6 novembre 2011

La mascarade de Papandréou

Communiqué de Démocratie et socialisme : 

Tout ça pour ça  ! Avec l’annonce d’un référendum grec pour ou contre le plan européen du 26 octobre, le Premier ministre grec avait réussi à faire trembler les oligarques européens et les marchés financiers. Mais tout cela n’était qu’une manœuvre politique pitoyable pour permettre à Papandréou d’obtenir dans la nuit du 4 au 5 novembre un vote de confiance d’un Parlement totalement coupé du peuple grec et, sans doute, de quitter la scène politique en laissant derrière lui un « gouvernement de coalition » regroupant le Pasok (le Parti socialiste grec), quelques formations de droite et une formation d’extrême-droite. 

L’actuel ministre des finances et peut-être futur Premier ministre concluait cette mascarade en allant à ce qui était pour lui était l’essentiel : « Le gouvernement de coalition élargi qui doit être formé devra préserver la crédibilité internationale et assurer le versement rapide de 30 milliards d’euros pour recapitaliser les banques grecques ». Il est cependant possible, en se plaçant du point de vue des peuples européens, de tirer au moins deux leçons de cette pantalonnade. 

 1. Dans un référendum la question posée est déterminante

« Oui ou non au plan européen du 26 octobre »
Au début de son psychodrame, c’est la question que Papandréou affirmait vouloir poser au peuple grec. Cette question transformait la consultation en référendum pour ou contre l’austérité. Mais la réponse négative qui avait toutes les chances de l’emporter ne permettait pas au peuple grec de sortir de l’ornière. La Grèce aurait toujours eu sa dette publique à rembourser et serait resté écrasée sous le poids des intérêts de cette dette comme du remboursement du capital.
« Oui ou non à la zone euro »
Merkel et Sarkozy, tout en « réaffirmant leur profond respect pour le peuple grec » qu’ils écrasent sous le poids de leurs plans d’austérité, ont « convoqué » Papandréou pour lui imposer la date du référendum (décembre et non janvier) et la question posée : « Oui ou non à la zone euro ».
Il n’y avait pourtant aucun lien entre le fait de refuser l’accord du 26 octobre et l’appartenance à la zone euro. Le même Sarkozy qui fulminait : « Quand nous fixons une règle, elle doit être respectée » oubliait la règle qu’il avait fait adopter à la hussarde : le traité de Lisbonne. Car, comme le rappelait la Commission européenne, ce traité ne permet pas qu’un pays puisse quitter l’euro.
Cette question, quelle que soit la réponse apportée, aurait été très mauvaise pour le peuple grec. Si le oui l’avait emporté, cela aurait été aussitôt interprété comme une acceptation de la politique d’austérité. Si le non l’avait emporté, cela signifiait la sortie de l’euro (malgré le traité de Lisbonne), le retour à la drachme, la dévaluation et le remboursement de la dette en drachmes dévaluées qui aurait fini de ruiner l’économie grecque.

« La dette publique grecque est-elle légitime ? »
La seule question qui aurait pu être posée par un dirigeant de gauche, défendant son peuple contre la finance, était celle de la légitimité de la dette. Ce référendum aurait dû être précédé d’un audit parlementaire et citoyen de la dette publique afin d’en analyser en détail les caractéristiques et l’origine et permettre de décider de sa légitimité.

La dette issue de la dictature des colonels est-elle légitime ? La part de la dette qui trouve son origine dans le régime de faveur accordé par la constitution de 1975 aux armateurs grecs à qui elle accorde une immunité interdisant de les soumettre à un quelconque contrôle fiscal et rendant impossible la vérification de leurs comptes est-elle légitime ?
La part de la dette issue de l’exonération de tout impôt (jusqu’en 1970) de la richissime Église orthodoxe grecque est-elle légitime ? La réaction de l’évêque Théoklitos de Ioannina « L’Église de Grèce contribue à l’État lorsque celui-ci fonctionne. Sinon, il n’y a aucune raison de le faire » suffit-elle à rendre cette dette légitime ?
La dette qui trouve son origine dans le non-paiement de leurs impôts par 6 000 entreprises, (chacune étant redevable de plus de 150 000 euros à l’État) pour un total de 30 milliards d’euros et dont le gouvernement avait publié la liste sur Internet est-elle légitime ?
La dette qui trouve son origine dans la multiplication par 20 (pour atteindre 20 milliards), du coût initial des Jeux olympiques d’Athènes est-elle légitime ?
La dette provenant du coût de dépenses militaires représentant 4,5 % du PIB (le plus élevé de l’Union européenne en pourcentage du PIB) et qui n’a subi aucune diminution des achats de matériel, malgré la crise de la dette, pour préserver les intérêts des Thyssen-Krupp et autre Dassault est-elle légitime ?
La dette issue du coût des plans de sauvetage des banques grecques et européennes, baptisée « plan d’aide à la Grèce » est-elle légitime ?
L’augmentation de la dette publique due à la récession dans laquelle les plans d’austérité imposés par le FMI et l’Union européenne ont plongé l’économie grecque est-elle légitime ?

2. L’idée du référendum a été semée
Il restera de la mascarade orchestrée par Papandréou une idée force qui s’est inscrite dans la conscience de nombreux citoyens des pays de l’Union européen: celle que la démocratie, la consultation du peuple pouvait faire trembler les marchés, les oligarques européens et qu’il était donc possible de leur tenir tête.
Quand je dois 1 000 euros à mon banquier, c’est lui qui me tient. Si je lui dois 1 milliard d’euros, c’est moi qui le tiens. Or les dettes publiques européennes représentent plusieurs milliers de milliards d’euros. Ce n’est pas la finance qui nous tient, c’est nous qui la tenons. Encore faut-il le savoir et utiliser ce savoir.
Un gouvernement de gauche qui organiserait un audit de sa dette publique puis un référendum pour que le peuple décide de la dette publique qui est légitime et de celle qui ne l’est pas renverserait le rapport de forces. Ses créanciers seraient prêts à toutes les concessions pour récupérer au moins une petite partie de leurs créances. Comme en Argentine en 2001 ou en Russie en 1998. La réaction des oligarques européens et des marchés financiers à la simple annonce d’un référendum en Grèce vient de nous en fournir une nouvelle preuve.

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