de recueillement et peut-être d'aveuglement. Tu n'as pas aimé lire certains noms affublés d'un mot gentil. Compte tenu de ton histoire à l'imprimerie je peux le comprendre.
Dans la chaleur de la discussion j'ai dit : « Au fait, je te félicite pour tes importantes responsabilités. » Tu es, en effet, adjoint aux sports et dans notre ville c'est lourd, puisque de nombreux clubs existent et qu'un certain match de football, à Hondouville par exemple, où tu étais présent l'autre dimanche, indique clairement le travail à faire. Tu as pris cela pour du mépris de ma part : « Je suis le seul ouvrier, les autres sont enseignants, retraités…Cela m'étonne de toi. » D'autant plus que Nathalie Bellevin, mon ex-suppléante, n'est pas étrangère au poste que tu occupes aujourd'hui dans les services de la CASE…
Mon intention n'était donc pas de te mépriser mais de te mettre en garde contre le sentiment du Pouvoir et le sentiment de supériorité, conscient ou inconscient, qu'il procure. Je sais d'où je viens Pascal. Ma mère rentrayait à l'usine Jeuffrain. Je suis issu d'un milieu ouvrier, comme toi, et je n'en éprouve ni honte ni culpabilité. Jamais, auparavant, tu ne m'avais adressé la parole avec ce ton de certitude qui n'appartient qu'à ceux qui « ont » du pouvoir. En quarante ans de vie politique, j'ai vu tant d' hommes changer ! Sauf exception et François Loncle est de ceux-là.
Voilà ce qu'à travers ces quelques mots que je n'hésite pas à rendre publics, je voulais te dire. Je sais qu'il faudra du temps pour panser des plaies encore très à vif. Un mois c'est très court, trop court. Dimanche, il faisait beau, je n'aurais pas dû aller vers toi alors que tu faisais cuire frites et merguez comme seul un bénévole actif sait le faire. Peut-être as-tu pensé que je voulais te provoquer ? Si c'est cela, je reconnais mes torts. Et je t'adresse mon plus fidèle souvenir.

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