7 avril 2011

« Sortir du tout nucléaire » n’est pas « sortir du nucléaire »


« Cela démarre très mal au Parti socialiste et n’augure rien de bon pour la suite. Dans les vingt propositions phares qui ont été dévoilées cette semaine et constituent les bases d’un futur programme de gouvernement, le ver est déjà dans le fruit. Au moins à propos d’un sujet brûlant : la sortie du nucléaire. Que propose le Parti socialiste ? Il propose de sortir du tout nucléaire.

À la première lecture, on se dit : très bien, le PS est enfin en train d’évoluer sur la question. Mais à y regarder de plus près, on commence à s’interroger. Car, si les mots ont un sens, « Sortir du tout nucléaire » ne veut rien dire dans le contexte actuel. D’abord parce que même comme aujourd’hui, avec 80% de l’énergie électrique d’origine nucléaire, la France n’a jamais été le pays du tout nucléaire. Sortir du tout nucléaire serait donc sortir d’une situation qui n’existe pas. Si l’on considère la situation actuelle, avec 20% d’électricité renouvelable d’origine hydraulique, éolienne, photovoltaïque, et fossile non renouvelable (gaz et pétrole), on peut déjà affirmer sans être démenti que la France est sortie du tout nucléaire, vu qu’elle n’y est jamais entrée. On voit donc immédiatement où se trouve le piège.

Demain, on continuera comme hier avec, pour ne pas avoir l’air totalement cynique, quelques points de plus d’énergies renouvelables, et on nous dira dans les yeux qu’on est sorti du tout nucléaire. La belle affaire ! Déjà Europe Écologie – Les Verts montent au créneau pour dénoncer avec raison la supercherie. On peut être certain qu’ils ne seront pas les seuls.

Incorrigible, le Parti socialiste veut à nouveau nous faire prendre les vessies pour des lanternes. Et tente une fois de plus de tricher avec les Françaises et les Français. Il commence en effet à exprimer un des premiers éléments forts de son futur programme par une formule d’une totale ambiguïté. Comment ensuite accorder le moindre crédit aux personnalités politiques issues de ce parti qui auront la charge au cours des primaires, de défendre de telles positions ? Comment accorder la vision d’une Martine Aubry, probablement sincère – accordons-lui le bénéfice du doute – quand elle évoque la sortie du nucléaire, avec le point de vue d’un Dominique Strauss-Kahn ? DSK, qui, lorsqu’il fut ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, fut la cheville ouvrière du rapprochement entre Framatome et Cogema pour aboutir à la création d’ARÉVA, le groupement électronucléaire français de taille mondiale ; et cela va de soi, partisan inconditionnel du nucléaire, tout comme Sarkozy. Sauf à s’en sortir par cette pirouette sémantique.

À la vérité, le Parti socialiste, à force de ratisser large, rassemble en son sein depuis trop longtemps des points de vue inconciliables dans beaucoup de domaines. Et c’est pourquoi, à ne vouloir froisser personne et marier la carpe et le lapin, rue de Solférino, ne coule plus au robinet idéologique qu’un filet d’eau plate, tiède, incolore, inodore et sans saveur. Pas vraiment ce qu’il faut pour relever les défis qui nous attendent.

Reynald Harlaut
Parti de Gauche

Note du publicateurReynald est dans son rôle. Les militants du front de gauche ont raison d'être exigeants avec le PS, futur parti de gouvernement. Je comparais ce matin le PS à un lourd paquebot doté d'une certaine inertie et le Front de gauche à un Zodiac virevoltant sur les flots tempétueux. L'un tire au canon quand l'autre use de la Kalach. Pour conduire la guerre contre la droite, les deux sont utiles car complémentaires. 

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