14 avril 2011

Sortir du nucléaire, c’est aussi sortir du Traité de Lisbonne


La centrale de Penly (Seine-Maritime)
« En France, des voix s’élèvent depuis longtemps pour exiger la sortie du nucléaire. Mais pour beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens, Tchernobyl, c’était déjà très loin – un quart de siècle – et on n’en parlait plus guère dans les médias. Et puis, Tchernobyl, c’était au temps de l’URSS, un temps où dans les pays du bloc communiste, le pouvoir étant aux mains d’apparatchiks irresponsables et du conglomérat militaro-industriel, on faisait peu de cas de la sécurité nucléaire et encore moins des risques qu’on faisait courir aux populations.

Un accident nucléaire aux conséquences de l’ampleur de celui de la catastrophe de Tchernobyl n’était donc même pas envisageable en France, nous affirmait-on. D’ailleurs – et cela est vrai – nous n’utilisions pas le même procédé et le même type d’installations, et qui plus est, le nuage radioactif avait été prié par le fameux professeur Pellerin de ne pas franchir les frontières de notre beau pays.

Vingt-cinq ans après, le cauchemar nucléaire est de retour. Et pas dans n’importe quel pays ; pas dans un de ces improbables pays aux régimes imprévisibles. Au Japon, l’un des pays les plus avancés dans le développement et la technologie. Un pays qui compte une des plus fortes densités d’ingénieurs au monde. Un pays sérieux, quoi ! L’argument développé selon lequel l’accident de Tchernobyl était un cas isolé a donc fait long feu.

Il faut se rendre à l’évidence. Quelle que soit la sophistication des systèmes de sécurité, le risque demeure et, pour cette raison, au vu des conséquences dramatiques et irréversibles qu’elle fait courir aux populations de la planète, il faut cesser d’avoir recours à la technologie nucléaire.

Ceci étant posé, aucun des problèmes n’est résolu. Et à cela plusieurs raisons. La sortie du nucléaire, choix hautement politique, ne pourra se faire, quand bien même elle serait décidée et mise en œuvre par un prochain gouvernement issu de la présidentielle de 2012, que progressivement, dans une fourchette de temps de vingt à vingt cinq ans. En attendant, il faut faire fonctionner le parc existant jusqu’à son remplacement par d’autres formes d’énergie, renouvelables. Et prendre soin d’arrêter au plus vite les réacteurs nucléaires les plus anciens ou situés dans des zones dont on sait à présent que les risques naturels ont été sous-évalués.

Se pose aussi, au regard de la catastrophe de Fukushima, le problème de la gestion du parc nucléaire. Il apparaît que la gestion privée a totalement failli et par conséquent qu’il est de la plus haute importance d’établir partout, ou de conserver quand c’est le cas, une gestion publique des centrales électronucléaires, seule manière de garantir que la sécurité ne sera pas sacrifiée sur l’autel du profit et pour le seul bénéfice des actionnaires.

Et là, apparaît un très grave problème en Europe. En effet, par la directive du 19 décembre 1996 sur la libéralisation du marché intérieur de l’énergie (1), l’Union européenne a décidé, au nom du dogme qu’elle a fait sien de la concurrence libre et non faussée, de soumettre l’ensemble du marché de l’énergie à la concurrence sur l’ensemble du territoire de l’Union. Pour le gaz, c’est déjà fait, et après la privatisation de GdF au profit de Suez, on voit le résultat. Plus de 20% d’augmentation du prix du gaz aux particuliers en un an. Mais pourrait-on dire, ce n’est hélas là que le moindre mal ! D’autres acteurs privés se sont mis sur les rangs : Poweo et Direct-Énergie pour ne citer que les plus connus en France. Déjà GdF-Suez se positionne pour acheter des réacteurs nucléaires à AREVA.

Quant à EdF, son sort est déjà probablement scellé. La Loi NOME l’oblige à vendre 20% de sa production d’électricité d’origine nucléaire à prix coûtant à ses concurrents directs que sont GdF-Suez, Poweo et Direct-Énergie. Afin qu’ils puissent réaliser des bénéfices… Une histoire ubuesque tout droit issue de la pensée stratosphérique de nos crânes d’œufs libéraux européens.

Sauf à augmenter de 25% à 30% le prix de vente de l’électricité aux particuliers, ce que Pierre Gadonnex, le précédent président d’EdF avait déjà réclamé et qui lui avait valu de se faire débarquer au bénéfice d’Henri Proglio – et priver ainsi les Français de la « rente nucléaire »(2) -, EdF ne disposera bientôt plus des moyens financiers suffisants pour entretenir correctement son parc nucléaire. Déjà envisage-t-on de faire entrer des actionnaires privés dans le capital. Et ainsi, progressivement, de la privatiser. C’est ce que Sarkozy s’apprête à nous vendre.

Faire barrage à cela pour maintenir EdF dans le giron public, c’est s’opposer à Bruxelles et au Traité de Lisbonne, garant des politiques libérales. On voit donc ainsi clairement la conséquence de l’adoption par le Congrès de la France du Traité de Lisbonne, version à peine modifiée du Traité constitutionnel européen de 2005, rejeté à 54% par les Françaises et les Français. Rappelons-nous, qu’en dehors de Laurent Fabius et de Jean-Luc Mélenchon qui, bien que minoritaires au sein de leur parti, avaient courageusement défendu le non au Traité constitutionnel européen, le Parti socialiste est encore très largement favorable au Traité de Lisbonne, comme il le fut au TCE. Ça n’est pas là la moindre de ses ambiguïtés.

Comment sortir du piège libéral ? Le Parti de Gauche a déjà une idée précise de la manière dont il serait possible, sans le dénoncer en totalité, de sortir partiellement du Traité de Lisbonne, en raison que les Français, par leur vote souverain, auraient refusé certaines de ses contraintes. Comme par exemple, en maintenant EdF dans le secteur public et en conservant les tarifs réglementés. Il va donc falloir enfin clarifier les discours. Et que chacun des candidats à la présidentielle explique sans détours, dans le domaine de l’énergie, quelle politique il entendrait mener et quels moyens il mettrait en œuvre pour la faire appliquer. À nous d’être vigilants.

Reynald Harlaut
Parti de Gauche

(1) En France, sous le deuxième gouvernement Juppé.
(2) En France, le programme électronucléaire a entièrement été financé dès le début des années 70 par les deniers publics. Ce choix dont nous, Françaises et Français, supportons le risque majeur, nous permet aujourd’hui de disposer de l’électricité la moins chère d’Europe (d’environ 30%). C’est ce qu’il est convenu d’appeler la « rente nucléaire ». Cet avantage qui n’est qu’un dû, représente aux yeux de l’Union européenne, une distorsion de concurrence intolérable vis-à-vis des

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