28 juin 2008

La véritable histoire du Marité

A deux reprises, cette semaine, Franck Martin, président de la CASE et maire de Louviers, a fustigé l'attitude du maire de Rouen, Valérie Fourneyron, qui a décidé de quitter le GIP (groupement d'intérêt public) constitué pour remettre à flot le Marité, un voilier terre-neuvien acquis dans un but social, au départ de l'aventure. Car il s'agit bien d'une aventure mais dans le mauvais sens du terme puisque le bateau nécessite des réparations énormes et coûteuses.

Reynald Harlaut nous a adressé le texte suivant que nous publions volontiers. Ses explications éclairent d'un jour particulier l'intérêt que porte Franck Martin à ce trois mâts.

« C’est un sujet apparemment si sensible que le simple fait pour un délégué de l’agglomération Seine-Eure de poser une question sur une subvention de 5000 Euros accordée par la CASE (Communauté d’agglomération Seine-Eure) pour la rénovation de ce bateau lors de la séance de vote de décisions modificatives financières a fait sortir le président Franck Martin de ses gonds, parlant alors de « provocation et de saletés ».

Comme cette affaire est déjà quelque peu ancienne, et qu’avec l’Armada 2008, la marine à voile va être à l’honneur dans les prochaines semaines, il convient selon nous d’en refaire l’historique, sans entrer dans les détails, afin qu’elle soit par tous compréhensible.

L’histoire du Marité
« C’est le dernier Terre-neuvier, l’ultime témoin de ces campagnes qui menaient dès le XVe siècle les marins jusqu’aux bancs de morue de Terre-Neuve, à l’époque, où cette variété de poisson constituait un aliment de premier ordre. Le Marité, du nom de la fille de son armateur - Marie-Thérèse - fut construit à Fécamp et mis à l'eau en 1924. Mais c’est déjà la fin des grandes années de la pêche. Le bateau est alors vendu à des armateurs danois. A Esbjerg, le Marité poursuit sa carrière de morutier entre les îles Féroe et l'Islande. Après quelques campagnes, le navire se limite au cabotage dans les eaux nordiques. Durant la seconde Guerre mondiale, il sera réquisitionné par les Anglais. Jusqu'en 1973, le Marité va alterner pêche et cabotage avant d'être désarmé puis abandonné au fond d’un port danois. Deux Suédois, Lyrestam et Engberg, rachètent le Marité laissé à l'état d'épave pendant cinq ans. La structure est encore saine, démontrant la robustesse de la construction initiale. A l’issue d’une restauration de neuf ans, le Marité ne retrouve pas seulement sa splendeur, il est en état de naviguer. D'abord au cours de petites croisières, puis lors de compétitions couronnées par une victoire dans la course des Grands voiliers. Mais après vingt ans d'aventures, Lyrestam et Engberg mettent en vente leur bateau. »
En 2004, se constitue un Groupement d’Intérêt Public (GIP) pour sauver le Marité
« Regroupés au sein d’un Groupement d’Intérêt Public (GIP) pour que le Marité revienne sous pavillon français, les villes de Rouen et Fécamp, la communauté d’Agglomération Seine-Eure, le Conseil Général de la Manche, de Seine-Maritime, la Fondation du Patrimoine maritime et fluvial et le groupe Total financent les travaux de remise à l’eau. Le Marité devient alors ambassadeur de la Normandie. En 2004, le trois-mâts accède à une notoriété nationale en devenant, lors de vingt-sept étapes dans les ports français, le plateau itinérant de la célèbre émission de France 3 Thalassa. »
Que le conseil général de la Seine-Maritime et celui de la Manche — qui s’intéresse depuis longtemps au patrimoine maritime et au sort des vieux gréements — la Fondation du Patrimoine maritime et fluvial et le groupe Total s’unissent avec les villes de Rouen et de Fécamp, pour sauver le Marité, financer les travaux de remise à l’eau et l’ancrer dans le patrimoine normand, quoi de plus normal ! Que la Communauté d’Agglomération Seine-Eure s’associe alors au projet. Pourquoi pas ? Quand on connait les racines fécampoises de la famille du maire de Louviers, président le l’Agglomération Seine-Eure, et même si cette association n’allait pas naturellement de soi, on peut le comprendre et sentimentalement l’admettre.

Là où la situation commence à se compliquer, c’est lorsqu’on sait que, outre ses fonctions électives, M. Franck Martin est aussi, à ses heures perdues, éditeur de livres de marine sous l’enseigne de « l’Ancre de Marine » et auteur d’un ouvrage intitulé « Les Cinq vies du Marité » édité par sa propre maison d’édition.
Là, on commence à se dire que l’intérêt que porte le président de la CASE à ce projet et sa volonté d’y impliquer la CASE ne seraient peut-être pas totalement étrangères à ce qui vient d’être dit. En termes juridiques, ne s'agit-il pas d'un conflit d'intérêts ? Qui peut en effet nier que toute la communication faite autour de ce projet dans lequel s’est impliquée, au travers de son président, la CASE, ne puisse favoriser par contrecoup sa maison d’édition en cas de succès de l’opération ?

À nouveau en réparation…
Hélas, après que « Thalassa » et Georges Pernoud ont utilisé le voilier pendant les vingt-sept semaines qu’a duré le tour des ports français, le Marité est entré en janvier 2006 en cale sèche à Cherbourg et, à partir de ce moment, les mauvaises surprises n’ont cessé d’apparaître au fur et à mesure du déshabillage du voilier. À tel point que le bateau qui devait être fin prêt pour participer à l’Armada 2008 est toujours en chantier à Cherbourg.
Pris entre conflits de personnes, vieilles rancoeurs ou suspicions entre hauts et bas-normands, et sans doute petits coups tordus et autres règlements de compte politiques, les sponsors privés appelés à la rescousse ne se sont pas vraiment bousculés et la décision du nouveau maire de Rouen de se retirer du projet, décision rendue publique avant même les dernières élections, n’a certes rien arrangé. Et quand il n’y a plus rien à manger, on le sait, les rats quittent le navire…

Des promesses, qu’emporte le vent du large…
Mais quoi qu’il en soit, des promesses faites par le président Franck Martin de disposer du Marité pour en faire profiter les associations locales et les habitants de l’agglomération en contrepartie de la contribution financière de la CASE, rien aujourd’hui ne paraît subsister et le président Franck Martin n’apprécie manifestement pas qu’on le lui rappelle.
Comme le disait Nathalie Bellevin, membre de la liste « Pour Louviers, gagnons ensemble » lors de la campagne des municipales 2008, « Franck Martin aime les grands projets mais ses grands projets n’aiment pas… les Lovériens. »
Reynald Harlaut

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