5 juin 2011

« Dans “capitalisme vert”, le problème, ce n’est pas le mot vert ! »


© Pascal Rossignol / Reuters et Mousse/Abaca / Montage Le Point.fr

Décidément, suivre aveuglément les experts en communication pour organiser la campagne d’un parti politique ou promouvoir des candidats est un exercice risqué. Europe-Écologie – Les Verts en font aujourd’hui la malheureuse expérience. En décidant de confier la candidature de leur parti à des personnalités sans grande expérience politique et sans véritable colonne vertébrale idéologique, mais médiatiquement reconnues, EELV essuie les unes après les autres diverses déconvenues.

Ce fut d’abord Eva Joly dénonçant il y a peu « l’arrogance avec laquelle les Irlandais avaient refusé de ratifier par leur vote le Traité de Lisbonne en 2008 ». En inscrivant le credo du néolibéralisme dans ce qui n’est ni plus ni moins que la copie conforme du Traité constitutionnel européen de 2005, le Traité de Lisbonne interdit tout interventionnisme des États dans la sphère économique, au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. Or, la conversion de l’économie pour la rendre compatible avec les objectifs relatifs au réchauffement climatique ne peut être mise en œuvre sans une politique volontariste des États, interdite par le Traité de Lisbonne. Il ne peut exister de « capitalisme vert » comme voudrait nous le faire croire Daniel Cohn-Bendit.

Ce fut ensuite au cours de la première journée du congrès de La Rochelle Nicolas Hulot qui a semé le trouble en avouant publiquement avoir récemment envisagé un « tandem » avec Jean-Louis Borloo. On sait à présent qui est Borloo et où il se situe politiquement. Ces deux déclarations, venant de personnalités qui chacune dans leur domaine de compétence, ont acquis une notoriété incontestable, sont pourtant porteuses de la négation de ce que fut l’idée fondatrice des Verts : l’écologie politique.

Eva Joly comme Nicolas Hulot n’ont toujours pas compris qu’il n’est pas possible de négocier avec l’oligarchie qui dirige le monde : les forces économiques d’une poignée de sociétés transcontinentales et le capitalisme financier qui poursuivent un seul but : croître et s’enrichir le plus possible et le plus rapidement possible, au bénéfice de quelques uns et au détriment du plus grand nombre. Ces belles personnes n’ont évidemment, quoiqu’elles puissent en dire, aucun égard pour notre planète. Croire, comme on l’a fait en France avec le grotesque « Grenelle de l’Environnement », qu’il suffit de faire asseoir ensemble autour d’une table ces personnes ou ces groupes aux intérêts antagonistes pour que, par la magie de la seule discussion aboutissant au consensus, tous les problèmes soient résolus, tient d’une naïveté affligeante. La planification écologique, qui est un des axes majeurs de réflexion du Parti de Gauche depuis sa création ne pourrait se faire sans contrevenir à certaines des dispositions du Traité de Lisbonne et donc sans affronter le capitalisme qui en est l’inspirateur.

Seul compte en la matière le rapport des forces en présence. La légitimité que donnerait la souveraineté du peuple exprimée par une victoire dans les urnes permettrait de commencer d’établir ce rapport de forces. Tout le reste n’est que fables et autres billevesées. La seule question qui vaut est la suivante : pour accomplir le virage écologique indispensable à la préservation de l’humanité, comment franchir le mur de l’argent qui constitue le rempart derrière lequel est installé le capitalisme ? Et comment ensuite l’affronter sans recourir à la violence ? Si l’on en croit certains économistes – Pierre Larrouturou*, expert d’EELV est de ceux-là –, le rempart ne serait plus aujourd’hui constitué de lingots d’or, mais de vulgaire papier-monnaie sans valeur aucune tant les États-Unis ont, au cours des dernières années, fait fonctionner la planche à billets. Des milliers de milliards de dollars circulent en permanence au-dessus de nos têtes qui n’ont aucune contrepartie réelle. Il se pourrait donc que ce mur de l’argent s’effondre tout seul avant longtemps. Il est malheureusement à craindre que la crise qui en résulterait, telle la vague d’un tsunami, emmènerait tout sur son passage, capitalisme vert compris.

Reynald Harlaut
Parti de Gauche, membre du Front de Gauche

* Pierre Larrouturou, « Pour éviter le krach ultime », Éditions Nova, Paris, 2011

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