11 décembre 2012

M-Real : la victoire de la volonté et de la Gauche

François Hollande était venu rencontrer les salariés dont Thierry Philippot de la CGT. (photo DR)
En assurant que le succès avait de nombreux pères, je ne me trompais pas. J'ai reçu divers communiqués dont celui de Marc-Antoine Jamet, premier secrétaire fédéral du PS qui déclare :  
« Il est des journées qui sont historiques. Celle-ci le deviendra dans notre département. Le Conseil Général de l’Eure, sur proposition de son Président, Jean Louis Destans, vient, en effet,  de prouver, de la plus belle façon qui soit, qu’il y a une différence fondamentale entre la Gauche aux responsabilités et la Droite aux affaires. On appellera cela éthique ou responsabilité, engagement ou solidarité, travail ou efficacité. Comme on veut. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement Ayrault et les collectivités locales concernées ont réussi, en six mois, là où la droite a échoué en six ans. M’Real est sauvé. Il est vrai que, dans les deux camps, la volonté n’était pas là même. Quand M. Bruno Le Maire, naguère au pouvoir, se contentait d’évincer du dossier son collègue ministre de l’Industrie, théoriquement en charge de le traiter, puis de mollement envoyer, à une réunion sur trois, une conseillère technique de son cabinet pour faire lanterner les salariés et amuser la galerie, le député socialiste de la deuxième circonscription a pris le sujet à bras le corps, mobilisant des moyens, allant négocier lui même en Finlande avec Hellander, ci-devant propriétaire de l’usine, et mobilisant, avec l’aide du Préfet Dominique Sorain, tous les outils de l’Etat.
Dès les premières menaces, dès les premières annonces de licenciement, c’est à dire en 2008, et non pas en 2011, moment bien tardif où, saisis par la décision de vente du site, les représentants de l’UMP, jamais avares de poudre aux yeux, tentèrent de donner le change, paraissant soudainement s’émouvoir du devenir d’une des plus grandes papeteries d’Europe, les élus socialistes de Pont-de-L’arche, de Val-de-Reuil, du Manoir, aux côtés de leurs collègues communistes d’Alizay, directement concernés, ont joué collectifs, impliqués, motivés. Avec le soutien constant de François Loncle, le député de la quatrième circonscription, et de leur fédération, ils ont accompagné syndicats et salariés. Leur solidarité a été constante et a payé. Toujours avoir confiance en l’avenir du site, ne jamais dire que M’Real était « fini », contrairement à d’autres, a été notre credo. Nous savons aujourd’hui que nous avions raison.
En trois dates, l’espoir des salariés s’est concrétisé. Le 15 février, moment essentiel, François Hollande, alerté par la fédération de l’Eure du Parti socialiste et de nombreux militants, organisait un exceptionnel déplacement de campagne sur le site, avant son meeting de Rouen, et s’engageait devant les ouvriers, l’inscrivant sur leur livre d’or, à sauver leur outil de travail et leurs emplois s’il était élu le 6 mai. Il a tenu parole.

Le 8 juin, avait lieu à Bercy une réunion fondatrice, dont la tenue n’a jamais été dévoilée jusqu’à présent. Pendant plus de deux heures, les délégués de l’intersyndicale de M’Real, Thierry Philippot et Eric Lardeur, accompagné par le Premier Secrétaire de la Fédération de l’Eure du Parti Socialiste, étaient reçus par Stéphane Israël, directeur de cabinet d’Arnaud Montebourg, Boris Vallaud spécialiste des crises industrielles, Nadia Bouzigues, conseillère du ministre du redressement productif. Au cours de ce premier contact, fonctionnaires et syndicalistes se  jaugèrent. Lardeur et Philippot expliquèrent qui étaient les repreneurs, comment il était possible de faire repartir l’usine, ce que serait le complément d’une activité de production d’énergie. Les collaborateurs du Ministre rappelèrent la nécessité du sérieux, de la durabilité, de la solidité des repreneurs. Une stratégie commune et partagée fut rapidement élaborée. Autour de ce fil rouge, les contacts entre le ministère, le Préfet, les collectivités et la cellule de revitalisation n’ont plus cessé. Tout était lancé.

Le 10 décembre est donc la conclusion formidable de cet effort jamais relâché. Jean Louis Destans et les élus socialistes de la majorité départementale ont pris une décision courageuse et volontariste : celle du rachat temporaire. Le Président du conseil Général et le Ministre du redressement productif ont su contraindre les vendeurs, rassurer les acheteurs, mobiliser le réseau diplomatique français au service de cette belle cause au cours de négociations qui pour être efficaces sont restées secrètes. Elus et salariés, vigilants, avaient juré de ne rien dire.

Il faut rester vigilant. Mais une conclusion s’impose. Le fossé profond qui existe entre la droite et la Gauche tient au fait que cette dernière a su pratiquer l’union et la cohésion. Celles, d’abord, des mouvements politiques, du Front de Gauche aux verts en passant par le PS. Celles, ensuite, des collectivités, le département dans ses compétences et sa géographie d’intervention constamment épaulé par la Région, Alain Le Vern faisant jouer à merveille le 276 qu’il a lancé, les communes se ralliant à la démarche de ses deux institutions plus puissantes et plus grandes qu’elles ne le sont. Celles, enfin, des hommes qui se sont croisés et aidés sur ce dossier, l’infatigable Guillaume Bachelay, le tenace Richard Jacquet, l’énergique Nicolas Mayer-Rossignol, sans oublier nos alliés toujours présents et agissants Gaëtan Levitre et Jérôme Bourlet de la Vallée.

Mais le combat pour le redressement productif dans l’Eure ne s’arrête pas là. Il continue. Les socialistes eurois doivent continuer de se mobiliser, comme ils l’ont fait pour Sealynx dans la vallée de l’Andelle en trouvant un accord sur un plan de charge entre les salariés, l’Etat et Renault, en soutenant les Cinram, les Tyco, qu’il ne faut pas oublier, en soutenant les Sanofi. Lundi 17 décembre à 18h30, dans les locaux de leur fédération à Evreux, ils accueilleront Dominique Sentis et Yvon Scornet, représentants des salariés de Petroplus. C’est, avec nos camarades seinomarins, le combat immédiat que nous devons mener à la réussite. Il faudra pour cela nourrir toujours plus la dynamique qui a rendu possible la victoire de M’Real. La lutte ne s’arrête pas. »

Pierre Vandevoorde, au nom du NPA écrit : « M-real, papeterie située entre Rouen et Louviers (27), fermée après un dur combat en juin ; 330 salarié-e-s sur le carreau, mais qui avaient vendu chèrement leur peau : indemnités importantes, et surtout les capitalistes finlandais avaient été obligés de concéder ce dont ils ne voulaient en aucun cas entendre parler: la possibilité d’une reprise par un autre papetier. Et voilà que c’est fait, avec le groupe thaïlandais AA. Quel chemin parcouru depuis 3 ans ! une mobilisation en profondeur des travailleurs, des mairies  et de la population avec le « collectif unitaire pour la défense et le développement de l’emploi» et l’intersyndicale CGT-CGC ; une grève de trois semaines ; une remise en marche illégale de l’usine avec 3000 visiteurs, dont le préfet et un ministre ; un vote unanime du conseil général de l’Eure pour que le gouvernement aille jusqu’à l’expropriation de M-real s’il refuse de vendre aux candidats à la reprise ; une proposition de loi «Arcelor-M-real » pour l’obligation de vente à un repreneur sérieux quand un capitaliste veut fermer, soutenue par Hollande candidat (mais dont l’adoption tarde tragiquement) … c’est tout  cela qui a pesé pour que le conseil général et l’Etat s’engagent pour faciliter la reprise, pour le redémarrage de la papeterie d’Alizay au printemps. Ce qui a été obtenu n’est pas parfait (pourquoi la chaudière, véritable poule aux œufs d’or,  a-t-elle été bradée à des financiers et pas reprise par la Région ?) mais confirme l’adage : « quand on lutte, on peut perdre, quand on baisse les bras on a déjà perdu ». C’est un formidable encouragement à coordonner les luttes au plan national  pour « l’interdiction des licenciements chez M-real comme ailleurs » (mot d’ordre de la CGT du site depuis le début). »

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