22 mars 2012

Dominique Reynié, faux expert mais vrai manipulateur

Comment contourner la règle de l’égalité du temps de parole entre les candidats à l’élection présidentielle ? La recette est simple, mais efficace. Elle consiste pour l’essentiel à faire venir sur les antennes des radios et sur les plateaux de télévision, de soi-disant experts. Des politologues, des chercheurs en sciences politiques, qui, dans ce rôle d’expert qu’ils jouent autant qu’on leur fait jouer, seraient par nature, des personnes neutres, analysant « scientifiquement » le déroulement de la campagne, donc de manière incontestable et non partisane. Rien n’est moins vrai cependant. Mais ainsi catalogués, leur temps de parole n’intervient pas dans le décompte opéré pour chacun des candidats. Et le tour est joué.

Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur le cas de Dominique Reynié, exemplaire à plus d’un titre. Depuis quelques jours, il est partout. Il enchaîne interviews et débats avec fébrilité, délivrant ses verdicts sur un mode péremptoire qui ne souffre aucune controverse.

Dominique Reynié, diplômé de Sciences-Po Paris où il enseigne, après avoir été expert auprès de la Commission européenne, est le directeur général de la « Fondation pour l’innovation politique ». C’est à ce titre qu’il est le plus souvent présenté là où il sévit. « Fondation pour l’innovation politique », c’est la dénomination ronflante d’un organisme qui se voudrait tout ce qu’il y a de plus officiel. Ce qu’il n’est pas. « La Fondation pour l’innovation politique », de droit privé, n’est qu’un cercle de réflexion français de centre droit et d’orientation libérale créé en 2004 avec le soutien de l’UMP. Jacques Monod, ancien conseiller de Jacques Chirac, en serait encore le président. C’est tout dire. Dès lors, il apparaît clairement que cet organisme n’est qu’un faux nez de la Droite dont le porte-parole en est son directeur général, Dominique Reynié. Yves Calvi sur France 5 et bien d’autres journalistes politiques à France Inter comme à France Culture seraient bien avisés, s’ils étaient intellectuellement honnêtes, de le rappeler chaque fois qu’ils l’invitent, ce qu’ils se gardent bien de faire.

Or, depuis sa création début 2009, les médias dans leur ensemble, ont superbement ignoré le Front de Gauche. Et quand par hasard ils en ont parlé, c’est indirectement, en réduisant leur curiosité à la seule personne de Jean-Luc Mélenchon. Mais sans jamais chercher à analyser son discours et ses idées autrement qu’en les qualifiant de populistes. Voilà désormais qu’il devient impossible de nier la réalité du Front de Gauche et la place qu’occupe son candidat parmi ceux proclamés « grands ». Pour tous ceux qui ont voulu réduire la vie politique française au bipartisme, c’est un échec. Il leur faut donc à présent développer les uns après les autres tous les arguments visant à minimiser la place et le rôle que jouent le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon dans la campagne. À ce jeu, Dominique Reynié développe incontestablement un grand savoir-faire et se montre le zélé serviteur de ceux à qui il doit la place qu’il occupe. Dominique Reynié est l’un des chiens de garde du libéralisme. Mais, bien entendu, il avance masqué.

Reprenant à son compte les accusations éculées de populisme, plaçant sur un pied d’égalité Front de Gauche et Front national et les renvoyant dos à dos comme le fit lamentablement en son temps le dessinateur Plantu, réduisant le programme « l’Humain d’abord » à quelques propositions simplistes et caricaturales, Dominique Reynié analyse de façon fallacieuse la composition sociologique et le poids politique dudit Front de Gauche, et le réduit par avance au rôle de supplétif du Parti socialiste. Il est un falsificateur de la réalité qui n’en finit pas de distiller analyses réductrices et propos fielleux.

Qui pourrait croire un seul instant cette affirmation débile de Dominique Reynié selon laquelle Jean-Luc Mélenchon – fort de la popularité qui est la sienne, et si tant est qu’il en aurait envie –, aurait besoin de l’accord du Parti socialiste pour se présenter aux législatives dans n’importe quelle circonscription. Et qu’à ce jour il ne disposerait pas d’un tel accord. Quel expert un tant soit peu sérieux pourrait imaginer pareille fable ? Ce n’est même pas du niveau d’un argument de café du Commerce. Mais pour qui nous prend-t-il pour tenter de nous faire avaler pareil bobard ?

Il n’est hélas pas le seul à jouer sur le registre de la désinformation. Il apparaît chaque jour que nombre de personnalités médiatiques : intellectuels, artistes, hommes ou femmes de sciences, anciens journalistes même, dont manifestement la plupart n’ont lu aucun des programmes des candidats – du moins pour ceux qui en ont un –, ont le bon goût de faire savoir à qui veut les entendre qu’aucun des candidats ne trouve grâce à leurs yeux parce que ne produisant aucune idée ou proposition innovantes. Déclarer le niveau médiocre et la campagne ennuyeuse est du dernier chic et semble bien devenir la dernière tendance parisienne. Le summum est atteint lorsqu’un psychanalyste à la mode, mais dont nous tairons le nom – inutile de lui faire de la publicité – a même jugé pertinent de comparer la démarche de Jean-Luc Mélenchon à celle de Coluche, candidat à la présidentielle en 1981, sur le plateau de l’émission de Frédéric Taddeï. Et cela en présence du philosophe Bernard Stiegler, médusé, se demandant ce qu’il faisait là.

L’immense succès du rassemblement du Front de Gauche pour la VIème République le 18 mars à la Bastille dérange beaucoup. À droite comme à gauche. La progression régulière de Jean-Luc Mélenchon dans tous les sondages, la reconnaissance unanime que c’est lui qui mène, et de loin, la meilleure campagne, bousculent tous les scénarii prévus de longue date. C’est une réalité qui dérange parce que, comme pour le référendum sur le TCE de 2005, elle prend à revers tous les penseurs en rond du fameux club du Siècle, administrateurs du système dans lequel ils occupent des places interchangeables et bénéficient des prébendes qui s’y rattachent. Visiblement, ils n’apprécient guère que le Peuple, à leurs yeux forcément suspect, veuille se mêler lui-même de ses affaires et remette ainsi en question tout ou partie de leur pouvoir. À cela rien d’étonnant. C’est à eux tout particulièrement que pensait Jean-Luc Mélenchon quand il écrivait son ouvrage « Qu’ils s’en aillent tous ! ». Et quand il le dédicaçait ainsi à Arlette Chabot : « Ça vous concerne, évidemment ! » Un crime de lèse-majesté qu’il convient de punir comme il se doit. Les chiens sont lâchés.

Reynald Harlaut
Front de Gauche

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