24 juillet 2010

Quelques réflexions au débotté

Si j'en juge par les discussions de café du commerce, l'affaire de l'écrêtement des indemnités du maire de Louviers fait « causer ». Nombreux sont ceux qui ignoraient le montant total des indemnités d'un élu moyen non par ses capacités mais par l'importance des collectivités qu'il administre. Une ville de 18 700 habitants et une agglomération de 65 000 âmes ne sont tout de même pas des monstres à gérer surtout quand l'argent vient à manquer. Sylvia Makaert, une correspondante attentive des blogs locaux, précise bien que le dynamisme d'antan en a pris un sérieux coup à Louviers et que le maire n'est plus ce qu'il était.

Nicolas Sarkozy a félicité Lance Armstrong, coureur américain plusieurs fois vainqueur du tour de France et participant à celui de 2010 pour la gloire, mais a omis de rendre visite aux coureurs français qui ont, tout de même, gagné six étapes. C'était bien la peine que le président interroge Alberto Contador sur le secret des Espagnols, vainqueurs de la coupe du monde de football et sans doute futur vainqueur du tour de France. Le président n'aime que les hommes d'exception, ceux qui gagnent et ceux qui travaillent plus pour gagner plus. Pas comme les salariés de General motors qui vont travailler plus pour gagner moins. Ils ne sont pas les seuls dans ce cas.

José Alcala m'a interpellé à plusieurs reprises. Il considère que je ne respecte pas suffisamment la présomption d'innocence d'Eric Woerth. Il affirme que l'homme est irréprochable dans ses fonctions actuelles et que rien n'étaie l'accusation de conflit d'intérêts mêlant sa femme, Liliane Bettencourt, la trésorerie de l'UMP, la campagne présidentielle de Sarkozy. Je suis d'accord avec lui sur un point. Il ne faut pas aller trop vite en besogne.
La prudence commande en effet d'attendre les développements judiciaires. Mais si le « juge » Courroye (qui n'est plus juge mais procureur) continue ses enquêtes préliminaires sans désigner de juge d'instruction, je crains que la vérité des faits soit ignorée pendant longtemps…jusqu'à la date de prescription ?

François Loncle a eu les honneurs du journal Le Monde. Patrick Roger a consacré un bel article à la non réponse de François Fillon à une question écrite posée par mon ami député qui s'étonnait des prises de positions publiques de MM. Guéant et Guaino, conseillers du président de la République. Malgré l'insistance et les relances de François Loncle, il vient d'apprendre — fait exceptionnellement rare et grave — que le premier ministre ne lui répondrait pas. On ne saura donc jamais pourquoi le couple Guéant-Guaino inonde les ondes de leurs points de vue en lieu et place du premier ministre.
François Loncle a également demandé à Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, de rendre public le dossier Tapie. François Loncle considère avec raison que le public doit connaître l'ensemble des questions et des réponses liées aux 285 millions d'euros accordés par une commission arbitrale à l'ancien président de l'OM et ancien repreneur d'entreprises en difficulté. Les mois passent et nous ne pouvons toujours pas lire le rapport de la commission des Finances. François Loncle a le chic pour poser les questions qui dérangent. Qui craint Tapie ? Pas lui en tout cas.

J'ai suivi avec plaisir sur France 2 le court reportage consacré par la rédaction de la chaine à l'impressionnisme en Normandie. Le journaliste a cité Rouen, Honfleur, Le Havre mais il a n'a pas du tout parlé de l'Eure ni de Giverny, ni de Monet…une fois de plus la Haute-Normandie se résume à la Seine-Maritime.
Il faut le faire : illustrer l'impressionnisme en Normandie par l'axe Rouen-Le Havre et par le musée des Beaux-Arts de Rouen est tout simplement réducteur voire simpliste. Je n'irai pas jusqu'à écrire comme le président des radicaux de gauche de l'Eure que notre région est « émasculée » (sic) parce que la Normandie est divisée en deux.

23 juillet 2010

David Douillet ose tout

David Douillet était un bon et grand judoka. S'il a été élu député, c'est plus pour sa médaille d'or aux jeux olympiques que pour ses qualités d'homme politique. Et pourtant. Sa campagne électorale législative a été affligeante de médiocrité. A l'Assemblée nationale, il a déjà la réputation d'un député-godillot. Autrement dit, David Douillet n'aurait jamais dû abandonner les tatamis où il est visiblement plus à l'aise qu'à la tribune du Palais Bourbon.

Et pourtant. David Douillet vient de déclarer publiquement sa candidature aux fonctions de ministre des sports. On sait qu'il est l'un des chouchoux de Nicolas Sarkozy. Que le président veut se séparer de Rama Yade, esprit libre, et que le changement de gouvernement de l'automne verra tomber, en plus des feuilles, quelques têtes de ministres et de secrétaires d'Etat.

Et pourtant. J'aimerais bien connaître les qualités particulières de David Douillet lui permettant de postuler à une responsabilité gouvernementale. Le cas Laporte devrait, aurait dû, mettre le président en garde contre une nomination de complaisance. L'ancien entraîneur de l'équipe de France de rugby a rapidement montré ses limites et je ne doute pas que David Douillet saura l'imiter.

Placer un copain au gouvernement devrait s'appuyer sur des compétences et non sur une notoriété acquise dans une niche très spécialisée. Réussir uchi mata et osoto gari ne préjugent pas de la bonne conduite de la politique sportive en France.

22 juillet 2010

La fuite en avant de Nicolas Sarkozy

« Nicolas Sarkozy est pris à son propre piège. À force de gesticuler et de dire aux Français tout et son contraire, ils ne l’écoutent plus. Pire, ils ne l’entendent plus. Le discrédit qu’apportent chaque jour sur sa personne et sur son gouvernement de nouvelles révélations sur leurs pratiques insensées fait monter l’exaspération des citoyens. Le premier objectif de nos gouvernants paraît n’être pas de servir l’État, mais de se servir, eux et leurs riches amis du XVIème et de Neuilly. Ils vivent ainsi sans aucun complexe, tels des parasites, sur le dos du contribuable auquel ils ont encore l’audace de réclamer davantage d’efforts et de sacrifices.

Nicolas Sarkozy a beau dire et beau faire, l’enfumage ne fonctionne plus. Alors, rompant une fois de plus le pacte républicain dont il est le garant, il cherche, comme avant lui dans les pires moments de l’histoire la droite, mais encore plus l’extrême droite, savent le faire, des boucs émissaires.

L’épouvantail de l’insécurité étant désormais le seul moyen qui lui reste pour tenter de reprendre pied, il en use et en abuse. Et comme croît, nous le répétons, la désespérance et l’exaspération, chaque nouvelle flambée de violence croît hélas en intensité. Et la répression policière, organisée par le ministre de l’Intérieur Hortefeux prend de nouvelles formes, de plus en plus inquiétantes.

Qu’on ne se méprenne pas. Nous ne prendrons pas ici la défense de ceux qui tirent à balles réelles sur des policiers. Mais, contre une poignée d’individus dangereux, punir ainsi tout un quartier ou une communauté en envoyant tourner des nuits entières au-dessus de leurs têtes des hélicoptères équipés de projecteurs, où se croit-on ? En Afghanistan ? Dans une guerre anti-terroriste ? Cette façon de faire est de la pure provocation et ne peut qu’aggraver à terme une situation tendue à l’extrême.

Et c’est ce moment que choisit Nicolas Sarkozy pour annoncer la tenue d’une réunion le 28 juillet à l’Élysée, chargée d’examiner les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms". Hier, à 18H00, à Caudebec-lès-Elbeuf, sur le Clos Allard, un terrain en bord de Seine bordé par la Voie de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – cela ne s’invente pas – qu’occupent plusieurs fois par an les gens du voyage, pas moins de trois cars de CRS étaient stationnés à quelques mètres du campement. Si ce n’est pas là de la provocation, cela y ressemble à s’y méprendre.

Nicolas Sarkozy joue avec le feu. Il joue un jeu extrêmement dangereux. Et l’on voit parfaitement ce qu’il espère : une « bonne » flambée de violence comme en 2005, qui flanquerait une peur salutaire aux Français, leur ferait oublier tout le reste, et, espère t-il, les ressouderait derrière lui. C’est dans ce piège qu’il ne faut surtout pas tomber. »

Reynald Harlaut

19 juillet 2010

Le philosophe Marcel Gauchet : « Nicolas Sarkozy n'a pas le sens de l'institution »

« L'affaire Bettencourt réactive le contentieux entre le peuple et les élites. » Tel est le titre d'un article paru dans le journal Le Monde daté des 18 et 19 juillet. L'historien et philosophe Marcel Gauchet estime qu'on assiste à une remise en question du pouvoir sarkozien.

J'ai retenu les passages suivants particulièrement signifiants.

« L'épisode réactive un contentieux larvé entre le peuple et les élites. Sarkozy avait donné l'impression d'être conscient du problème et de vouloir modifier les choses. Il ne l'a pas fait, et même, par certains côtés, il a aggravé le malaise, par son style de star égocentrique et autoritaire.
En France, les élites (un mot que je n'aime pas mais il n'y en a pas d'autres) ont une haute opinion d'elles-mêmes et ne se rendent pas compte du fossé qui les sépare de la population. Elles entretiennent à son égard un mépris bienveillant. Elles veulent son bien, mais elles estiment que leurs mérites éminents doivent être récompensés.
Quand M. Joyandet ou M. Estrosi prennent un avion privé à prix d'or pour rentrer à Paris plus vite, ils le font avec une parfaite bonne conscience, pensant que l'importance de leur personne et de leur fonction le justifie. »


Marcel Gauchet poursuit : « L'homogénéité des façons d'être et de penser l'emporte, j'en ai peur, sur les partages politiques, même si la droite et la gauche ne sont pas tout à fait pareilles. Il y a plus de connivence avec les puissances d'argent à droite et plus de système de distribution de postes à gauche. Sarkozy avait promis que ça changerait, cela faisait partie de la rupture, et rien ne s'est passé.»

…« Pour qu'il y ait révolution, il faut qu'il y ait un programme révolutionnaire. On se met en route au nom d'une espérance, d'une vision de l'avenir, d'un sentiment que d'autres solutions sont à portée de main. Or, nous sommes dans des sociétés dont le climat moral est dépressif, parce qu'elles sont confrontées à des problèmes dont elles n'ont pas la solution. On le voit bien avec la crise économique et la difficulté à trouver des modes de fonctionnement alternatifs. Le climat de la société française n'est pas révolutionnaire, mais il est habité par une révolte sourde et un sentiment de distance radicale à l'égard du personnel dirigeant. »

« Ce n'est pas la démocratie en tant que telle qui est remise en question, c'est la manière dont certains en profitent. Le culte de la chose publique est plus fortement intériorisé en France que partout ailleurs.
Les gens sont donc très choqués quand les individus au pouvoir se comportent en individus privés. La plus grande faille de Nicolas Sarkozy, c'est qu'il n'a pas le sens de l'institution. Le côté privé du personnage prend toujours le dessus. Il n'arrive pas à être un homme d'Etat. »

18 juillet 2010

L'affaire Woerth-Bettencourt démontre que le juge d'instruction demeure indispensable

Le procureur Courroye refuse de communiquer les transcriptions des bandes enregistrées chez Liliane Bettencourt à la juge Prévost-Desprez et illustre ainsi de manière éclatante le parti pris qui est le sien. Une partie de bras de fer est donc engagée entre le parquet et les juges du siège à qui la cour d'appel de Versailles a pourtant donné raison.

La preuve que cette enquête se déroule de façon très étrange est que Mme Bettencourt, responsable au premier chef, n'a pas été entendue par la justice dans l'affaire qui désormais porte son nom. L'avocat de Claire Thibout, la comptable, y voit les effets de l'amitié qui lie le procureur Courroye à Nicolas Sarkozy qui, rappelons-le, l'a fait nommer à Nanterre contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Cet avocat souligne même les conditions très favorables aux gardés à vue des perquisitions effectuées chez eux. Il n'hésite pas à affirmer que des documents compromettants ont été dissimulés voire détruits.

Voilà comment fonctionne la justice en France. D'ailleurs Eva Joly, députée européenne et ancienne juge d'instruction, porte un regard courroucé sur le déroulement de l'affaire-Woerth. Elle aussi considère que le procureur Courroye devrait passer la main très vite à un ou plusieurs juges d'instruction, les seuls à pouvoir mener des investigations à l'étranger, en Suisse, aux Seychelles ou au Liechtenstein, tous pays cités dans l'affaire pour des comptes à l'étranger et supports d'une éventuelle fraude fiscale.

On comprend mieux, aujourd'hui, à la lumière de l'affaire en cours pourquoi le pouvoir veut supprimer le juge d'instruction. Faire du procureur le seul enquêteur opérationnel, c'est prendre un énorme risque avec un déséquilibre flagrant entre les parties. Le procureur Courroye (à son corps défendant) rend un immense service à tous les magistrats, avocats, hommes politiques, qui se battent pour le maintien du juge d'instruction. Quel paradoxe !