9 juillet 2008

videosurveillance : « Les caméras apportent rarement la preuve de leur efficacité »

Un lecteur de ce blog désirant conserver l'anonymat m'a indiqué un article très intéressant paru dans le journal « Libération » du 10 juillet 2007. L'auteur en est Eric Heilman, maître de conférence à l'université Louis Pasteur de Strasbourg qui a analysé avec Marie-Noëlle Mornet les travaux des chercheurs britanniques sur l'impact de la vidéosurveillance pendant quinze ans.

« Les chercheurs britanniques concluent tous que les caméras ont apporté rarement la preuve de leur efficacité dans la prévention de la délinquance. Quant à la résolution d’enquêtes, la vidéosurveillance peut accélérer l’obtention de résultats à condition d’être précédée d’un travail de renseignements. Les caméras ne servent à rien si l’on ne sait pas ce que l’on cherche. Prenez les attentats de Londres, en juillet 2005, c’est parce que la police britannique avait été informée de l’identité potentielle des supects qu’elle a pu ensuite les reconnaître sur des images. Cela a été possible parce que des centaines d’enquêteurs ont été mobilisés pour visionner 15 000 vidéos. Penser que l’on pourrait mobiliser de telles ressources humaines pour des actes criminels de moindre ampleur serait se moquer du monde. » Imagine-t-on, en effet, à Louviers, une phalange de policiers municipaux pour décortiquer des bandes enregistrées après un vol à la roulotte ou un vol de voiture ?

M. Heilman poursuit : « La vidéosurveillance peut provoquer un déplacement de la délinquance et un changement des modes opératoires des auteurs d’infraction. Les vols de voitures ont lieu en périphérie après l’installation de caméras au centre-ville. Les cambriolages surviennent la nuit au lieu de la journée. Quand la vidéosurveillance donne quelques résultats, elle est accompagnée d’autres moyens de prévention comme l’amélioration de l’éclairage et la limitation du nombre d’accès dans un parking. Dans aucun cas, la vidéosurveillance n’est une mesure à tout faire. »

Pourquoi cet engouement subit chez des maires a priori démocrates et qui se lancent dans la vidéosurveillance ? M. Heilman a l'explication : « on assiste à une banalisation à l’égard de cette quincaillerie sécuritaire (caméras, badges) qui connaît un développement incroyable sans que cela suscite de réactions d’ampleur dans l’opinion publique. (note du bloggeur : sauf à Louviers où le collectif antividéosurveillance agit) J’y vois deux raisons majeures: premièrement, il y a une sorte d’enchantement technologique qui peut donner l’illusion que les machines font mieux que l’homme. Deuxièmement, il y a l’émergence d’une autre conception de la vie privée, liée au développement de la téléréalité. Ces émissions, où les gens se font filmer sous toutes les coutures, développent une esthétique sécuritaire. Ça ne choque plus grand monde de se livrer au regard des autres. Les frontières entre espaces public et privé ne sont plus les mêmes qu’il y a trente ans quand la loi informatique et liberté a été adoptée. A l’époque, on redoutait «Big Brother» . Aujourd’hui avec le développement des réseaux informatiques, des caméras sur Internet, chacun peut se livrer, se dévoiler. »

Cet article est paru il y a un an. Depuis rien n'a changé sauf que Nicolas Sarkozy est devenu président de la République avec Michèle Alliot-Marie comme ministre de l'Intérieur et une politique sécuritaire renforcée. Ils poussent à l'installation de caméras comme récemment à Paris. Qu'à Louviers, un maire et une équipe dits de gauche, mettent le doigt dans un engrenage infernal, inutile et inefficace, est proprement aberrant.



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