5 avril 2013

L'affaire Cahuzac ne doit pas conduire les militants socialistes à quitter le navire. Pourquoi il faut croire en la politique.

Retrouver l'esprit de la campagne présidentielle et ne pas baisser les bras. (photo JCH)
La lettre adressée par Harlem Désir aux militants socialistes m’inspire plusieurs commentaires. A l’heure où nombre de camarades déchirent leur carte ou s’indignent fort légitimement qu’un parti de gauche recèle tricheurs ou malfaiteurs, elle m’invite à rappeler comment et pourquoi j’ai adhéré au PS en 2006.
Je n’étais pas un homme de parti. Jusqu’à cette époque, le seul parti qui me convenait était celui du camp de la gauche représenté par différents mouvements et courants. Et depuis 1965. Co-fondateur du Comité d’action de gauche de Louviers aux côtés d’Ernest Martin, Serge Bove, et quelques autres amis, je ne connaissais que trop les défenseurs des chapelles sans âme plus acharnés à défendre le contenant que le contenu. Pendant des décennies, mon slogan a été : « Votez à gauche pour des candidats de gauche » ! Ceux que Pierre Mendès France appelait les candidats de progrès pour les opposer aux conservateurs.
La politique initiée par le Docteur Martin — rédacteur d’une charte toujours valable aujourd’hui — politique humaniste, redistributive, juste et avant-gardiste, prouvait qu’on pouvait mettre ses paroles en actes. Le minimum qu’on puisse demander à un homme de gauche cohérent. Son fils, Franck, a été élu sur cette plateforme programmatique et a prospéré sur le terreau du CAG mais au fil des ans, il en a oublié l’essentiel. Lors de sa seconde élection cantonale puis lors de l’élection municipale de 2001, il s’est engagé et ses amis avec, au Parti radical de gauche. Un acte en contradiction avec les fondements du CAG. Mais c’était pour lui le moyen d’éviter le trop plein au PS et la certitude de pouvoir peser lors de négociations locales et départementales. Un moyen d’exister, quoi. Le PRG ne correspond ni à mes options ni à mes envies. Le radicalisme Baylet n’a que peu à voir avec les radicaux d’hier. Il ne m’est donc pas venu à l’idée de rejoindre ce parti présidé par un homme de petite dimension.
Ayant soutenu dès 1978 François Loncle et plusieurs autres candidats socialistes à Louviers et autour de Louviers, ayant à mon tour compris que l’esprit du CAG n’était plus, localement, qu’un souvenir mais souhaitant m’investir dans un combat collectif global , j’ai choisi le Parti socialiste tout en en connaissant ses limites et ses imperfections. Le socialisme authentique répond cependant aux aspirations de nombreux Français. C’est pourquoi j’ai accepté d’être candidat aux élections cantonales et municipales sous cette étiquette PS signifiante aux yeux des électeurs de la gauche de gouvernement en opposition à la gauche protestataire réfugiée…dans la seule contestation.
J’ai participé activement depuis (comme avant d’ailleurs) à toutes les campagnes électorales. J’ai collé des affiches, distribué des tracts, écrit des textes, milité pour que les socialistes deviennent ce qu’ils sont : majoritaires au Parlement et responsables au gouvernement. Lors de la campagne des primaires internes, j’avais choisi la candidature de Martine Aubry. La maire de Lille a fait preuve, tout au long de sa vie politique, de rigueur, de cohérence, d’engagement et de volonté. Elle aurait fait, j’en suis certain, une très bonne présidente et en aurait remontré à Angela Merkel car il n’y a pas plus européenne que Martine Aubry. La majorité des électeurs-citoyens ayant choisi François Hollande, j’ai soutenu loyalement sa campagne et ai été heureux de sa victoire.
A l’heure où tous les clignoteurs sont au rouge, il faut raison garder. L’affaire Cahuzac et les placements aux îles Caïman d’un ami de François Hollande démontrent une fois de plus que se charger du combat contre ses ennemis n’exonère pas de faire preuve de prudence à l’égard de ses amis. Je sais depuis belle lurette la fascination de certains pour le pouvoir et l'argent. Les attaques des dirigeants de l’UMP ? Elles n’ont pas cessé depuis le mois de mai. Copé, Fillon, Sarkozy, ne se sont pas résignés à la défaite. Ils jouent la revanche tous les jours. Les agressions de Marine Le Pen ? Elles sont constantes contre « l’UMPS » et la présidente du FN attend son heure. Les reproches véhéments de Jean-Luc Mélenchon ? Il déteste la sociale-démocratie et fait de son combat contre François Hollande une affaire personnelle. Il abhorre tout ce qu’il a un jour adoré chez les socialistes dont il a été camarade pendant trente ans.
Faut-il quitter le navire quand il tangue, quand la tempête de déchaîne ? Certainement pas. Mais le président, le gouvernement, la majorité doivent se souvenir des larmes de Gérard Filoche, membre du conseil national du PS, sidéré par les aveux de Jérôme Cahuzac. Ils doivent donc en tirer toutes les conséquences : politiques, institutionnelles, éthiques. Les deux minutes de mise au point du président de la République ne suffisent pas. Il doit très rapidement envoyer des signes forts aux militants de gauche et à tous les Français. Il ne faut plus louvoyer. Alors que les policiers perquisitionnent le bureau et le domicile de Patrick Buisson (1) il faut placer l’UMP devant ses contradictions et renvoyer ses leaders à leurs turpitudes. Elles n’exonèreront pas certains socialistes de leurs erreurs et de leurs fautes. Elles ne conduiront sans doute pas à des attitudes plus modestes voire plus humbles car les dénégations de Cahuzac pendant quatre mois en disent long sur le sentiment d’impunité qui l’animait et sur la certitude qu’il avait de parvenir à se faire oublier. Nous ne sommes plus en 1960. En 2013, il existe des journalistes — des vrais — pour rappeler les règles élémentaires de l’engagement collectif : probité, désintéressement, responsabilité. On en voit tant accrochés au pouvoir, aux mandats, aux indemnités…
Remaniement, serrage de boulons, employons l’expression qu’on veut. François Hollande est le patron. A lui de démontrer qu’il tient les rênes et qu’il sait où il va. Il ne doit rien céder : ni sur le vote des étrangers, ni sur la PMA, ni sur la nécessité de la croissance, ni sur les 75 %. Il doit prendre très rapidement des initiatives s’il veut éviter ce que je crains : le coup dur avec violence, suivi d’un retour de la droite aux affaires dans tous les sens du terme.
(1) Patrick Buisson, éminence grise de Sarkozy, est le dirigeant d’une société de conseils et de sondages qui a passé des marchés sans appel d’offres avec l’Elysée. Son domicile et ses bureaux ont été perquisitionnés, hier, dans le cadre d’une information judiciaire pour détournement de fonds publics, notamment.

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