16 mars 2013

L'affaire du compte en Suisse de Jérôme Cahuzac : le caramel sera-t-il mou ou dur ?


J’ai peut-être eu tort de m’excuser trop tôt auprès de mes amis qui m’accusaient d’avoir mis à mal la version de Jérôme Cahuzac dans l’affaire du compte suisse. En effet, bien qu’avec prudence, j’aie toujours considéré que l’enquête de Médiapart était de premier ordre et fiable attestant de l’existence d’une dissimulation de compte à l’étranger de la part du ministre du budget, j’ai cru de bonne foi que la déclaration de M. Moscovici, ministre de l’économie, assurant qu’UBS n’avait pas confirmé l’existence de ce compte entre 2006 et 2012 était crédible. D’où mes excuses « provisoires » dans l’attente d’une suite qui a fini par arriver. UBS a répondu mais de manière si oiseuse qu'aucun enseignement ne peut en être tiré à l'avantage ou au tort de M. Cahuzac. Diplomatie oblige.
Il semble bien que les choses soient beaucoup plus compliquées et surtout moins évidentes que ne le dit M. Moscovici. Le site Médiapart confirme aujourd’hui que toutes les expertises et témoignages des services de police prouvent à 100 % que l’enregistrement attribué à Jérôme Cahuzac, pour la voix et son contenu, est bien dû à un coup de fil qu’il donna à un correspondant ami, et qu’il fut enregistré par erreur sur le répondeur de l’avocat Gonelle, son opposant UMP local. Cet enregistrement fut déposé aussitôt chez un huissier qui a confirmé depuis le nom de l’émetteur et celui du réceptionnaire.
Malgré les dénégations et les tentatives d’oubli de Jérôme Cahuzac, malgré les menaces de procès en diffamation, Médiapart assure tranquillement que son enquête permet à nouveau d’affirmer que l’ancien chirurgien a bien été détenteur d’un compte en Suisse et qu’il l’a dissimulé au fisc français ce qui est du plus mauvais effet pour un ministre du budget dont on attend qu’il lutte contre la fraude fiscale et mette ses actes en concordance avec ses paroles.
Dans l’article d’aujourd’hui, Fabrice Arfi, co-auteur de l’enquête depuis le début de l’affaire, indique même que Jérôme Cahuzac s’apprête à recevoir un « caramel », un coup dont on ne se relève pas. Il aurait fait cette confidence à une journaliste de Libération. J’ignore si le caramel sera mou ou dur. Ce que je sais c’est que de nombreux militants socialistes, dont je suis, supporteront mal que des députés et des responsables gouvernementaux continuent d’affirmer le contraire de la vérité. Jérôme Cahuzac, s’il est coupable de cette fraude, ne serait ni le premier homme politique, ni le dernier, à avoir menti. Contrairement à ce qu'il assure, il s'en remettra. Les électeurs ont la mémoire si courte. Quant à la suite judiciaire, elle dépend du procureur de Paris, François Molins, lequel doit répondre aux demandes de saisine élargie du juge d’instruction. Mais le parquet dépend du ministre de la Justice. Connaissant Christiane Taubira, il m’étonnerait qu’elle demande le classement d’un dossier plus qu’ennuyeux pour le pouvoir. Si l’enquête se poursuit, un remaniement ministériel sera indispensable. Le seul tort qu’aura eu le président, finalement, aura été d’attendre des mois avant de sévir.

Tapie dans le sud ! Un patron de presse de plus, la liberté de la presse en moins


Bernard Tapie, nouveau patron de presse débute sa nouvelle carrière sous de malheureux auspices. Il a trouvé le moyen de se faire interviewer, sur une page plein d’un journal grand format, par un «journaliste» obligé de son groupe lequel, évidemment, ne lui a posé aucune question qui fâche. C’est la spécialité des patrons de droite de mettre la main sur les rédactions et de les contraindre à raconter le monde à leur façon. Tapie, patron de presse, quand on est un journaliste digne de ce nom, conduit à le questionner sur l’arbitrage Crédit Lyonnais et le montant du préjudice moral, ses rendez-vous avec Sarkozy, son passé de président de l’OM etc. Au lieu de cela, les lecteurs des journaux du groupe Tapie-Hersant ont eu droit aux banalités et aux clichés dont le bonimenteur est coutumier.
Cette interview est aussi un signe adressé à toutes les rédactions de son groupe. Elles ne traiteront pas (ou plus) les sujets qui fâchent, ne poseront pas ou plus les mauvaises (ou les bonnes) questions, n’aborderont pas ou plus les thèmes qui déplaisent au patron. A la Dépêche de l’Eure, on avait connu cela du temps de Philippe Hersant associé de Bernard Tapie. L’un de mes confrères ébroïciens avait souhaité aborder les problèmes suscités par l’agrandissement du golf de Nantilly situés à la frontière de l’Eure et de l’Eure et Loir. Ce golf appartenait à la famille Hersant. Robert, le père, en avait fait sa danseuse. Mais les habitants du coin n’appréciaient pas du tout l’agrandissement de ce golf. Des problèmes fonciers et d’écoulement des eaux étaient soulevés. La rédaction d’Evreux reçut l'ordre de ne pas aborder le sujet au prétexte « qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit. » Voilà comment certains conçoivent la liberté de la presse et celle des journalistes.
Avec Tapie, nombre de thèmes devraient donc être écartés des pages de ses journaux. Les journalistes pourront-ils évoquer les affaires Karachi, Bettencourt, sans être censurés eu égard à son amitié et ses liens avec Sarkozy ? Pourront-ils exposer librement la situation politique de Marseille avant les municipales surtout si Tapie risque d’être candidat ? Comment ces journaux-là vont-ils relater le combat à droite pour succéder à Gaudin ou la primaire à gauche pour choisir un (ou une) chef de file ? Sans oublier les obsessions de Tapie : le libéralisme économique à tout crin, son opposition à Hollande et à la gauche, le yacht de plusieurs dizaines de millions d’euros qu’il loue à ses amis…
Tapie sera dans la lignée des Dassault. Les journalistes devront être aux ordres. Et les lecteurs avec.

14 mars 2013

« Casse toi pov'con », la France condamnée pour atteinte à la liberté d'expression


La France a violé la liberté d'expression en condamnant pour offense à Nicolas Sarkozy l'homme qui avait brandi en août 2008 un écriteau en carton marqué du slogan "Casse toi pov'con" lors d'une visite présidentielle à Laval, en Mayenne, estime jeudi la Cour européenne des droits de l'homme. La cour a jugé "disproportionné" le recours à une sanction pénale, qui risque selon elle d'avoir "un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des question d'intérêt général".
Voilà une décision bienvenue. Heureusement qu’il existe des juridictions capables de s’affranchir d’une frilosité certaine quand il s’agit de critiques de personnalités détenant de grands pouvoirs. Le militant du Front de Gauche qui avait brandi l’écriteau ne faisait que reprendre une expression utilisée par Nicolas Sarkozy lui-même lors de sa fameuse visite au salon de l’agriculture. Ce jour-là, machinal, le Président de la République avait voulu serrer la main d’un homme qui la lui refusa en faisant une réflexion peu amène pour Nicolas Sarkozy lequel lui répondit par une formule appelée à faire florès : « casse toi pov’con ! »
La sanction qu’évoque la cour européenne — une amende de 30 euros quand le procureur en demandait 1000 — était évidemment symbolique. Mais la cour a estimé que même une condamnation symbolique était inadmissible. La France, pays de la liberté d’expression, devra sans doute adapter son code pénal afin de moins protéger la personne du chef de l’Etat lequel peut poursuivre tout un chacun s’il estime que la critique porte atteinte à son image ou à l’idée qu’il s’en fait.

13 mars 2013

La chasse à l'enfant reste ouverte !


Communiqué du Réseau Education sans frontières :
« La neige paralyse une partie du réseau routier et ralentit le trafic aérien mais il faut rendre hommage à la Police aux frontières du ministre Valls et du président Hollande qui n’hésite pas à braver bourrasques, tempêtes et intempéries pour accomplir sa mission. Et quelle mission !
Ce matin, à 6 heures, la famille Maxhuraj a été arrêtée à Pontivy (Morbihan). Les deux parents, Sélami et Améla, les trois enfants Klévis, 12 ans, Ergy, 11 ans et Vonessa, 9 ans, ont été chargés dans deux voitures. Ils roulent en ce moment vers Paris où un avion les attend pour les expulser vers l’Albanie.
Les parents et les trois enfants ont fui leur pays où ils étaient menacés en 2011. Améla, la mère, a été blessée dans une affaire de vendetta. Ils ont été déboutés de leur demande d’asile à l’OFPRA puis devant la CNDA.
Les trois enfants sont scolarisés. Klévis est un élève exemplaire, tous trois parlent très bien le français, Vonessa fait de la danse, les deux garçons du foot. Les parents ont des promesses d’embauche.
C’est une famille sympathique qui préfère dormir dans la rue plutôt que de retourner en Albanie assurent ceux qui la connaissent. Le collectif qui les suit assure que la peur qu’ils expriment n’est pas feinte mais, au contraire, bien réelle. Ils étaient assignés à résidence à Pontivy avec obligation de pointer à la gendarmerie plusieurs fois par semaine depuis le 28 février. Ce matin, M. Valls a montré que, dans la lignée de ses prédécesseurs, Sarkozy, Hortefeux, Besson et Guéant, la chasse à l’enfant ne lui répugnait pas. »

Réponse à la lettre ouverte de José Alcala sous le sceau de la confidence

Une amitié réelle est longue à construire. Elle peut être vite détruite. (photo Jean-Charles Houel)
José Alcala m’a adressé une lettre ouverte qu’il publie sur son blog. Je ne lui en conteste ni le droit ni l’opportunité. Je lui donne acte du fait qu’il traduit comme une erreur de s’être présenté aux élections municipales de Louviers sur la liste d’Odile Proust. A cette époque, il n’était pourtant pas un perdreau de l’année. Mais bon…
Plus symptomatique me semble être son obstination à apparaître comme un journaliste intègre, loin des querelles partisanes, apte à distribuer les bons et les mauvais points aux vilains militants forcément aveuglés par leur idéologie. Avec en prime, une considération excessive, selon moi, pour l’ordre établi et les élus d’« importance ». Pour sauver la face, José — pour lequel je n’ai aucune antipathie — veut à tout prix démontrer qu’il n’est pas l’homme lige de Franck Martin. Je ne le crois pas. (1)
Dans l’affaire qui nous préoccupe — le procès Jamet contre Martin — il se trouve que le maire de Val-de-Reuil est celui par lequel mes relations avec Franck Martin se sont dégradées au point de devenir ce qu’elles sont : conflictuelles. Est-ce l’effet du hasard ? Pour que nul n’en ignore, je rappelle (ou j’informe) que le premier à avoir dégainé est Franck Martin. En nous accusant publiquement sur son blog, mon épouse et moi, de « bouffer à tous les râteliers » (2) Franck Martin m’a déclaré la guerre. Comme nous avions partagé bien des combats communs, j’ai considéré qu’il avait rompu d’une manière honteuse le pacte tacite et immuable liant deux personnes amies. Je rappelle (au passage) que contrairement à ce que le maire de Louviers raconte partout, ce n’est pas lui qu’Odile Proust a mis en cause lors de ses défaites : « Jean-Charles m’a tuer » écrivait-elle à la une de son journal municipal !
Consulté après cette attaque aussi imprévisible que suprenante, mon avocat me poussait au procès. J’ai renoncé pourtant à porter plainte pour atteinte à ma vie privée et à celle de mon épouse par égard pour Ernest, le père de Franck Martin, et notre passé. Mais j’ai compris à cette occasion de quoi était capable l’homme que j’avais aidé, soutenu, encouragé par mes écrits et mes actes lors de ses différentes campagnes électorales. Qu’il se montrât ingrat ensuite ne fit qu’ajouter à ma déception. Eu égard aux relations personnelles que j’avais toujours nouées avec lui et sa famille, il aurait dû prendre le temps de se relire et de jeter son article à la corbeille. M’accuser de «bouffer à tous les râteliers» alors que durant toute ma vie, je suis resté fidèle au Comité d’action de gauche et à ses valeurs, à son père que je porte haut dans mon cœur, c’était porter atteinte à mon honneur et à ma considération. Dès lors, rien ne serait plus jamais comme avant.
Avec le temps, j’ai mesuré la distance qui, finalement, nous séparait. Je m’étais trompé sur le bonhomme, il n’était pas celui que je croyais qu’il était. Il était pour moi devenu d’hygiène publique de le faire savoir et de fixer des limites à un politicien retors, habile, d’où ma candidature aux cantonales avec le résultat que l’on sait. La défaite de Franck Martin l’a ramené, en partie, à la raison et c’est bien pourquoi en 2012, il n’a pas commis à nouveau la bêtise de se présenter contre François Loncle comme il ‘avait fait en 2007 au prix d’une humiliation certaine. Le député, d’ailleurs, lui en sait gré.
Marc-Antoine Jamet, en portant plainte pour diffamation après des années passées à supporter insultes et agressions, a fait ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. En gagnant son procès, il va de facto aider à fixer des règles plus acceptables dans le jeu politique local. C’était d’ailleurs son premier objectif comme il l’a excellemment écrit dans un billet publié sur ce blog. Quand Franck Martin déclarait que la politique a ses us et coutumes dont celui « d’en prendre plein la gueule », il ne faisait que jouer sa propre partition écrite à une main. Le tribunal lui a dit « STOP ».
José Alaca a donc tort de me présenter comme l’unique adversaire de Franck Martin. Il se trouve que nous sommes nombreux, socialistes ou pas socialistes, à mieux lire ses manières de se comporter et à mieux décrypter ses façons de faire de la politique. En étudiant de près ses réalisations, ses objectifs, on comprendra les erreurs et les fautes qu’il a commises. Quand il dit « mon projet c’est mon bilan » il nous pousse à éplucher au plus près sa politique et son relationnel et à aller regarder derrière le miroir aux alouettes. Je reste ainsi persuadé que l’élection de Patrice Yung à la présidence de la CASE n’est pas un cadeau de Franck Martin. Sous la pression collective et un mouvement puissant d’hostilité des délégués des communes de Seine-Eure-Seine-Bord, le président sortant a senti le vent du boulet et s’est rallié à son « ami de 20 ans » pour masquer une réalité : un rejet de plus en plus fort. Rejet des méthodes, certes, mais aussi rejet de certaines propositions. J’ai toujours dit que viendrait le jour où les yeux se décilleraient. Le temps est venu.
Cher José, grâce à toi, et je t’en remercie, j’ai enfin l’occasion de mieux faire comprendre mon attitude d’aujourd’hui et mon engagement au PS dans un contexte où la gauche de gouvernement — à Louviers et ailleurs en France — a besoin de militants aguerris, de militants de conviction prêts à rechercher l’union dans la loyauté et la durée. Ceux et celles qui me connaissent savent que je lutte, depuis l’âge de 20 ans, à gauche, très à gauche, sur la base de valeurs en partie acquises grâce aux idées éclatantes d’Ernest Martin et de ses amis.
Franck Martin indique dans un commentaire : « Houel est sorti de mon radar. Il y a longtemps que je ne polémique plus avec lui. » La dernière fois, c’était le 24 décembre 2012. Hier quoi. La polémique a beaucoup de défauts et quelques avantages. Parmi eux, la création de ce blog en 2007, un outil d’information supplémentaire dans le paysage lovéro-rolivalois. Un outil d’autant plus utile que le maire-ex-président de la CASE avait le monopole d’un discours surabondant jamais contredit. Il ne s’est pas privé d’en user et, le procès d’Evreux l’a prouvé, d’en abuser.
Ces quelques explications ne vident pas la querelle m’opposant au politicien Franck Martin. Elles permettent, je le crois vraiment, de mieux comprendre mon cheminement. Il dépasse de loin une simple querelle personnelle, une opposition qui ne serait qu’« affective » ou « jalousie ». Cette opposition s’est construite, renforcée au fil des ans et des attitudes changeantes du maire sortant de Louviers. Obnubilé par son maintien au pouvoir et ses mandats, quel qu’en soit le prix, Franck Martin est devenu le fils indigne d’un père connu pour son désintéressement et sa grandeur d’âme. Elu maire grâce au père, au travail du CAG et de quelques amis dévoués… quand on pense qu’il reproche à Marc-Antoine Jamet d’être un fils à papa !

 (1) Un lecteur attentif de ce blog me signale que José Alcala était candidat sur la liste d'Hervé Morin aux régionales de 2004 aux côtés de Marie-Hélène Gateau, devenue adjointe de Franck Martin. Quand il dit qu'il ne fait pas de politique…
(2) En 2007, Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, nous avait, mon épouse et moi, invités à déjeuner. Franck Martin en tira une interprétation toute personnelle qu’il rendit publique sur son blog. Initiative fâcheuse, démarrage d’une brouille définitive. Que croyait-il ? Que je me coucherais !

12 mars 2013

François Loncle : « Commentateurs de comptoir, donneurs de leçons et autres Savonarole de salon »

« Depuis le début de l’intervention française au Mali, certains commentateurs parisiens se complaisent à jouer les prophètes de malheur. Pour la lucidité d’un Antoine Glaser, d’un Pierre Servent ou de quelques autres, combien de journalistes omniscients, de spécialistes autoproclamés de l’Afrique, d’intellectuels égarés dans les sables sahariens ou de politiques sectaires proclament que nos soldats sont englués dans le bourbier sahélien.
Dans notre monde hypermédiatisé, toute guerre génère une cohorte spontanée d’experts capable de disserter, à longueur d’antennes, de tribunes ou de blogs, sur la tactique anti-insurrectionnelle, la topographie de l’Adrar des Ifoghas, la composition ethnique de la région, la culture touareg… Mais ces Savonarole de studio et de salon ne se contentent pas d’étaler de friables connaissances fraîchement acquises sur Wikipédia et de pérorer sur un pays où ils n’ont jamais posé leurs mocassins. Ils manifestent, en outre, un alarmisme permanent et panurgique qu’ils voudraient vendre pour une distance critique.
Ils n’avaient pas fait preuve de tant de circonspection lors de l’opération BHL-Sarkozy en Libye, en occultant les conséquences désastreuses de celle-ci sur la stabilité de toute cette région. Pour ces commentateurs de comptoir, il est évidemment cruel de constater que la Libye a sombré dans le désordre et s’est transformée en un gigantesque supermarché d’armes où se sont approvisionnés AQMI et consorts.
Dès la décision courageuse de François Hollande, ces prédicateurs patentés du pire, ces donneurs de leçons imbus de leur ignorance se délectaient de claironner le risque d’enlisement au Mali et de prédire un scénario à l’afghane. Le comble de ces dérives grossières incombe – ce qui n’est pas étonnant – à l’ineffable M. Sarkozy. Dans un hebdomadaire conservateur, il a brisé une tradition républicaine, en dénigrant l’action internationale de son successeur. En multipliant, comme à son habitude, les contre-vérités et les approximations, à tel point que Claude Guéant a été contraint de le désavouer. Au contraire de ce qu’affirme l’ancien maire de Neuilly qui méprisait l’Afrique, le Mali dispose d’un président et d’un gouvernement, certes provisoires mais légalement investis par l’Assemblée nationale. A l’inverse de ce qu’il prétend, les putschistes groupés autour du capitaine Sanogo ont été marginalisés.
Pour ma part, j’éviterai de formuler des assertions définitives, car je ne prétends être ni africaniste ni expert en terrorisme. Il est vrai que je ne parcours l’Afrique que depuis 25 ans. Je souhaite simplement établir trois constats objectifs et soulever trois questions.

Trois observations :
L’action militaire de la France au Mali était légitime, urgente et nécessaire, car elle a répondu à un appel pressant du gouvernement malien, s’est inscrite dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité, a évité l’installation à Bamako d’un régime gangstéro-djihadiste. L’opération Serval est une réussite, car elle a stoppé l’offensive des groupes terroristes et a libéré le nord du Mali.
L’armée française, secondée par des unités maliennes et des troupes tchadiennes exemplaires, poursuivent une action rapide, précise, efficace, en s’attaquant à présent au réduit terroriste situé dans le massif des Ifoghas.
L’intervention française n’est pas motivée par la défense d’intérêts nationaux plus ou moins voilés, mais par celle de valeurs intangibles. Cette intervention diffère fondamentalement de bien des opérations menées par le passé, particulièrement en Afrique : en ce sens, elle est la traduction concrète de la nouvelle politique africaine de la France fondée sur un partenariat transparent, équitable et sincère. Elle est le contraire de la Françafrique. Les forces françaises ont vocation à être relayées, dans les prochaines semaines, par les troupes africaines de la MISMA qui sécuriseront les régions sahéliennes libérées.
Trois interrogations
Comme l’a récemment souligné Béchir Ben Yahmed dans Jeune Afrique – et il a été le seul à le faire -, pourquoi les dirigeants politiques et religieux des Etats musulmans, les intellectuels de ces pays et les institutions régionales, comme l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) et la Ligue arabe, ne dénoncent pas catégoriquement ces bandits fondamentalistes qui déshonorent une religion universelle ?
L’ONU, l’Union européenne et le G 20 vont-ils se montrer plus attentifs au problème des sources de financement des groupes terroristes et exercer des pressions persuasives sur certains Etats qui les financent ? Ces mêmes instances internationales vont-elles, enfin, se saisir de la menace tragique et récurrente que constitue le terrorisme – on pense bien sûr au drame des prises d’otages – d’abord, pour mieux le définir et, ensuite, pour le combattre plus efficacement ? L’un des grands mérites de l’opération Serval est de démontrer qu’une forte volonté politique peut venir à bout de toute fatalité. Il convient, pour cela, de récuser tout esprit de collaboration, de ne pas succomber à la facilité et à la contagion du défaitisme ambiant. »
François Loncle, Député de l’Eure, rapporteur du groupe de travail sur la situation au Sahel (Commission des affaires étrangères)

11 mars 2013

« La jolie rousse » par Guillaume Apollinaire


Stéphane Hessel était capable de réciter les poèmes qui ont marqué sa vie. Notamment « La jolie rousse » texte qui l'a accompagné tout au long de son existence.
« Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’Infanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte
Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir
Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre et de l’Aventure

Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
À ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure

Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité

Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Voici que vient l’été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
Ô Soleil c’est le temps de la Raison ardente
Et j’attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu’elle prend afin que je l’aime seulement
Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant
Elle a l’aspect charmant
D’une adorable rousse

Ses cheveux sont d’or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent

Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d’ici
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi
 


François Hollande devrait s'inspirer plus de l'action de Pierre Mendès France

François Hollande dans la salle Pierre Mendès France de l'Hôtel de ville de Louviers en janvier dernier. (photo Jean-Charles Houel)
Jean-Pierre Sueur, un sénateur socialiste, déclare qu’il aurait fallu dire la vérité aux Français sitôt après l’élection de François Hollande. Ils comprendraient mieux ainsi la politique économique du gouvernement, une politique que 62 % des Français considèrent comme erratique, sans boussole et sans cap.
François Hollande a entendu le message du peuple puisqu’il va consacrer son mois de mars à expliquer, expliquer encore, les objectifs qu’il s’assigne et les moyens qu’il se donne pour les atteindre. Quand il est venu à Louviers en janvier dernier visiter l’exposition consacrée à la vie, l’action, l’histoire de Pierre Mendès France, le Président de la République n’a pu manquer de relever la citation de l’ancien président du conseil sur la nécessité de toujours dire la vérité au peuple sans jamais se lasser. PMF savait d’évidence qu’une politique, même difficile, ne peut être acceptée que si elle est comprise par les citoyens. D’où, affirmait-il, cette nécessité permanente de dresser l’état de la situation, d’en expliquer les causes, d’en tirer les conséquences, quels qu’en soient les effets sur la popularité des dirigeants. Pierre Mendès France, durant la courte durée de son gouvernement a rendu publics le calendrier des réformes, le coût de leur réalisation, sans jamais omettre ni les obstacles nationaux ou internationaux gênant leur application.
Sarkozy a laissé une France exsangue. Un bilan catastrophique. Une société plus violente, au sein de laquelle les inégalités se sont creusées. Une France avec 900 milliards de dette en plus, un déficit commercial chronique, un chômage accentué (avec nombre de chefs d’entreprises qui ont attendu l’élection pour licencier ou supprimer des emplois). Nul, à gauche, ne pouvait ignorer ce bilan. C’est tellement vrai que François Hollande n’a fait aucune promesse folle. Il savait la lourdeur de la tâche à accomplir.
En neuf mois, une politique ne peut faire sentir ses effets. C’est d’autant plus impossible que Merkel et Cameron lui compliquent la tâche en prônant l’austérité. Quoi d’étonnant puisqu’ils ont soutenu Sarkozy et représentent la droite dure ?
Il faudra plus d’un mois d’explications pour que les Français acceptent la politique en cours. Il faudra aussi, moins de couacs, moins de contradictions entre les ministres. Que le président monte en première ligne, comme il l’a fait au Mali, c’est de bonne politique. La guerre économique n’a pas moins d’importance que le combat contre les narco-djihadistes. Même si les moyens d’y vaincre sont moins aisés et moins rapides.

Relisons avec intérêt ce que Pierre Mendès France écrivait dans son livre célèbre « Pour une République moderne. » « Je ne suis pas de ceux qui méconnaissent le rôle fructueux ou désastreux qu’un homme peut jouer dans la vie publique. Nul n’a jugé plus sévèrement que moi ceux qui ont mal gouverné le pays et trahi ses intérêts. Que le pays les juge aussi avec rigueur, qu’il fasse demain de meilleurs choix, je le souhaite de tout mon patriotisme. Mais toutes ses décisions doivent être fondées sur des volontés précises, sur des objectifs déterminés, sur des contrats clairs.
Choisir un homme sur la seule base de son talent, de ses mérites, de son prestige (ou de son habileté électorale) c’est une abdication de la part du peuple, une renonciation à commander et à contrôler lui-même, c’est une régression par rapport à une évolution que toute l’histoire nous a appris à considérer comme un progrès. »


10 mars 2013

Fukushima mon amour…déçu !

 
Le rejet radio-actif dans l'atmosphère.
La chaîne humaine formée hier à Paris contre les dangers du nucléaire n’est pas anecdotique. On aurait tort de se moquer de ces militants convaincus de l’insécurité dans laquelle nous fait vivre le nucléaire. S’il est vrai que 75 % de notre électricité actuellement produite en France provient des centrales atomiques, que depuis des décennies, les différents gouvernements de gauche et de droite ont poursuivi les investissements dans ce domaine, personne n’est capable aujourd’hui d’assurer une sécurité à 100 % des ces outils.
La chaîne de la connaissance — Arte — a diffusé récemment deux films consacrés à la catastrophe de Fukushima. L’un de ces films m’a particulièrement marqué. Réalisé à l’initiative de la chaine de télévision japonaise NHK, le scénario de ce film-reportage tend à reconstituer au plus près de la réalité et des témoignages ce qui s’est passé en mars 2011 au nord-est du Japon.
Chacun se souvient du séisme de force 9 sur l’échelle de Richter dont l’épicentre se situait à quelques dizaines de kilomètres des côtes japonaises. Les quatre réacteurs de la centrale de Fukushima-Daishi ont surmonté le séisme sans grands dommages. Mais le tsunami survenu ensuite a dépassé l’imagination et les prévisions les plus pessimistes des experts puisqu’une vague de 10 mètres de haut a dévasté toute la côte faisant 20 000 morts et des dégâts matériels considérables. Les digues étaient prévues pour résister à une vague de 5,60 mètres.
Privée d’électricité, privés de l’assistance des groupes électrogènes et des batteries de secours situées au sous-sol et donc noyées, il ne restait aux techniciens qu’une solution pour éviter la fusion du cœur de la centrale : le condenseur. Cet instrument (sans besoin électrique) sous l’effet de la pression transforme la vapeur d’eau en eau et contribue au refroidissement général des barres productrices d’énergie. Seulement voilà. Il y eut un hic : aucun des opérateurs présents dans l’enceinte de contrôle ne savait qu’il fallait ouvrir les vannes du condenseur manuellement. C’est déjà cet incident qui s’était produit dans la centrale américaine de Three Mile Island. La mise en service des deux condenseurs aurait pu éviter la fusion totale du cœur dans l’enceinte de confinement et le rejet dans l’atmosphère du nuage radioactif.
C’est dire la fragilité des comportements humains en situation de stress. C’est dire l’incongruité des mécanismes de sécurité quel que soit leur nombre. Aujourd’hui, les pro-nucléaires proposent de penser l’impensable, d’imaginer l’inimaginable. De revoir de fond en comble les protocoles, les mesures internes et externes, de former mieux et plus longtemps les techniciens du nucléaire. L’homme est-il seulement capable de ces exploits ? N’est-il pas plus simple et philosophiquement plus honnête de reconnaître les limites de notre pensée scientifique actuelle et de miser sur des énergies plus propres, renouvelables tout en limitant notre consommation et en modifiant nos modes de vie ?