24 septembre 2010

Jean-Luc Touly réintégré chez Véolia !


Jean-Luc Touly a eu les honneurs de la dernière page de Libération, hier. Ce n'est que justice. Le grand quotidien national souhaitait saluer la réintégration du pourfendeur des multinationales de l'eau au sein de la société…Véolia. Jean-Luc Touly, que nous avions invité à Val-de-Reuil pour une conférence sur les méthodes de Véolia qu'il connaît bien, a depuis roulé sa bosse. Non seulement il est devenu conseiller régional (Europe Ecologie) d'île de France mais en plus, il vient d'être désigné par l'assemblée que préside Jean-Paul Huchon pour occuper un siège au sein du comité de bassin de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Une nomination qui a eu le don de mettre M. Santini en colère, lui qui avait réussi à l'éjecter du SEDIF où il représentait la commune de Wissous.

Que peut-on lire dans Libération ? « Ce sera un premier bouquin, l’Eau de Vivendi, les vérités inavouables (Alias). «J’allais au-devant des ennuis, licenciement programmé, convient-il. Mais ma femme m’a encouragé.» La CGT lui ayant chichement mesuré son soutien, suivra un second, l’Argent noir des syndicats (Fayard). De l’art de se faire deux ennemis pour le prix d’un.
Son licenciement sera motivé par une condamnation en diffamation. C’est du moins le prétexte que prendra le ministre du Travail d’alors, Gérard Larcher, actuel président du Sénat, pour autoriser son éviction en dépit de ses mandats syndicaux et prud’homaux. «Le ministre a commis une erreur de droit, a rectifié cet été la cour administrative d’appel. L’autorité n’est pas dispensée de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.» Sinon, c’est la double peine pour délit d’opinion syndicale.
Entre-temps, Jean-Luc Touly n’a pas mégoté ses engagements. D’abord chez Attac : «Une bouffée d’oxygène, je pouvais enfin parler des enjeux de l’eau sans qu’on me regarde de travers.» Puis chez Anticor (une association anticorruption) et surtout auprès de Danielle Mitterrand. Jusqu’à se faire élire au conseil régional d’Ile-de-France sous l’étiquette Europe Ecologie.
C’est donc un activiste tous azimuts que Veolia est contraint de récupérer en son sein. A mi-temps, l’autre restant consacré à Tatie Danielle, particulièrement remontée contre la marchandisation de l’eau, un concentré à ses yeux de la mondialisation. Dans le sillage de sa fondation, France Libertés, ils ont créé l’Acme (Association pour un contrat mondial de l’eau). »
Il gère les 166 fontaines publiques de la rive droite de Paris, l’un des derniers marchés conservés par Veolia dans la capitale. Le Paris de Bertrand Delanoë étant en pleine phase de retour en régie municipale grâce aux aimables conseils de Jean-Luc Touly…
«…Désormais intraitable sur la question des fontaines, leur alimentation, leurs horaires de fonctionnement, Jean-Luc Touly conserve un agenda militant plutôt chargé en compagnie de Danielle Mitterrand. Une visite à Martine Aubry, maire de Lille, qui vient de réclamer 110 millions de pénalités à son distributeur d’eau, une descente chez Bernard Poignant, maire PS de Quimper, qui entend rempiler avec Veolia. Et grosse mobilisation à venir sur la diffusion du film Water Makes Money (1) nouvelle salve en mode audiovisuel contre les marchands d’eau. Toujours avec sa même méthode : débonnaire, souriante, discutante. Mais également intransigeante. Ne jamais oublier qu’il a baptisé l’un de ses trois enfants Andreas, comme Baader, de la bande du même nom.
Cet omnimilitant est aussi élu local de Wissous (Essonne), réussissant à se faire nommer représentant auprès du Sedif (Syndicat des eaux d’Ile-de-France), regroupant 144 communes de la banlieue parisienne. Le premier marché de distribution d’eau en France, bastion historique de Veolia. Aux bons soins d’André Santini qu’on aurait tort de résumer à ses cigares ou à ses blagues : président du Sedif depuis un quart de siècle, c’est l’homme de l’eau par excellence. »

(1) Film que nous avons diffusé en avant-première, mardi, au cinéma Forum de Louviers.

Du Berry aux ponts de Rouen

Court voyage dans le Berry. Courtes rencontres avec des artistes de la céramique. Visite du Musée de la Borne, du centre de céramique contemporaine et étape émouvante chez Jean Linard, disparu cette année. Son œuvre lui survivra-t-elle ? Que vont devenir sa maison construite de ses mains, sa cathédrale, œuvre mystique, œcuménique et monument pour la paix ? Anne-Marie son épouse cherche une collectivité responsable capable de mesurer l'apport unique de Jean Linard à l'art contemporain…ou un mécène dont le coup de cœur lui interdirait de résister à l'achat de l'immobilier et au lancement d'une nouvelle étape de vie de ce lieu insolite ?

La soirée cinéma (1) consacrée aux pratiques des grandes multinationales de l'eau et de l'assainissement a été un très beau succès. Plus de 70 personnes étaient présentes au cinéma Forum pour « contempler » Véolia et Suez environnement à l'œuvre dans tous les pays du monde. Pour ce qui nous concerne, un débat franc, parfois vif, a opposé les dirigeants régionaux et locaux à des spectateurs majoritairement désireux de voir tous les services publics revenir dans le giron des élus. Le travail mis en œuvre par l'Association pour l'amélioration de l'environnement et du cadre de vie se poursuivra avec patience et opiniâtreté.

La preuve ? Au cours de la réunion de la commission consultative des services publics tenue au siège de la CASE, Patrice Yung, vice-président a reconnu que, si les élus le souhaitent, la date butoir des contrats en cours avec Véolia tombera le 2 février 2015 en application de l'arrêt du Conseil d'Etat dit arrêt Olivet qui interdit de passer des contrats de plus de vingt ans dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. C'est ce que nous affirmons depuis des mois malgré les affirmations contraires du président de la CASE. Pour lui, l'échéance demeure 2024, contre toute évidence. Nous ne doutons pas que le premier vice-président de la CASE saura ramener le président à la raison.

Arrivée dans le monde des blogs d'un Saint-Thomas à la fois touché par la grâce et déjà en disgrâce. Sous des dehors aimables l'auteur des textes se livre à des attaques frontales nourries d'une connaissance plus que sommaire de l'histoire locale. Il ne croit que ce qu'il voit : nous aussi mais alors qu'il dise son nom et ne se réfugie pas, lâchement, derrière un anonymat malheureusement de plus en plus répandu sur la toile! Il ajoute être parti de rien et arrivé à pas grand-chose. Qu'il y retourne comme dirait Pierre Dac.

Immense succès des manifestations régionales contre la réforme des retraites. A Evreux, on comptait 12 à 13 000 manifestants. A Rouen, où je me trouvais, les ponts sur la Seine étaient noirs de monde. Cette opposition majoritaire dans le pays, va finir par porter ses fruits. Si le gouvernement ne recule pas, il percutera de plein fouet le mur de l'incompréhension.

(1) Soirée organisée par l'Association pour l'amélioration du cadre de vie et de l'environnement et le retour en régie publique des services délégués.

23 septembre 2010

Dérive sécuritaire à l’école.

Image Agora vox

« Jusqu’à présent, le partenariat entre l’école et la police se limitait à la désignation d’un policier référent, en poste dans le commissariat le plus proche. La Ligue des droits de l'homme n’est pas, par principe, hostile à un travail conjoint entre ces deux institutions. Encore faut-il que cette collaboration soit rigoureusement encadrée et ne donne pas lieu à des dérives comme celles qui se sont produites l’an dernier dans plusieurs établissements du Gers.
Lors de cette rentrée, cette collaboration prend toutefois un tour différent avec l’installation dans l’enceinte même des établissements scolaires d’un policier en tenue et en arme. Cinquante-trois établissements devraient être concernés par cette initiative. Tout comme la suppression des allocations familiales pour les parents considérés comme démissionnaires, cette mesure constitue l’un des volets du plan de lutte contre la violence scolaire annoncé par Nicolas Sarkozy en mai dernier. Outre le fait que le choix du premier établissement concerné par le dispositif semble contesté par l’ensemble de l’équipe éducative, la LDH s’inquiète de voir qu’une fois de plus, le gouvernement préfère mettre en avant une mesure démagogique, qui brouille les missions respectives de l’école et de la police, plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes de l’école.
Ce n’est pas de policiers dont l’école a besoin et cette mesure ne correspond ni aux demandes des parents, ni à celles des enseignants, ni à celles d’ élèves qui se sentent lourdement stigmatisés. L’école a besoin d’un renforcement des équipes éducatives, d’enseignants formés, et dans les établissements difficiles, ce n’est pas la présence, quelques heures par semaine, d’un policier armé qui pourra résoudre les problèmes.
La LDH constate qu’une fois de plus, le gouvernement de Nicolas Sarkozy fuit ses responsabilités et se contente d’une réponse essentiellement sécuritaire qui, heureusement, trompe de moins en moins nos concitoyens. »

(Communiqué de la Ligue des droits de l'homme)

20 septembre 2010

« Ce cochon de Morin » d'après Guy de Maupassant

« Ça, mon ami, dis-je à Guy Auzoux, tu viens encore de prononcer ces quatre mots, “ ce cochon de Morin ”. Pourquoi, diable, n’ai-je jamais entendu parler de Morin sans qu’on le traitât de “ cochon ”? »

Guy Auzoux, conseiller régional sortant, me regarda avec des yeux de chat-huant. « Comment, tu ne sais pas l’histoire de Morin et tu es de Pont-Audemer ? »
J’avouais que je ne connaissais pas l’histoire de Morin. Alors Auzoux se frotta les mains et commença son récit…

- « Tu as connu Morin, n’est-ce pas, et tu te rappelles son grand magasin de mercerie de la rue de la République ?

- Oui, parfaitement.

- Eh bien, sache qu’en 2006, las de vendre du ruban à faire des légions d’honneur et des boutons de culotte en corne, il décida de monter à Paris. Mais auparavant, et pour leur dire adieu, il réunit ses amis, un jour de marché à Épaignes, à l’auberge du Beau Carré. Plus jeune, déjà, il avait été tenté par le démon de la politique. Il s’était mis à fréquenter assidûment les réunions publiques. Dans les comices agricoles, il avait eu l’occasion d’observer à l’œuvre le représentant que la vieille aristocratie rurale s’était donnée. Et pas n’importe lequel : un prince, issu de l’illustre famille Poniatowski, parente d’un roi de Pologne, et qui comptait dans ses ancêtres nombre de maréchaux d’Empire, de ministres et de diplomates. Lui, le petit bourgeois, mesurait alors en l’écoutant la distance qui le séparait de sa condition de roturier. À force de ronds de jambe, de coups d’épaules pour se propulser au premier rang de l’assistance et se pousser du col, il parvint toutefois à se faire remarquer de l’élu de la nation qui finit par le prendre en sympathie. C’est ainsi qu’il put, grâce à cet appui opportun, faire ses premières armes en politique et conquérir sans coup férir la mairie d’Épaignes, modeste bourg des tréfonds de l’Eure. En normand avisé qu’il est, il avait très tôt compris que pour réussir dans la carrière, rien ne vaut mieux que de défendre les idées partagées par tous. Il admirait alors secrètement un certain François Bayrou dont il lui semblait que le destin national auquel aspirait ce béarnais pourrait un jour l’aider à sortir de sa modeste condition d’élu local. Car il ne manquait pas d’ambition. Cependant, pour exister, il lui fallait aussi se faire remarquer. Longtemps, il chercha dans sa tête l’idée qui lui permettrait de se distinguer, et de briller. Une idée lumineuse qui lui vaudrait les honneurs de la presse et l’empressement des journalistes autour de sa personne. Le jour même où il la trouva, sa décision fut prise.

- « Mais », demandais-je à Auzoux, « quelle était donc cette fameuse idée ? »

- Il en réserva la primeur à ses amis, qu’il réunit disais-je, pour déjeuner à l’auberge du Beau Carré. C’était en novembre, le 26 novembre 2006 exactement. Entre la poire et le fromage, alors que les visages commençaient à s’empourprer et les yeux à briller, Morin se leva, et, comme on le fait d’ordinaire avec la clochette à la messe, fit tinter son verre en le frappant de son couteau pour obtenir le silence. L’instant d’après, il leur annonçait sans précautions oratoires qu’il allait réunifier la Normandie. Et pour donner à sa déclaration tout le lustre qu’elle méritait, il les invita à se lever et à en prendre avec lui l’engagement. Le serment d’Épaignes était sur les fonts baptismaux et la date en resterait gravée à jamais dans l’histoire de la Normandie, à l’égal de celle du traité de Saint-Clair-sur-Epte. S’ensuivit le bruit des verres s’entrechoquant que levèrent à l’unisson les conjurés afin de célébrer dignement l’évènement.

Auzoux repris alors sa respiration. J’en profitais.

- Et qui étaient ces conjurés ? Donne-moi au moins quelques noms !

- « Oh ! », me fit-il, « des députés, des sénateurs du cru sans grande importance, tous notables provinciaux blanchis sous le harnais, propriétaires, férus d’histoire locale, nostalgiques de la Normandie de leurs aïeux que l’idée audacieuse de Morin séduit d’emblée. Un seul d’entre eux paraissait différent, de par son âge et sa tenue quelque peu négligée. Singulièrement, au milieu de ces costumes cravates bien coupés, il portait une veste froissée, comme s’il avait dormi avec, et un pantalon de toile dépareillé. Il se disait alors centriste, ou bien peut-être même Radical de Gauche, ce qui ne manqua pas au début d’éveiller les soupçons des autres convives, presque tous anciens Républicains indépendants bon teint. Il dut sans doute pour cela leur donner quelques gages de son allégeance à la cause. On s’aperçut très vite que l’homme, habile manœuvrier, était beaucoup moins radical qu’il ne s’affichait et encore moins à gauche qu’il n’y pouvait paraître au premier coup d’œil ».

- Ne me dis pas qu’il s’agissait de Martin ?

- Martin ! Si, bien sûr, c’était lui…, Martin, Franck Martin. Celui de Louviers. Certains, à son sujet, aimaient à répéter cette vieille plaisanterie en vogue sous la IIIème République à propos des Radicaux : qu’il était comme un radis, rose à l’extérieur et blanc à l’intérieur.

- Et que se passa t-il ensuite ?

- Ils jurèrent de se revoir bientôt et se séparèrent.

- Mais de Morin alors, qu’advint-il ? Qu’entreprit-il après qu’il fut arrivé dans la capitale ?

- Morin à Paris, on fut sans nouvelles de lui pendant quelque temps. Loin de la Normandie, loin du cœur, on eut assez vite le sentiment que la vie parisienne, ses plaisirs et ses nouvelles rencontres lui avaient quelque peu fait perdre de vue le fameux serment. La première fois qu’il se présenta dans un pince-fesses comme maire d’Épaignes, il eut l’impression qu’on le regardait avec…, dirons-nous, …une certaine curiosité. Bien évidemment, personne à Paris n’avait entendu parler d’Épaignes ; tous ignoraient où diable ça pouvait se nicher, et de surcroît, ils s’en moquaient bien. « Maire d’Épaignes, maire des Peignes…, des peignes quoi ? » se hasardèrent à lui demander les plus audacieux avec un sourire entendu. Il se lançait alors dans des explications qui rapidement lassaient ses auditeurs. Maire d’Épaignes, cela posait son homme dans l’arrondissement de Pont-Audemer, mais à Paris, il allait lui falloir rapidement trouver autre chose pour briller.

- Dis-moi, à cette époque, la campagne pour l’élection présidentielle de 2007 avait déjà commencé, n’est-ce pas ?

- Oui, et c’est ainsi qu’on ne tarda pas à apprendre que Morin participait activement à la campagne du Béarnais. Centriste droitier comme lui, il parvint avec application et méthode à se rendre indispensable et devint rapidement l’un de ses principaux lieutenants. Notre Morin, faut-il le préciser, se voyait déjà ministre. De quoi, il ne savait pas trop. Il hésitait encore sur le choix du portefeuille. Habitué à tenir les comptes de sa boutique, il se serait bien vu aux Finances, ou à la rigueur, et puisqu’il s’occupait aussi du jumelage, aux Affaires étrangères. Cependant, les semaines passaient et le Béarnais, ombrageux, ne décollait pas dans les sondages. Il avait beau se démener et se faire photographier dans sa ferme et sur ses terres conduisant son tracteur, rien n’y faisait. Et pendant ce temps là, son principal concurrent, Nicolas Sarkozy, labourait largement ses plates-bandes.

- Je m’en souviens parfaitement. Plus le Béarnais disait du mal de lui, et plus il perdait du terrain.

- Notre homme s’en inquiétait qui voyait de jour en jour s’assombrir son horizon. Comment, se demandait-il, sortir de cette impasse dans laquelle il s’était fourvoyé ?

- N’était-il pas déjà trop tard pour tourner casaque et laisser le Béarnais à ses chevaux ?

- Là, je dois t’avouer qu’il fit usage du don qu’il a de sentir d’où vient le vent avant que celui-ci ne commence à souffler. En quelques jours, avec l’aide de complices dont un certain Leroy, Morin créa un parti qui, comme une lessive, fut séance tenante baptisé du nom indémodable de « Nouveau Centre ». Sitôt fait, il déserta le camp du Béarnais et se rallia avec armes et bagages à Sarkozy, lequel n’attendait que cela pour achever son adversaire.

- Tout de même, Sarkozy, n’était-ce pas autre chose ? Il n’avait vraiment rien d’un centriste.

- Naïf que tu es ! En politique, la plupart du temps, la fin justifie les moyens. À Louviers, Martin n’a jamais dit autre chose pour justifier ses coups tordus. Et les hommes autant que les femmes ont la mémoire courte. Tout cela s’oublie rapidement.

- Tout de même, c’est une trahison !

- « Tu emploies les grands mots ! » s’exclama Auzoux. Puis il me glissa à l’oreille « Tu sais, un portefeuille de ministre de la Défense, cela vaut bien quelques petits sacrifices. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. De maire d’Épaignes à se retrouver ministre de la Défense, observe le chemin parcouru ! Désormais, quand il revient là-bas dans son fief, on vient le toucher comme s’il avait le pouvoir de guérir les écrouelles ou d’accomplir des miracles. Bon, en réalité, il ne dirige rien car c’est l’autre, à l’Élysée qui commande tout. Mais tout de même, il porte le titre. À Épaignes, c’est ce qui compte ».

- Mais ne crois-tu pas, même s’il présente bien, qu’on va finir par s’apercevoir un jour qu’il ne sert à rien ?

- Bien sûr, cela eut fini par se savoir, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car depuis, le vent a de nouveau tourné. C’est pourquoi à présent, il prend ses distances avec le président de la République qu’il se permet de critiquer ouvertement. Tu verras, au prochain remaniement, il quittera le Gouvernement. Il a déjà compris qu’il allait devoir trouver un nouvel allié pour la suite. Il prend date. Il se vendra le moment venu au plus offrant ».

- « Ah, le cochon ! » m’exclamais-je.

- Auzoux me regarda alors droit dans les yeux et me fit part de son dépit : « Tu ne crois si bien dire. Moi, il m’a éjecté du conseil régional où je siégeais depuis six ans, au bénéfice d’un de ses nouveaux amis, en me refusant l’investiture de son Nouveau Centre aux dernières élections. Et pourtant, je n’avais pas été regardant pour donner à son ancien parti les moyens d’exister. Si tu vois ce que je veux dire. Tu comprends à présent pourquoi il est ainsi affublé de ce qualificatif ».

- Je comprends. Mais c’est pourtant lui qui t’a saigné.

- « Heureusement pour moi », ajouta-il, « j’ai pu me recaser au conseil général, en battant Martin aux dernières cantonales. Tu sais, cela n’a pas été trop difficile. Il n’avait rien fait pendant six ans, vivant sur la bête en se contentant d’encaisser les indemnités. Cela aussi commence à s’ébruiter ».

- C’en est vraiment un autre que celui-là ! Si tu savais…

- « Écoute ! », conclut Auzoux, « C’est à charge de revanche. Maintenant, je dois partir, mais la prochaine fois, ce sera toi qui me raconteras l’histoire de ce cochon de Martin. Tu m’as l’air d’en connaître long sur son compte ! »


Reynald Harlaut d’après Guy de Maupassant
Libre adaptation de la nouvelle « Ce cochon de Morin ».
Extraite des Contes et Nouvelles, Tome I.

19 septembre 2010

Le pape travaille un peu trop de la tiare

En visite officielle au Royaume-Uni, Benoît XVI a fait à Édimbourg, dans son discours de remerciements à la reine Élizabeth venue l’accueillir, une de ces sorties insensées dont il a le secret :

« De notre vivant, nous pouvons nous souvenir de la manière dont la Grande-Bretagne et ses dirigeants se sont dressés contre la tyrannie nazie qui voulait éradiquer dieu de la société et nier toute humanité à certains, en particulier les juifs, qui étaient jugés indignes de vivre. Tandis que nous méditons sur les leçons de l'athéisme extrême du XXe siècle, n'oublions jamais comment l'exclusion de dieu, de la religion, et de la vertu de la vie publique conduit finalement à une vision déformée de l'homme et de la société, et donc à une vision réductrice de l'individu et de son destin ».

En clair, l’athéisme conduit au nazisme. Ce lamentable amalgame, va sans aucun doute rendre jaloux notre chanoine d’honneur de Latran, lui qui disait en 2007 que « l’instituteur ne remplacerait jamais le curé ». Il y a là de quoi faire bondir les tenants de la laïcité à la française que nous sommes. C’est comme si on disait qu’à force de s’habiller en filles avec des robes, les curés en viennent naturellement à s’intéresser aux garçons. J’ai hâte de lire ce que va en dire notre vieil ami Siné sur son blog mercredi prochain.

Dans le même temps, ce raccourci pervers présente pour lui un avantage indubitable. Car il laisse à penser que lui, l’ancien membre des jeunesses hitlériennes, n’a été sauvé de l’infamie que parce qu’en dépit de tout il avait conservé sa foi. Diablement malin le Ratzinger ! Sacré Joseph, va !

En vérité je vous le dis, notre monde va de Charybde en Scylla. Rendez vous compte, ses fins de mois sont si difficiles qu’il est obligé de faire payer les places à ses messes, comme n’importe quel chanteur de variétés à ses concerts. Ah ! S’il pouvait revenir, le bon vieux temps des indulgences, tout serait tellement plus facile !

Reynald Harlaut
Source : Rue89