10 janvier 2012

Taxe Tobin : et si la France montrait l’exemple ?


Communiqué de Terra eco :
« La France pourrait imposer une taxe Tobin, sans attendre ses voisins ni menacer son économie. C'est ce que montre un rapport de l'ONG Unitaid. Assez pour convaincre nos dirigeants ? Non. « Terra eco » vous explique pourquoi.
Repoussée par le président de la République pendant longtemps, la taxe Tobin pourrait être adoptée très rapidement, avant l’élection présidentielle, révèleLibération. Selon le quotidien, le chef de l’Etat serait prêt« à partir seul » et à laisser la chancelière allemande Angela Merkel « sur le quai ».
« Le montant annuel des transactions financières dans le monde représente 60 fois la richesse mondiale. Cela montre bien que l’essentiel des richesses aujourd’hui sont des richesses financières, réparties de manière très inéquitable, et que c’est là que la fiscalité doit peser. »
Difficile à croire, mais c’est bien le très libéral Jean-Pierre Jouyet qui scandait ces mots, le 14 septembre, au siège de l’Unesco. Le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) intervenait après la publication d’un rapport explosif de l’ONG Unitaid.

Un texte qui démonte un par un les arguments opposés depuis des années à la taxation des transactions financières, ce vieux serpent de mer de la finance qui consiste à imposer une taxe, minime (entre 0,01% et 0,1%), sur les transactions financières quotidiennes afin de réguler un peu la spéculation et de dégager une coquette somme d’argent au passage. Le rapport montre que la France pourrait sans attendre créer sa propre taxe. Tour d’horizon des idées reçues :
Une taxe sur les transactions serait trop complexe à mettre en place techniquement : FAUX
« Il suffit d’ajouter une ligne de filtre dans les logiciels existants et la taxe serait instaurée. »L’argument des difficultés techniques est balayé au micro par Arielle de Rothschild, gérante de la banque du même nom et présidente de Care France. Euroclear, l’organisme qui enregistre les transactions en France, pourrait très facilement instaurer une taxe et reverser les fonds à un organisme chargé de sa gestion.
A l’échelle de la France ce genre de taxe ne rapporterait pas grand chose : FAUX
Que nenni ! A l’échelle de l’Hexagone, elle permettrait de lever 12 milliards et demi d’euros. Soit légèrement plus que les gains visés par le plan d’austérité voté dans la douleur par les parlementaires au début du mois. Avec une telle taxe, le voisin allemand toucherait lui 16 milliards, l’Union européenne dans son ensemble 76 milliards et l’intégralité des pays du G20 265 milliards.
— Si la France y va seul, cette taxe serait dangereuse pour son économie : FAUX
Le rapport montre que plusieurs pays ont mis en place des taxes de ce type. Même l’Angleterre en a une - la Stamp duty reserve tax certes pas très sévère puisqu’elle ne touche que 20% des transactions. Les auteurs ont étudié ces exemples et conclu qu’à taux très faible, l’incidence de cette taxe est nulle : les investisseurs ne réduisent pas outre mesure leur nombre de transactions, et ne sont pas tentés de passer par un pays étranger pour échanger leurs actions. « Il n’y a aucun risque que cela mette à mal le financement de l’économie réelle. Contrairement à ce que l’on croit, ça aiderait la stabilité financière, ça calmerait même un certain nombre d’opérations comme les transactions à haute fréquence expose par ailleurs Jean-Pierre Jouyet. Le débat est clos !
Cette taxe n’a donc rien d’utopique. « Elle pourrait être mise en place dès l’automne, lors du vote du projet de loi de finances 2012 », confirme Alexandre Naulot, d’Oxfam. Une promptitude qui pourrait sembler logique, tant les discussions menant à l’adoption d’une taxe européenne pourraient prendre de temps. Par ailleurs Nicolas Sarkozy a maintes fois vanté les mérites de cette taxe, l’Assemblée nationale a voté en août dernier une résolution en ce sens, enfin le ministre de l’Économie François Baroin a défendu cette taxe avec son homologue allemand
Et pourtant les dirigeants français interrogés par Terra eco rechignent. Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, botte en touche sur l’hypothèse d’une taxe franco-française. Après avoir répété que nous vivons « un moment critique pour les financements innovants », elle dit préférer « attendre les conclusions des processus en cours ». En clair, une décision européenne. D’ailleurs, elle croit pouvoir rallier nos voisins à cette taxe, en faisant des efforts sur les autres financements innovants comme la taxe sur les émissions des avions.
Très ardent à la tribune, Jean-Pierre Jouyet se refuse aussi à évoquer l’idée d’une taxe française.« Il y a des expériences de taxes nationales qui sont intéressantes mais c’est un autre sujet. Pour ma part, je souhaite qu’a minima ce soit une taxe européenne. » Sauf que les Britanniques risquent de bloquer le processus. Alors pour commencer, on pourrait « montrer l’exemple dans la zone euro », précise M. Jouyet. Contacté par Terra eco, le cabinet de François Baroin n’était lui pas en mesure de commenter ce rapport mercredi.
Seule consolation, des proches des négociations confirment que la France pourrait se jeter à l’eau si un groupe de pays leaders, composé, par exemple, de l’Allemagne, de l’Italie mais aussi de l’Afrique du Sud ou du Brésil se lancent avec elle. C’est ainsi qu’a été lancée en 2005 la taxe sur les billets d’avions adoptée aujourd’hui par 25 pays. Mais en cas d’échec, il faudrait effectivement attendre l’unanimité de la Commission européenne ou du G20, et croiser les doigts pour que cette taxe soit allouée aux Objectifs du millénaire et non au budget des États ou de l’Union européenne. Il y a quarante ans, l’idée de cette taxe germait dans l’esprit de James Tobin. Les ONG pourraient patienter encore de longues années avant de la voir éclore. »


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