18 décembre 2008

Tous et toutes «victimes» de ce régime fichiste : nul n'est à l'abri

Il y a beaucoup d'a priori et d'idées toutes faites sur les prisons françaises. De nombreux habitants de notre pays considèrent que la situation des détenus (en préventive ou définitivement condamnés) est, sinon confortable, du moins très supportable. C'est évidemment un cliché qu'il convient de corriger. Le journal Le Monde s'est procuré deux heures trente d'enregistrement vidéo réalisé en caméra cachée dans une prison bien connue puisqu'il s'agit de celle de Fleury-Mérogis. Cet enregistrement clandestin, imaginé par des détenus qui ont pris des risques, montre la prison sous un jour inconnu des médias. Il est d'ailleurs fort possible que ces deux heures trente minutes de témoignages deviennent un documentaire alors visible par le grand public.
D'habitude, les directeurs de prison autorisent les tournages sous certaines conditions. Les détenus ne doivent pas être identifiables (on ne doit donc pas voir leur visage) et les responsables de la détention s'arrangent pour que les images soient prises « dans la prison sous son meilleur jour. » La vidéo diffusée par Le Monde est terrible : conditions d'hygiène déplorables (douches extérieures inutilisables, douches intérieures avec un mince filet d'eau) surpopulation dans les cellules, absence totale d'intimité, violences répétées, consommation de drogues, cuisine de fortune avec serpillière imbibée d'huile qu'on allume…pour couronner le tout une étude sérieuse montre que plus de 50 % des détenus sont considérés comme victimes de maladies mentales.
La vidéo visible sur le site du monde www.lemonde.fr n'est que le reflet de ce qui se passe dans de nombreux établissements. Cette situation a été abondamment critiquée par des observateurs européens indépendants effarés par ce qu'ils ont découvert dans ce beau pays de France. Amnesty International a attiré l'attention des autorités sur la situation de notre pays dont le classement européen est désastreux quand il s'agit de la détention.
Je sais quels arguments avancent ceux qui ne veulent pas que ça bouge : « s'ils sont en prison, ce n'est pas par hasard. Ils l'ont bien cherché. Ils n'ont que ce qu'ils méritent. » Ce type de discours est irrecevable car la peine de prison ne comprend ni l'humiliation, ni la promiscuité entre délinquants primaires et caïds mafieux, ni l'absence de soins dentaires ou médicaux, ni les viols ou les brutalités entre détenus. La prison c'est la privation de liberté et l'élaboration d'un projet de sortie. Les condamnés doivent être respectés dans la dignité de leur personne, ils doivent être nourris correctement (les travaux de l'esprit en font partie) soignés normalement, ils doivent pouvoir travailler s'ils le souhaitent et devraient être payés en conséquence et non minablement comme c'est le cas aujourd'hui.
Ce qu'il faut retenir de la vidéo du journal Le Monde : faites tout pour ne pas aller en prison. Par les temps qui courent, il ne fait pas bon être journaliste, manifestant, militant, opposant, tous fichés, tous victimes de ce régime fichiste. Attention aux excès de vitesse, à une parole plus haute que l'autre, la garde à vue-garde-aveu nous guette. Nul n'est à l'abri.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Par les temps qui courent, il ne fait même pas bon être simple épicier agressé par des malfaiteurs !

Anonyme a dit…

Appelons-le Jackie. Il est ouvrier chez Michelin. Il s'est inscrit sur le site "Copains d'avant". Un site où l'on peut retrouver ses copains de lycée, justement, et discuter tranquillement avec eux. Donc, il parle boulot. Et évoque Michelin (son employeur) en termes peu aimables. Mais cette conversation se retrouve...sur son CV en ligne, sur un site professionnel. Pourquoi ? Parce que « Copains d'avant » et le site professionnel appartiennent au même groupe, qui tient à rentabiliser ses précieuses «données». Michelin découvre ainsi les «injures» dont il est l'objet.

Quand Jackie reçoit une convocation de son employeur fin novembre, ce salarié de Michelin à Cholet a certainement oublié les propos tenus sur le site de réseautage social, Copains-d'avant, dans le courant de mars 2008. « Boulot de bagnard ! », « michelin EXPLOITATEUR !!!! », « Production, production, mais fiche de paie toujours pareil », écrits sur une page toujours accessible en cache.
Pendant la réunion, son employeur lui reproche ces propos qu'il juge inacceptables. Six jours plus tard, la sanction tombe : licenciement.

Cette mésaventure préfigure celles que beaucoup d'entre nous risquent de connaître, si l'on laisse les marchands de données brouiller les frontières entre expression publique et vie privée.

Big brother is watching you.