16 juillet 2011

L'atelier sciences po du lycée Marc Bloch : quelques explications par Pascal Jeanne


Passage de l'oral à Paris

Je remercie M. Houel d’avoir évoqué le travail de l’atelier du lycée Marc Bloch. Depuis la signature de la convention avec l’IEP, six élèves de l’établissement ont été admis : Alexia Bourdon et Khadidja Atif en 2008, Grace Loubassou et Charline Rigault en 2009 ont précédé Assia Hassani et Quentin Gossent. Après une année creuse, nous renouons donc avec la réussite, mais je tiens à souligner, comme M. Houel, que tous les élèves qui ont concouru depuis quatre ans (vint-et-un depuis 2008) disposent des qualités – intellectuelles et humaines - nécessaires pour faire des études brillantes à Sciences Po ou ailleurs. En tant qu’enseignant, je suis admiratif face à leur courage et leur détermination. Grâce à eux, je ne peux souscrire à une formule rencontrée récemment dans une lecture de vacances : « l’enseignement est une vertu qui aigrit ».

L’atelier Sciences Po du lycée Marc Bloch fonctionne depuis décembre 2007, nous achevons donc la quatrième année après avoir renouvelé la convention avec l’IEP l’an passé. Ce dispositif exige certaines conditions pour qu’un lycée soit éligible : être classé en ZEP-REP et/ ou avoir une part d'élèves de CSP défavorisées supérieure à 70 % de la moyenne nationale. Pour l’heure, 85 établissements de la France métropolitaine et d’Outre-Mer ont signé une convention avec Sciences Po, soit 29 lycées supplémentaires depuis la signature de cette convention entre l’IEP et le lycée Marc Bloch.
 
En 2007 trois lycées de l’académie de Rouen étaient conventionnés, outre le lycée Marc Bloch, le lycée Schuman au Havre et le lycée Val de Seine de Grand-Quevilly, entrés l’année précédente dans le dispositif ; six autres établissements de l’académie nous ont rejoints : en 2008 Georges Brassens de Neufchâtel-en-Bray et André Maurois d’Elbeuf-sur-Seine, en 2009 le lycée de la Vallée du Cailly de Déville-lès-Rouen et en 2010 Les Bruyères et Marcel Sembat de Sotteville-lès-Rouen ainsi que le lycée André Malraux de Gaillon.

Deux élèves de l’académie de Rouen ont intégré Sciences Po dans le cadre de la CEP à la rentrée 2007 (issus de deux établissements), quatre à la rentrée 2008 (3 établissements), sept à la rentrée 2009 (cinq établissements) et enfin six à la dernière rentrée en septembre 2010 (six établissements). Nous attendons le retour des résultats pour tous les lycées de l’académie, mais avec les 5 élèves admis des deux lycées de l’Eure, 2011 semble être un bon cru pour la Haute Normandie. 

Au niveau national, le nombre d’étudiants admis par la procédure CEP est stable depuis quelques années bien que le nombre de lycées n’ait cessé d’augmenter depuis le lancement du dispositif il y a 10 ans : 127 admis définitifs en 2010 (pour 74 établissements) contre 126 en 2009 (pour 56 établissements). A l’issue des oraux d’admission de ce mois de juillet 2011, on dénombre 127 admis. En attendant de pouvoir disposer des statistiques définitives, nous pouvons observer les chiffres de la session précédente pour mesurer le niveau de sélection dans cette voie d’accès.
 
Pour la session d’admission de juillet 2010, 827 élèves s’étaient engagés dans la constitution d’une revue de presse. A la mi-mai 2010, on dénombrait 362 candidats admissibles, 199 candidats n’ont pas été pris en juillet 2010. Le taux de sélection de la promotion 2010 a été de 16% (contre 14% en 2009).
 Ces 127 admis de 2010 ont fait leur entrée au Collège universitaire en cette année 2010 au sein d’une promotion de 1475 étudiants. Contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, ce n’est pas une admission au rabais.  D’ailleurs, la validité de cette voie d’accès se vérifie dans la suite des études des admis CEP à Sciences Po, elle est en tout point équivalente aux autres étudiants. Le parcours de nos deux premières admises, Alexia Bourdon et Khadidja Atif, en témoigne, elles viennent toutes deux d’achever leur 3e année après avoir passé quelques mois à New York et s’apprêtent à suivre un master.
Gageons que Assia et Quentin suivront la même voie et que Mme Houel  continuera à les suivre avec l’efficacité dont elle a fait preuve durant cette année à mes côtés. Nul doute qu’elle manquera à l’atelier et aux élèves du lycée.

Pascal Jeanne
professeur coordinateur au lycée Marc Bloch


Pour aller plus loin :
Les différents dispositifs d’ouverture sociale :
Les effets de ces dispositifs :
- Ouverture sociale des grandes écoles - Livre blanc des pratiques - Premiers résultats et perspectives, décembre 2010, TAPIE Pierre, DARDELET Chantal :

Pour suivre les activités de l’atelier Sciences Po du lycée Marc Bloch :
depuis 2009, l’atelier a un blog : http://blog.ac-rouen.fr/lyc-bloch-notes/

Attaquer Eva Joly sur sa binationalité n'est pas très joli-joli

La charge de François Fillon contre Eva Joly est purement tactique. Nous entrons en période électorale et Eva Joly vient de triompher dans la primaire des Verts Europe Écologie. Elle possède dorénavant la légitimité d'une candidature destinée à faire émerger l'écologie politique dans le paysage, elle pourra prendre des voix à droite. Peut-on dire que sa sortie sur le défilé militaire du 14 juillet est une erreur de « jeunesse », la preuve d'une certaine naïveté ? Que propose Eva Joly : de remplacer le 14 juillet militariste pour en faire un 14 juillet populaire et républicain. Bien sûr, ce serait remettre en cause un rite, une tradition…et Ségolène Royal s'est dépêchée de critiquer la future alliée du PS tout en attaquant le gouvernement. Mais franchement, sans être antimilitariste, n'a-t-on pas le droit, en France, de faire des propositions iconoclastes ?

Que François Fillon profite de cette occasion pour remettre en cause la francité d'Eva Joly est tout à fait déplacé, voire scandaleux. Elle a raison d'affirmer qu'elle ne descend pas de son Drakkar et qu'elle vit en France depuis plus de 50 ans ! Elle est française et norvégienne, norvégienne et française. Et Alors, la femme de fillon est galloise et française et Carla Bruni-Sarkozy, française et italienne. Remettre en cause l'appartenance d'Eva Joly à la nation n'est pas très joli-joli. On voit bien l'objectif de cette manipulation de l'opinion : aller pêcher les voix du Front national et rassurer les députés UMP de la droite populaire qui exigent la suppression de la binationalité.

Après la mort des six soldats français en Afghanistan, certains commentateurs ont jugé déplacée la proposition de la candidate écologiste. Ces soldats ont été les victimes des « insurgés » Talibans mais aussi d'un certain aveuglement du gouvernement français. Les soldats de notre pays sont là-bas depuis 10 ans ! La lutte contre le terrorisme, prétexte de cette guerre, ne finira pas à Kaboul ni dans la plaine de la Kapisa. La France compte 70 morts à ce jour et François Loncle a bien expliqué, ici, pourquoi il fallait se retirer de l'Afghanistan. Cette guerre est née de la volonté de G. Bush de vaincre Al Qaïda dont les chefs étaient réfugiés dans les zones tribales à la frontière pakistano-afgane et les alliés ainsi que les 4000 soldats français chargés de sécuriser une zone à risques n'y parviennent toujours pas. Oussama Ben Laden est mort, l'un des objectifs américains a été atteint et Barack Obama envisage sérieusement de retirer ses troupes d'ici 2014. Alors, qu'attend la France pour rappeler ses militaires en danger permanent. Après la Côte d'Ivoire, l'Afghanistan et la Libye (comment va-t-on en sortir ?) les militaires français aspirent à la paix. Le 14 juillet aurait été le bon moment pour souligner cet espoir.

15 juillet 2011

La liberté de la presse ne s'use que si l'on ne s'en sert pas

« News of the world » a tourné la page et inscrit le mot fin. Ce journal à scandales de Robert Murdoch, le magnat australo-américain d'une certaine presse, mis en cause dans une affaire d'écoutes téléphoniques généralisées et illégales, s'est illustré dans les attaques contre les travaillistes dont Gordon Brown (ancien premier ministre) et dans la publication de nouvelles dites sensationnelles obtenues par des voies méprisables. Nous sommes en Grande-Bretagne dans un pays où la liberté de la presse n'a quasiment aucune limite. Dans le pays des tabloïds avec femme nue en page 3 et le reste à l'avenant. Cette fois, Murdoch est sur le gril. Avec sa directrice,qui vient de démissionner de son poste, il va devoir expliquer des méthodes absolument scandaleuses utilisées au nom de la liberté de tout savoir sur n'importe qui pour dire n'importe quoi. M. Cameron, premier ministre conservateur, risque lui aussi d'être mis en cause dans cet énorme scandale.

Ne jetons surtout pas la pierre aux Anglais. Dans la France de 2011 aussi, il se passe des choses étonnantes et également méprisables. Rappelons nous qu'il n'y a pas si longtemps un procureur a trouvé le moyen de mettre en cause un juge et des journalistes après avoir consulté illégalement leurs relevés téléphoniques. Rappelons nous qu'il y a peu, le journal Le Monde a mis au jour la cellule du ministère de l'Intérieur chargée de fliquer les journalistes d'investigation. Et les cambriolages chez Mediapart dans le cadre de l'affaire Bettencourt ! Et les écoutes qui, n'en doutons pas, sévissent à l'encontre des opposants de tous poils ! Le gouvernement Sarkozy, empêtré dans diverses affaires (Tapie-Lagarde, Karachi-Balladur) veut tout savoir sur tout avant tout le monde. François Loncle, en mettant en cause sur ce blog, certaines officines intéressées par l'affaire DSK, a mis le doigt sur des comportements étranges. Il y a bien eu quelques explications du pouvoir ou d'hommes de l'ombre proches de lui mais pas de clarté absolue.

La liberté de la presse ne s'use que si l'on ne s'en sert pas. C'est sûr. Mais à condition de ne pas en abuser. La loi française a, jusqu'à aujourd'hui, trouvé un juste équilibre entre le droit de savoir et de publier et la défense nécessaire de la vie privée. Les dérives constatées depuis quelques années sont dues à un usage immodéré des réseaux sociaux et au ton excessif de certains. Nathalie Bellevin, qui fut ma suppléante lors des cantonales 2008 a eu droit à un traitement de « faveur » tout à fait odieux. Et ce sont les mêmes qui viennent nous donner des leçons !

14 juillet 2011

Deux élèves du lycée Marc Bloch de Val-de-Reuil admis à Sciences-Po Paris !

Après l'oral décisif vendredi dernier à Paris
 Le lycée Marc Bloch de Val-de-Reuil et le lycée de Gaillon font partie des 85 lycées de France à avoir passé une convention avec l'Institut d'études politiques de Paris, école prestigieuse appartenant à l'élite universitaire hexagonale. Richard Descoings, son directeur, a été l'inventeur de cette voie nouvelle d'intégration au mérite qui permet à des élèves de qualité d'accéder à une école longtemps réservée à certain(e)s issu(e)s de classes sociales non considérées comme modestes ou moyennes. Le dispositif existe depuis plusieurs années mais l'an dernier Marc Bloch n'avait pas réussi à envoyer à Paris d'élèves aptes à passer avec succès l'épreuve finale.

Cette année, l'atelier Sciences-po a rassemblé une dizaine de garçons et filles de terminales (toutes sections confondues littéraires et scientifiques) lesquels ont dû à la fois préparer le bac et réaliser des travaux spécifiques dans le cadre du concours d'entrée parisien. Les cheville-ouvrière de cet atelier animé par plusieurs professeurs et une assistante d'éducation ont vu leurs efforts récompensés puisque cinq élèves (tous et toutes ayant obtenu une mention au bac) ont finalement été retenus par le jury local afin de disputer leur chance lors du grand oral parisien qui avait lieu la semaine dernière.

Quentin Gossent et Assia Hassani
Outre la constitution d'un dossier éminemment personnel sur un événement d'actualité choisi par le ou la candidate et d'un questionnaire portant sur leurs motivations, les cinq postulants à sciences-po ont affronté un jury chargé d'évaluer à la fois leurs connaissances et leur comportement. Quentin Gossent et Assia Hassini, respectivement originaires de Val-de-Reuil et de Louviers ont eu l'immense joie d'apprendre qu'ils faisaient partie des 130 heureux retenus au plan national pour intégrer l'IEP de la rue Saint-Guillaume. Pour avoir eu le plaisir de côtoyer ces élèves, je peux affirmer qu'ils se tailleront une route de haute qualité dans une voie professionnelle forcément idoine.

Leurs camarades, non retenus par le jury parisien, vont intégrer des classes préparatoires ou des universités leur permettant, à eux aussi, d'exprimer des qualités et des espérances non moins grandes. A Gaillon, dont le lycée présentait sa première promotion, trois élèves ont été admis. Ces brillants résultats  autorisent à penser que l'enseignement public sait se montrer à la hauteur et que les élèves issus de ses rangs ne sont ni moins compétents, ni moins ambitieux que bien d'autres.

Marc Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil et lui-même ancien de Sciences-po, J-P. Cantrelle, proviseur apprécieront ce résultat qui valorise l'atelier coordonné par Pascal Jeanne (professeur d'histoire et géographie) et la convention.

Les Français sont contre le cumul des mandats à 93 %

La Gazette des communes est un puits d'information. Elle nous apprend, dans sa dernière livraison, que 93 % des Français sont hostiles au cumul des mandats et qu'une importante majorité s'oppose au cumul des indemnités de fonction. Cette information ne m'étonne pas. Le cumul des mandats est une tare du système démocratique. Et même si au Parti socialiste, le non cumul doit devenir la règle, ils sont nombreux les élus qui multiplient les fonctions, les titres et les indemnités. Le député René Dosière croyait avoir gagné sur le front de l'écrêtement mais l'Assemblée nationale, impulsée par le gouvernement est revenue — fait extrêmement rare — sur une décision de la commission paritaire sénateurs-députés qui avait décidé de supprimer le reversement du trop plein aux collègues, amis, compagnes, épouses…comme à Louviers par exemple.
D'ailleurs, le maire de cette ville, président de l'agglomération Seine-Eure ne s'est jamais caché du fait qu'il considérait le cumul des mandats comme un cumul d'indemnités jugé par lui légitime compte tenu du temps passé et de la hauteur des responsabilités. Il est bien évident que personne n'a le don d'ubiquité et que des élus surbookés peuvent souffrir de stress, d'indifférence, de laisser-aller, voire de lâcheté face à certains dossiers techniques nécessitant du temps et des compétences. François Loncle, député, un temps cumulard, s'est rendu compte de son erreur. Il est aujourd'hui favorable au mandat unique surtout pour un parlementaire. Ce qui ne l'empêche nullement d'établir des liens forts avec les habitants des villes et villages de sa circonscription et d'être aussi efficace ici qu'au Palais Bourbon. S'il est devenu un spécialiste de la politique étrangère (notamment africaine) c'est aussi parce qu'il a le temps d'établir des liens avec les dirigeants des pays étrangers. Comment ferait-il s'il devait également assumer des responsabilités régionales, départementales ou locales ?

La Cour des comptes, dans une étude récente sur la vidéosurveillance, a rendu des conclusions très négatives à l'égard du contrôle, du financement, de l'utilité de l'outil. Elle appelle le gouvernement à revoir ses engagements financiers dans le domaine eu égard au très faible rendement de la vidéosurveillance. Il s'agit, rappelons-le, d'un procédé de « sécurisation » très discutable sur le plan éthique et finalement très discuté sur le plan technique. La Cour des comptes ne sous-estime pas le rôle que peut jouer la vidéosurveillance dans certains cas très ciblés et très spécifiques, elle juge qu'à vouloir généraliser le procédé, on se trompe en ne mettant pas en place des organismes de contrôle adaptés. Dans une période de restriction budgétaire, comment accepterait-on de payer des gens à surveiller des écrans 24 heures sur 24, écrans sur lesquels il ne se passe rien…ou presque. La vidéosurveillance a connu sa période faste lorsqu'elle a été lancée…mais comme les Anglais, on en revient et finalement, on juge que la présence humaine est irremplaçable quand il s'agit de prévenir, de dissuader ou de sanctionner.

Je découvre une offre d'emploi sur le site de Pôle-emploi qui ne manque pas de m'intriguer. La ville de Louviers cherche un directeur ou une directrice de médiathèque. Elle y expose le profil de l'emploi en insistant sur l'équipe et la multiplicité des tâches à remplir. Jusqu'ici tout va très bien. Mais quand on prend connaissance du salaire offert — 1800 euros mensuels — on se demande quelle perle rare accepterait de postuler pour une fonction de responsabilité, d'animation, de création aussi parfois, pour un salaire très moyen s'agissant de la fonction. Je me demande si le radinisme doit être érigé en mode de gouvernance ? A moins que « la première ville culturelle de l'Eure » (dixit le maire) considère la médiathèque comme un équipement de seconde zone…

13 juillet 2011

Le privé perd la bataille de l'eau

Lu dans le journal Sud-Ouest du 12 juillet :

Lors de la réunion du laboratoire des idées du PS consacrée à l'eau
Le Conseil constitutionnel déboute les entreprises de l’eau. Le Conseil général pourra continuer à subventionner les syndicats intercommunaux qui passent en régie.
Une fois n’est pas coutume, Henri Emmanuelli, président du Conseil général des Landes, peut se féliciter d’une initiative prise par Nicolas Sarkozy. C’est grâce à une question prioritaire de constitutionnalité - une innovation juridique introduite dans la réforme constitutionnelle de 2008 - que l’élu socialiste a gagné l’un de ses plus beaux combats politiques, et sans doute le plus symbolique.

Le 8 juillet, le Conseil constitutionnel a infligé un revers cinglant aux multinationales françaises de l’eau. Les Sages ont frappé d’inconstitutionnalité un article du Code général des collectivités locales, au motif qu’il « [portait] atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ». Il interdisait à celles qui étaient compétentes en matière d’eau potable ou d’assainissement de moduler leurs aides en fonction du mode de gestion retenu, public ou privé.

Bien plus cher que le public

Cette disposition avait été introduite en 2006 par le biais d’un amendement déposé par un sénateur UMP du Cantal, lors du vote de la loi sur l’eau. « Je n’ai jamais vu une immixtion aussi grossière des intérêts privés dans le débat législatif », s’était alors indigné Henri Emmanuelli. Le but recherché, même s’il n’était pas clairement évoqué, visait à placer le Département des Landes hors la loi. De peur que l’exemple donné entre Adour et Leyre ne fasse tache d’huile dans d’autres régions.

En règle générale, les majors de l’eau invoquent les différences de conditions d’exploitation pour dénier toute pertinence aux comparaisons de prix. Dans les Landes, celles-ci sont pourtant à l’origine du retour en force des régies. En 1995, le prix moyen du mètre cube facturé par le privé était supérieur de 70 % à celui distribué par le public.


Fort de ce constat, le Conseil général a alors joué sur plusieurs tableaux. Il a encouragé les forages et introduit une discrimination dans les aides pour les travaux. Les collectivités en régie ont vu les leurs augmenter, alors qu’elles baissaient pour celles restées dans le giron du privé. Mais c’est surtout la création du Sydec, le Syndicat mixte départemental d’équipement des communes, qui a modifié la donne. Doté de moyens humains et techniques étoffés, il apporte une expertise comparable à celle des grandes entreprises. Soit il joue un rôle de conseil auprès des syndicats intercommunaux désireux de reprendre le contrôle de leurs tuyaux, soit il assume carrément la gestion des régies.

Tête pensante du système, il concentre des compétences et un savoir-faire qui sécurisent des élus ruraux souvent effrayés par la difficulté de la tâche. Résultat : plus de la moitié des communes du département sont aujourd’hui en régie. Et le public n’en finit pas de gagner du terrain. Pour ne pas disparaître, le privé doit rabattre ses marges et s’aligner sur les tarifs du public.

Bataille juridique

Pendant quinze ans, la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau a multiplié les recours juridiques pour faire annuler les délibérations prises par le Conseil général des Landes. Parfois avec succès. En 2008, le tribunal administratif de Pau avait ainsi ordonné la suspension immédiate des aides, au nom de l’inégalité de traitement des consommateurs. Aujourd’hui, la décision du Conseil constitutionnel sonne le glas des espoirs des majors du mètre cube. Elles ne sont pas parvenues à tuer dans l’œuf l’exception landaise. Les vents ne sont plus très porteurs pour les étendards du CAC 40.

Pendant des années, les élus locaux ont laissé Suez, Veolia et autres amasser des profits considérables. Ils prennent désormais le temps de faire expertiser les contrats. Même si le privé détient encore 70 % de la distribution d’eau de l’Hexagone, il recule un peu partout, victime de la défiance qu’il inspire souvent, mais aussi des coups de boutoir des associations de consommateurs et de la volonté des politiques de reprendre le contrôle d’un bien public appelé à devenir rare.

Le jour même où le privé perdait la bataille des Landes devant le Conseil constitutionnel, la Communauté urbaine de Bordeaux signifiait son congé à la Lyonnaise des eaux, et votait le retour en gestion directe de l’eau à l’horizon 2018.

Pour lire la décision du Conseil Constitutionnel du 8 juillet 2011 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-146-qpc/decision-n-2011-146-qpc-du-08-juillet-2011.98408.html
<http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-146-qpc/decision-n-2011-146-qpc-du-08-juillet-2011.98408.html>

12 juillet 2011

L’écrêté de la rue au coq peut dormir sur ses deux oreilles !


Le député socialiste René Dosière avait réussi à faire voter, le 28 juin dernier,  deux amendements limitant les avantages en nature et le cumul de rémunération des élus. Ces amendements ont été validés par  commission mixte paritaire début juillet. Donc, les citoyens-électeurs pouvaient s’attendre à plus de transparence dans l’attribution des avantages en nature, et plus d’équité en matière d’indemnités. Notre cumulard local aurait dû par conséquent se « contenter » de 8 300 euros mensuels, et laisser le surplus dans les caisses de la collectivité. 
Hélas, hier les sénateurs de la majorité ont, à la demande du gouvernement, annulé ces amendements. Les élus pourront continuer à s’attribuer des avantages (voitures de fonction, téléphones…) sans passer par une délibération du conseil municipal, général ou régional. Ils pourront aussi continuer à verser la part écrêtée de leurs indemnités à qui ils veulent. Rappelons que F. Martin s’était tristement illustré dans cette pratique peu morale mais légale, en reversant à sa compagne, l’adjointe Mme Baudet, les 1 425 euros d’écrêtement. Aux journalistes de Mediapart qui l’avaient interrogé, il avait expliqué qu’il fallait qu’il « assure ses arrières ». Le gouvernement de N. Sarkozy et les sénateurs de la majorité sont venus secourir le « pauvre précaire » de la politique locale, en le mettant à l’abri du besoin. Reste à savoir en quoi les besoins du maire de Louviers, président de la CASE, élu régional, sont plus importants que ceux d’une infirmière, d’un éboueur, d’un papetier, d’une secrétaire, d’un salarié sous contrat précaire à la mairie. 
 Sophie ozanne

11 juillet 2011

François Loncle émet des doutes et des réserves sur l'intervention en Libye

(photo JCH)
« L'intervention en Libye soulève maintes réserves. Le Gouvernement doit fournir des éclaircissements et dire comment sortir de cette situation. Quatre mois de bombardements soulignent l'impréparation et l'imprévoyance d'une opération, qui était présentée au départ comme facile et rapide et qui répondait surtout au souci de faire oublier la pusillanimité, voire la complaisance, du gouvernement français à l'égard des régimes renversés par le « printemps arabe ».

   
— Nous avons condamné le régime brutal et répressif de Kadhafi. Nous avons critiqué  la pompe avec laquelle le dirigeant libyen a été accueilli en France en 2007. 
  
— Nous avons approuvé et soutenu la résolution 1973 qui visait à protéger la population civile de Benghazi d'une attaque imminente des forces de Kadhafi avec l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne. Il s'agissait alors d'une intervention humanitaire. 

— La résolution 1973 est, depuis longtemps, totalement outrepassée. On assiste à un détournement du droit international. La coalition internationale n'est plus une force d'interposition mais elle a pris clairement partie dans un conflit qui s'est transformé en guerre civile. La France a été encore plus loin en parachutant des armes aux rebelles, ce qui est une flagrante entorse à l'embargo sur les armes imposé par l'ONU le 26 février 2011, en vertu de la résolution 1970. L'intervention ne consiste plus à protéger les civils, ce qui a été atteint rapidement, mais vise à renverser Kadhafi par la force (voire le liquider physiquement), ce qui ne correspond pas au texte onusien. L'interprétation extensive donnée par la France à la résolution 1973 affaiblit singulièrement la légitimité de l'intervention qui est basée sur la notion de « responsabilité de protéger ». Le concept de « responsabilité de protéger », qui avait avantageusement remplacé le très contestable « devoir d'ingérence », a été dévoyé et il sera très difficile d'y faire appel de nouveau.

—La résolution 1973 n'exige absolument pas de changement de régime. Or, la coalition a multiplié les tentatives d'assassinat du chef libyen, au point de concentrer désormais les tirs sur Tripoli ou les résidences supposées de Kadhafi. 

—Les principaux pays participant à l'intervention, et notamment la France, revendiquaient à l'origine le soutien de l'Union Africaine (UA) et de la Ligue arabe. Or, ces deux organisations se sont à présent nettement distanciées de la coalition internationale et multiplient les reproches à l'encontre de cette opération militaire. L'Union africaine a critiqué la mise en examen par la Cour pénale internationale de Kadhafi, arguant que cela compliquait davantage la recherche d'une issue politique et refusant de coopérer avec la CPI. Quant à la Jordanie et au Qatar, leur participation à la coalition est minimale.  

Le détournement d'armes prend une ampleur très préoccupante. Des groupes islamistes organisent un vaste trafic à partir de la Libye. Des caisses d'armes et de munitions ont été interceptées dans la région du Sahel. Ainsi, l'armée nigérienne a saisi, le 1é juin, 640 kg d'explosifs et de détonateurs provenant des arsenaux libyens.

La crise libyenne favorise les infiltrations d'AQMI. Les terroristes se sont emparés d'armements, de munitions, d'explosifs, voire de missiles sol-air. Ils se sont renforcés sur le plan militaire. AQMI en profite également pour étendre ses activités, en implantant des cellules au Sénégal et au Nigéria. 

La crise libyenne a déjà eu des répercussions sur les pays voisins et fait craindre une déstabilisation de toute la région.

Il y a un risque d'enlisement des opérations militaires et de multiplication des « dommages collatéraux », des « bavures ». De leur côté, les rebelles se sont livrés à des exactions, notamment à l'encontre des travailleurs africains accusés souvent à tort d'être des mercenaires à la solde de Kadhafi. 
 La crise libyenne a exacerbé les tensions et les désaccords au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, de l'Alliance atlantique et de l'Union européenne. La Russie et la Chine (ainsi que le Brésil et l'Afrique du Sud) manifestent ouvertement leur opposition à la manière dont est menée l'intervention militaire. Mais nous n'avons pas du tout approuvé que le commandement de l'opération soit rapidement  transférer à l'OTAN, sans que l'Assemblée nationale soit consultée sur cette décision très importante. De plus, au sein de l'OTAN sont apparus de graves dysfonctionnements et des faiblesses structurelles. L'organisation atlantique ne peut agir sans les capacités opérationnelles et logistiques des Américains. Enfin, l'UE a été incapable de définir une position commune, a exposé au grand jour ses profondes divergences et révélé l'inefficacité de son service de politique extérieure.
 
La prolongation imprévue des opérations militaires entraîne un coût très élevé. L'intervention en Libye grève lourdement les finances publiques.  

Les opérations militaires mettent en valeur les limites des capacités d'intervention françaises: le porte-avions Charles de Gaulle risque d'être immobilisé pendant toute une année; la formation des jeunes pilotes pâtit de la mobilisation des avions de combat et de transport sur le théâtre libyen.

La résolution 1973 n'évoque pas le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi dont la légitimité morale et politique pose problème. Au demeurant, ce CNT comprend des personnages hétéroclites, certes des opposants mais aussi des islamistes, des monarchistes et des transfuges du régime, à tel point que l'ancien numéro 2 (le général Younès, ancien ministre de l'Intérieur et actuel chef d'état-major des forces rebelles) et l'ancien numéro 3 (Moustapha Abdeljalil, ancien ministre de la Justice impliqué dans la condamnation des infirmières bulgares) du régime affrontent le numéro 1! 

La confusion régnant en Libye est propice aux détournements d'armements et au pillage des arsenaux. Des interlocuteurs mauritaniens m'ont certifié que les arsenaux de Libye avaient été pillés par des djihadistes d'AQMI.  Le 11 mai, devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Soumeylou Boubèye Maiga, ministre des affaires étrangères du Mali, confirmé que « la crise a accentué le trafic des armes », ce qui « aggrave l’insécurité et peut profiter autant aux trafiquants qu’aux terroristes ». 

La Libye et toute la région se retrouvent déstabilisées. Des dizaines de milliers de personnes ont fui le pays et se sont réfugiées dans les pays limitrophes ou vers l'Europe. La France a adopté une position schizophrénique, en protégeant les populations sur place mais en empêchant les Libyens qui fuient les combats de trouver refuge dans l'Union européenne.

Rechercher une solution politique :

Le temps de l'intervention militaire doit s'achever et faire place au temps de la diplomatie. Dès lors que les forces aériennes de Kadhafi sont détruites, dès lors que le danger planant sur les villes aux mains des insurgés est écarté, il est possible d'imposer un cessez-le-feu à toutes les parties belligérantes. Il convient d'entamer sans tarder des négociations politiques, de préférence sous l'égide de l'Union africaine.

François Loncle, Député de l'Eure, vice-Président du Groupe socialiste



De l'écrêtement à la route du Rhum…

Le Parlement a enfin mis un terme à l'écrêtement, mesure financière qui permettait aux cumulards locaux ou nationaux de reverser le trop plein de leurs indemnités à des proches (épouses, compagnes, maîtresses, amis, élus) avec l'aval de l'assemblée choisie par l'écrêté. A Louviers, le cas s'est posé avec Franck Martin, cumulard revendiqué, puisque 1425 euros du montant total de ses indemnités devaient être écrêtés. J'ai le souvenir d'une réunion de conseil municipal particulière puisque le choix de la bénéficiaire (Mme Ghislaine Baudet, compagne du maire) ne fut entériné qu'avec une majorité de voix…de la majorité municipale, certains ou certaines étant absents pour des raisons diplomatiques.
On ignore encore à partir de quand cette mesure sera applicable. Il faut simplement que le maire de Louviers s'organise, lui qui a justifié le versement des 1425 euros à son amie pour « protéger ses arrières ». Tout de même, avec 8300 euros, plafond maximum touché par le cumulard local, et les indemnités diverses de Mme Baudet, on en connaît qui ont des arrières plus vulnérables.

L'influence des multinationales de l'eau est encore très importante, surtout dans les Bouches-du-Rhône puisque Marseille va renouveler son contrat avec les principales sociétés privées du secteur, contrairement au mouvement national d'ampleur constaté par ailleurs. En effet, nombreuses sont les villes de France, petites, moyennes et grandes, qui veulent profiter de l'arrêt Olivet pour mettre un terme aux concessions, affermages et autres délégations de services publics de l'eau et de l'assainissement. Heureusement, le Parti socialiste — mais pas seulement lui évidemment — a pris conscience des puits de ressources possibles au bénéfice des usagers dans un retour à la régie publique.
Contrairement à ce que voudrait faire croire le président de la CASE, ce retour en régie publique ne répond pas à une attitude sectaire, archaïque, dépassée. Au contraire ! Les maires et les présidents de communautés ont compris que le combat pour l'eau publique répond à une politique engagée au service de l'intérêt général sur le plan financier, d'abord, et technique ensuite puisque la collectivité se réapproprie des savoirs et des compétences qu'elle n'aurait jamais dû abandonner. Vie l'eau publique !

La droite est enlisée dans les affaires. Mme Lagarde et l'affaire Tapie, Balladur et l'affaire Karachi. Il s'agit toujours d'argent, de millions, de commissions, d'arbitrage, sans qu'on sache encore très bien qui a versé et qui a touché. Sauf dans l'affaire Tapie puisque l'ancien président de l'OM, repreneur d'entreprises moribondes et fieffé malin, a réussi à se faire attribuer un préjudice moral de 45 millions d'euros ! Ce qui ne s'était jamais vu. En attendant l'évolution des dossiers judiciaires en cours (on peut faire confiance à Me Morice pour ne pas lâcher le morceau) il y a fort à parier que la campagne présidentielle va être émaillée de révélations croustillantes.
Espérons que ces révélations seront vraies. Pas comme ces attaques méchantes contre Martine Aubry qui commencent à alimenter certains sites Internet proches de l'UMP. Que la droite attaque « la dame des 35 heures », soit, c'est un angle mais qu'on reproche à son mari d'être «l'avocat des islamistes» alors qu'il n'a fait que son métier de défenseur d'un homme et non d'une cause, c'est pousser le bouchon un peu loin. Martine Aubry annonce qu'elle poursuivra tout diffamateur…et ceux qui la connaissent savent qu'elle tiendra parole.

De nombreuses personnes m'ont demandé pourquoi François Loncle se trouvait en première ligne dans l'affaire DSK et notamment dans les connexions éventuelles entre la direction du Sofitel de New York et l'Elysée. Je lui ai posé directement la question. Sa réponse a été on ne peut plus simple : parce que j'ai conservé des réflexes et une curiosité de journaliste. Un journaliste doit poser des questions et si possible les bonnes questions. Il est logique de s'étonner des liens de proximité entre le responsable de la sécurité du Sofitel et des responsables policiers français de haut rang. Surtout quand on sait que le directeur du Sofitel de Washington, par exemple, fait partie du premier cercle de l'UMP des Français de l'étranger.
Présenté comme proche de DSK, François Loncle ne l'est pas vraiment. D'ailleurs, il fait partie depuis des mois du groupe de parlementaires favorables à la candidature de Martine Aubry et c'est ainsi, s'agissant des affaires étrangères, qu'il animera la campagne interne puis externe, espérons-le, de la mairie de Lille. En attendant, François Loncle votera contre la poursuite de la guerre en Libye alors que le groupe PS de l'Assemblée nationale votera pour !

J'ai été intéressé par l'interview de Jean-Edouard Criquioche, après sa route du Rhum. Ce texte paru dans le journal municipal Allez-Louviers permet au marin d'expliquer sa démarche et de raconter son aventure car c'en est une. Ce fut également l'occasion d'apprendre que Jean-Edouard consacre un livre à son histoire et que ce livre est édité par la maison d'édition « l'Ancre de Marine ». Ben voyons…

10 juillet 2011

L'état des canalisations d'eau est catastrophique : qui va payer la note ?

«L’état des canalisations est catastrophique », a révélé Jacques Dolmazon, président de la Fédération  « canalisateurs de France ». Vieillesse des tuyaux, absence d’entretien, vétusté des installations, 6 milliards de mètres cubes fuient des canalisations chaque année, soit 25% de la consommation d’eau en France. L’urgence est réelle et le rythme actuel des travaux n’atteint même pas 0,6% du réseau. Selon Jacques Dolmazon, « il faut investir immédiatement 1,5 milliard d’euros par an pour remplacer les milliers de kilomètres et rattraper le retard ». De son côté, Marc Reneaume, directeur général adjoint de Veolia Eau, dénonce ce catastrophisme et assure « de la qualité de ses installations ».

Augmenter la facture d’eau et les impôts 
Qui va payer? Pour répondre à cette question stratégique, les entreprises de canalisations ont laissé répondre un député invité à  la présentation du rapport. André Flajolet, vice président du Conseil national de l’eau et député UMP du Pas-de-Calais : « Les contribuables et les usagers de l’eau devront être sollicités, de façon raisonnable. » Une solution simple et efficace. Mais, curieusement, ce député, reconnu pour son expertise du secteur et des entreprises de l’eau, ainsi que les canalisateurs, ont oublié que les consommateurs avaient déjà payé, depuis des années, une partie de la facture.

Le magot des provisions pour renouvellement
Jean-Luc Touly
Explications. Jusqu’en 1998, sur chaque facture d’eau, une petite somme (quelques euros) était prélevée par les entreprises du secteur (Veolia, Suez, Saur) pour réparer les réseaux. Les petites rivières faisant les grands fleuves, les distributeurs d’eau ont ainsi engrangé entre 3 et 10 Milliards d'euros, selon les estimations. Et ils n’ont pas tout dépensé en travaux. En novembre 2003, Jean-Luc Touly, salarié de Veolia, et Roger Lenglet publient un livre* explosif dans lequel ils révèlent que Vivendi (ex-Générale des eaux), sous la houlette de Jean-Marie Messier, siphonnait depuis des années l’argent des tuyaux vers une filiale en Irlande pour revenir à la maison mère. Pour légaliser ce tour de passe-passe, Jean-Marie Messier avait eu l’idée « géniale » de transformer les milliards des provisions en prime de garantie en cas d’accidents du réseau. Du coup, dans toute la France, des collectivités et des associations sont montées au créneau pour réclamer ces sommes indûment perçues. Ainsi, à Lille, la chambre régionale des comptes a épinglé les distributeurs d’eau, estimant à 160 Millions d'euros les travaux non réalisés. Quant à Paris, l’équipe Delanoë, avec Anne Le Strat, PDG de la Sagep (Eaux de Paris), a obtenu un retour, sous forme de travaux, de plus de 150 Millions d'euros détenus par Veolia et Suez. Comme par miracle, le taux de fuite a chuté de 10 à 3,5%. Une belle performance qui n’a pas empêché les deux géants de l’eau de se faire éliminer de la capitale avec le retour en régie

* « Multinationales de l’eau, les vérités inavouables », Ed. Fayard.

« Un parfum de scandale sur ces tuyaux », Jean-Luc Touly, membre du Comité national de l’eau. Propos recueillis par E.G. | 07.07.2011, 07h00. Ce salarié de Veolia, trublion du secteur, a animé plus de 1 000 débats dans toute la France pour alerter sur les problèmes de l’eau. Notamment à Val-de-Reuil à l'invitation de l'association pour la protection de l'environnement.

Le réseau d’eau est dans un état catastrophique. C’est une surprise?

JEAN-LUC TOULY. Non, les entreprises privées n’ont pas entretenu a minima ces canalisations et ne les ont pas renouvelées à temps. Les canalisations ont une durée de vie de cinquante à cent ans et on les change au bout de cent cinquante ans. Il y a un parfum de scandale sur ces tuyaux, que je dénonce depuis des années.
Le député André Flajolet réclame une augmentation de la facture de l’eau et des impôts, le député, je le connais, je siège aussi au Comité national de l’eau. Il avait déjà fait cette proposition. Soyons sérieux, cet élu de la République a la mémoire qui flanche. Si tout le monde s’accorde sur la gravité de la situation, il faudrait déjà que les grandes entreprises de l’eau rétrocèdent jusqu’au dernier centime les milliards versés pendant des années par les usagers. On le sait, une partie de cet argent n’a jamais servi aux travaux. Heureusement, la loi de décembre 2006 a changé les règles du jeu et oblige les sociétés privées à reverser le surplus des sommes non utilisées.

Pourquoi les canalisateurs ont des trous de mémoire sur cette affaire de provisions?

Ils sont parfaitement au courant, mais ce qu’ils veulent, c’est faire du chiffre d’affaires. Ils ne vont pas se mettre à dos les distributeurs, avec qui ils ont des intérêts croisés. C’est facile de demander aux citoyens de payer la note. Note qu’on va leur resservir une deuxième fois.  (Le Parisien)