24 décembre 2010

Forfaiture, un crime puni par la loi


« Les révélations de Wikileaks, quel que soit par ailleurs le jugement qu’on porte sur la méthode utilisée pour obtenir les informations, ont un grand mérite. Elles permettent d’éclairer le comportement de Nicolas Sarkozy à l’égard des Américains avant qu’il ne soit élu président de la République. On le savait depuis longtemps américanophile. Mais on ignorait jusqu’où se manifestait cette admiration pour les États-Unis.

Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales dans les gouvernements Raffarin I et II, entre 2002 et 2004 lorsqu’éclata, en 2003, la seconde guerre d’Irak décidée par le président américain George W. Bush, soutenu par son allié anglais, le travailliste Anthony Blair. Il fut, dans la continuité, ministre d’État, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie en 2004 dans le gouvernement Raffarin III.

Selon les rapports qu’en font les diplomates américains, sa position fut, dès 2002, très ambiguë. Hostile à l’invasion de l’Irak, mais dans le même temps, n’approuvant pas non plus l’opposition frontale du président Jacques Chirac et de son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin. Il affirmait même que c’était quelque chose que lui « ne ferait jamais ». Il a évoqué, indique un message diplomatique du 1er août 2005, l’utilisation du veto de la France au Conseil de sécurité de l’ONU contre les États-Unis en février 2002, comme étant « une réaction injustifiable et excessive ».

Certes, en 2005, à la date du message, il n’était plus aux affaires. Cependant, de quand datait ce jugement personnel ? Qui étaient, à partir de 2002, les confidents de ses états d’âme ? Peut-on raisonnablement imaginer qu’il s’agissait de personnes très proches du milieu diplomatique américain à Paris, voire même lui appartenant ?

En août 2005, Nicolas Sarkozy se montre particulièrement loquace. C’est ainsi qu’on apprend par d’autres documents qu’il informe alors les Américains qu’il sera candidat à l’élection présidentielle de 2007. Plus d’un an avant qu’il ne l’annonce officiellement aux Français !

En rencontrant en 2006 à Paris Alberto Gonzales, le ministre de la Justice du président George W. Bush, pour lui déclarer que « la France et la communauté internationale allaient devoir aider les États-Unis à résoudre la situation en Irak. Peut être en remplaçant l’armée américaine par une force internationale », alors qu’il était ministre d’État en exercice du gouvernement Villepin, Nicolas Sarkozy se situe dans un autre registre. Ce que confirme un autre document dans lequel, en 2006 encore, il envisage l’envoi de troupes françaises dans le cadre d’une « force internationale ».

En droit, cette initiative personnelle envers un pays étranger, contraire à la ligne politique officielle du gouvernement auquel il appartenait et qui s’apparente à une trahison, porte un nom et a une qualification. Elle se nomme forfaiture et c’est un crime relevant de la Haute cour de Justice de la République.

Le silence de la classe politique dans son ensemble et des médias sur ce point précis est pour le moins surprenant. Que craignent-ils donc en se contentant de mettre sur la place publique ces révélations, de gloser sans fin sur les avantages et les inconvénients de la transparence tout se gardant bien d’en tirer les conséquences qu’elles impliquent ? »

Reynald Harlaut


Pour mémoire, le parcours ministériel de Nicolas Sarkozy :

Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales (07/05/2002-30/03/2004). Gouvernement Raffarin I et II.
Ministre d’État, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (31/03/2004-29/11/2004). Gouvernement Raffarin III.
Ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire (2/06/2005-26/03/2007). Gouvernement Villepin.

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