13 mai 2013

La grande lessiveuse du suffrage universel


Les hommes politiques, quel que soit le niveau de leurs responsabilités, ont parfois une drôle d’idée du suffrage universel. En étant désigné par les citoyens lors d’un vote, certains en sont à considérer que ce vote annule tous leurs errements et toutes leurs turpitudes. Après la guerre de 1939-1945, il y eut bien des condamnations pour collaboration avec l’ennemi nazi. Certains hommes furent lynchés et donc assassinés sans jugement, d’autres (des femmes) furent tondues le plus souvent pour avoir eu des relations intimes avec des militaires allemands, d’autres encore furent condamnés à des peines de prison ou frappés d’une période d’indignité nationale les empêchant d’être élus.
Passé cette période, ils ont été un certain nombre en France et dans l’Eure, notamment, à souhaiter être « blanchis » par le suffrage des électeurs. Une élection revenait, dans leur esprit, à un effacement des fautes, un oubli des déshonneurs, à une réhabilitation sociale et publique. Dans l’Eure, Modeste Legouez, ancien sénateur, fut de ceux-là. On le vit parader, recevoir des médailles et s’engager politiquement très à droite sans craindre l’opprobre du peuple d’autant plus qu’un sénateur est élu par d’autres élus ! Et Legouez fut également élu maire et conseiller général !
En se promenant sur le marché de Villeneuve-sur-Lot, ville dont il est le maire, Jérôme Cahuzac prend le pouls de la ville dont il était, il y a quelques semaines encore, également le député. Contraint à la démission de son poste de ministre sous la pression et les révélations du site Mediapart, il a dû en faire autant avec ses fonctions de parlementaire…sous la pression du président de la République et du Parti socialiste. Alors qu’il pouvait retrouver, de facto, son siège de député, il a dû abandonner l’idée de revenir au Palais Bourbon par automaticité.
Cahuzac n’exclut, aujourd’hui, pas d’être candidat à la prochaine élection législative partielle bien que le PS (qui l’a exclu) ait d’ores et déjà désigné un candidat officiel du nom de Barral, ancien chef d’entreprise et bien connu localement. Si Cahuzac va au bout de son idée, qui sait si les électeurs ne feront pas marcher la grande lessiveuse du suffrage universel, celle qui nettoie plus blanc que blanc et réintègre les parias condamnés ou susceptibles de l’être. Il est vrai que tant que la justice n'a pas dit son dernier mot, personne n’est définitivement coupable.
Pour autant et c’est vrai partout en France, on ne doit pas considérer qu’une élection est une réhabilitation ou un effacement des fautes et des erreurs. Franck Martin a déclaré dans la presse locale — après avoir été condamné en première instance pour diffamation à Evreux à l'égard de Marc-Antoine Jamet — que le seul jugement qui compte à ses yeux « est celui des électeurs. » Franchement, je ne vois pas pourquoi les Lovériens, par leur vote, auraient à abonder (ou non) dans le sens du maire. Ce dernier devra être jugé, politiquement, sur son action, sur ses alliances et sur son programme. Pas seulement sur ses faux pas.

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