5 février 2013

Faut-il porter des pulls qui grattent, des chaussures trouées et être payés au SMIC pour être de gauche ?


Pierre Vandevoorde donnant de la voix à Val-de-Reuil lors de la venue de François Hollande. (photo JCH)
Dans un de  ses commentaires récents postés sur ce blog, Pierre Vandevoorde, préposé à la communication pour le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) de l’Eure et de Louviers apostrophe Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil et premier secrétaire de la fédération de l’Eure du Parti socialiste. Il lui pose une question : « gagnes-tu plus ou moins de 20 fois le SMIC mensuellement ? » Soit 28 500 euros brut mensuels. Pourquoi vingt fois et pas dix ni cinquante ? Et surtout, pourquoi cette question ?
Marc-Antoine Jamet travaille chez LVMH et occupe une fonction dirigeante éminente puisque secrétaire général du groupe de luxe depuis 2001 il en est également le directeur immobilier (1). Si j’énumère (en bas de page) presque toutes les fonctions de Marc-Antoine Jamet, c’est évidemment pour moquer ceux qui lui reprochent d’être ce qu’il est et de faire ce qu’il fait. Ici même, Marc-Antoine Jamet a rappelé ses origines, ses études, ses parcours estudiantin, professionnel et militant sans que je sois obligé d’y revenir. Jamet est un bosseur. Il a obtenu bien des diplômes et en plus il réussit. Oh le vilain !
En réalité la question que pose Pierre Vandevoorde sous-tend une affirmation vieille comme le socialisme en France. Peut-on être de gauche et très bien gagner sa vie ? Faut-il porter des pulls qui grattent, des chaussures trouées et gagner le SMIC (voire moins) pour s’affirmer de gauche sans mauvaise conscience et sans culpabiliser ? Pour Pierre Vandevoorde, la réponse ne fait pas de doute : bénéficier d’un gros salaire ou posséder quelque bien de grande valeur est incompatible avec les…valeurs de gauche. On le disait déjà de Léon Blum et sa vaisselle d’or (fausse accusation) de Pierre Mendès France et des magasins de son épouse en Egypte (fausse accusation) de Laurent Fabius et de son goût pour les antiquités. On semble le dire de Marc-Antoine Jamet. Il n’est pourtant ni richissime possédant, ni responsable des actes de Bernard Arnault, son patron chez LVMH.
Les hommes et les femmes de gauche doivent être jugé(e)s sur leurs actes, leurs actions, leur cohérence et surtout, sur le respect de leurs principes. Nombre d’entre eux ont trahi leurs idéaux pour un plat de lentilles.
La critique de Pierre Vandevoorde intervient au moment même où on apprend que le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) compte, nationalement, 2500 adhérents. Qu’il est en perte de vitesse, n’a plus de leader naturel et charismatique et continue de s’appuyer sur des pratiques groupusculaires. Je le dis avec d’autant moins de plaisir que j’ai de l’estime pour la plupart des militants lovériens du NPA. Ils ont le mérite de la sincérité, du courage même physique, de l’engagement, mais est-ce suffisant pour représenter une vraie force politique ?
Dans un pays où l’influence d’un parti se mesure à l’aune du suffrage universel, il est évident que le 1,17 % des suffrages de Philippe Poutou (le candidat du NPA à la présidentielle) ne pèse pas lourd. Pour autant, je maintiens que ce critère est nécessaire même s’il n’est pas suffisant. Car à Louviers, on sait que le NPA vaut plus que cela. La preuve ? Les 10 % de suffrages obtenus lors des dernières élections municipales et la présence de ses militants à la pointe de combats plus que respectables. Cette confiance des électeurs (trices) prouve que l’offre politique de la gauche traditionnelle ne suffit pas. Je ne parle pas du PRG car à Louviers, les radicaux ne le sont pas. Je parle du PC, du PS et des Verts. Le NPA propose souvent des actions communes, pour Cinram ou contre le Front national par exemple. Mais il refuse d’embrayer et de chercher le compromis de l’union. Pour le NPA, compromis égale compromission. « Le kantisme a les mains pures mais il n’a pas de mains. » affirmait Charles Péguy. Le NPA a les mains pures car il ne participe à aucun exécutif et par conséquent ne prend pas le risque d’assumer un quelconque pouvoir et donc un quelconque échec. Voilà pourquoi la crédibilité des militants du NPA est sujette à caution. C’est tellement vrai que la gauche unitaire (née de la scission d’une partie du NPA) a rejoint le Front de Gauche et Mélenchon ouvertement candidat au pouvoir comme le sont les communistes de Pierre Laurent.
Se profilent les municipales de 2014. Des listes d’union de la gauche se présenteront aux suffrages dans bien des villes de France et de l’Eure. Elles comprendront des militants du PS, des Verts, du Front de gauche (parti de gauche et PCF) des sans partis…ce serait une occasion à ne pas manquer pour des militants du NPA désireux de changer de politique.

(1) Il est Vice-président de la Fédération des Industries de la parfumerie (FEBEA) depuis 2002 et Président du pôle de compétitivité « Cosmetic Valley » depuis 2011. Il a été Président de l’Union des fabricants (Unifab), principale association européenne en charge de la lutte contre la contrefaçon entre 2001 et 2010. Depuis 2009, il est membre du Haut Conseil de l’Intégration, Administrateur de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE), de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) depuis 2005, de Paris Tech Review depuis 2011, il est également Président-Directeur général du Jardin d’acclimatation depuis 2004. Il a été nommé en octobre dernier président du CNED (centre national d’éducation à distance) par Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale.

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