17 avril 2012

L’hommage républicain de la France à Raymond Aubrac


La dépouille de Raymond Aubrac a reçu le lundi 16 avril dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides à Paris les honneurs militaires que la France lui devait. En présence du chef de l’État, de la poignée de résistants français de la Seconde Guerre mondiale encore de ce monde, des autorités militaires, de sa famille et de quelques centaines d’anonymes admis à y participer.

Selon les dernières volontés du défunt, aucune personnalité politique, y compris le président de la République, n’avaient été autorisées à prendre la parole. Seuls Jean-Louis Crémieux-Brilhac, historien et Jacques Vistel, tous deux grands résistants eux aussi, furent admis à prononcer de courts et émouvants éloges.

L’occasion eut été trop belle de récupérer l’hommage de la Nation au glorieux patriote, pour en faire un enjeu électoraliste. Mais Raymond Aubrac, en homme supérieurement intelligent et sage qu’il était avait tout prévu. Car déjà par le passé, cet homme effacé autant qu’avisé avait pris ses distances avec Nicolas Sarkozy. À la Bastille, le 14 juillet 2011, il avait prononcé à l’occasion de la fête nationale, l’allocution suivante qui se voulait comme l’a si justement écrit le site Mediapart, « un plaidoyer pour un retour aux principes fondamentaux d’une République dévoyée par ceux qui la gouvernent dans « la haine et le rejet de l’autre ».

« Depuis bientôt un an, les plus hautes autorités de l'Etat s'acharnent à dresser les citoyens les uns contre les autres. Elles ont successivement jeté à la vindicte publique les Roms et les gens du voyage, les Français d'origine étrangère, les habitants des quartiers populaires, les chômeurs et précaires qualifiés d'«assistés»... Elles ont ressorti le vieux mensonge d'une immigration délinquante, elles pratiquent la politique de la peur et de la stigmatisation.
Nous avons manifesté le 4 septembre 2010, dans toute la France, contre ce dévoiement de la République. Aujourd'hui, chacun mesure la terrible responsabilité de ceux qui ont donné un label de respectabilité aux idées d'extrême droite, à la xénophobie, à la haine et au rejet de l'autre. De dérapages verbaux en pseudo-débats, de crispations identitaires en reculs sociaux, la voie a été grande ouverte à une crise démocratique encore plus grave que celle du 21 avril 2002.
Parce que nous sommes attachés aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, nous ne supportons plus que la République soit ainsi défigurée, la laïcité instrumentalisée au service de la stigmatisation de millions de nos concitoyens, la xénophobie banalisée dans les propos de ministres et de députés qui prétendent parler en notre nom à tous. Nous refusons que la peur soit utilisée pour faire reculer nos libertés, que les inégalités soient encouragées par l'injustice fiscale, le recul des droits sociaux et la démolition des services publics.
Nous refusons cette République défigurée; celle que nous voulons, c'est la République «laïque, démocratique et sociale» que proclame notre Constitution; celle du 14 juillet 1789, du Rassemblement populaire de 1936, celle enfin du Conseil national de la Résistance. Celle qui s'attache inlassablement à garantir à tous l'égalité en dignité et en droits, l'égale liberté, l'égal respect de la part de ceux qui les gouvernent.
C'est pourquoi nous lançons un appel solennel au rassemblement de toutes et tous, à la mobilisation des consciences pour le retour de cette République que nous voulons plus que jamais libre, égale et fraternelle.
Deux cent vingt deuxième anniversaire de la prise de la Bastille, ce 14 juillet est le dernier avant l'échéance présidentielle de 2012. Sachons nous en saisir, nous rassembler pour fêter la République de la meilleure manière qui soit : en appelant nos concitoyennes et concitoyens à faire respecter ses valeurs, aujourd'hui et demain ».
 C’eût été suprême infamie que celui qui avait fait, en 2007, du détricotage patient et méthodique du programme du Conseil national de la Résistance instituant le contrat social républicain, c’est-à-dire notre protection sociale, nos retraites, nos droits syndicaux dans l’entreprise, nos services publics et la liberté de la presse, l’un des principaux objectifs du programme politique de son quinquennat, fut aussi celui qui prononçât son éloge funèbre. Il n’en a rien été et cela est bien ainsi.

R.H.

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