16 avril 2014

Bernard Leroy, nouveau président de la CASE annonce la couleur : les villages contre les villes !


Les élus sont bien installés, tant mieux. Mais il n'y a pas de sièges pour le public. Tant pis. (photo JCH)
« Ce n’est pas à 63 ans que je vais commencer une carrière de démolisseur ». Cette affirmation de Bernard Leroy, avant d’être élu président de l’agglomération Seine-Eure, hier soir au nouveau siège de Louviers (1) destinée à rassurer les élus inquiets du changement de l’exécutif, tiendra-t-elle sur le long terme ? Quand il déclare vouloir rééquilibrer le pacte financier rédigé par l’ancienne équipe au pouvoir, quand il annonce que les fonds de concours attribués aux différentes communes seront intégralement pris en charge par la CASE, quand il poursuit sa démonstration en annonçant qu’il n’y aura pas de plan d’urbanisme intercommunal « chacun devant être maître chez soi » et surtout quand il précise qu’il forme un ticket avec François-Xavier Priollaud, nouveau maire de Louviers, on est loin « de la joie et de la bonne humeur » lui servant d’une conclusion quelque peu sadique pour l’équipe sortante. Les habitants de Louviers et de Val-de-Reuil doivent s’attendre à ce que les rentrées fiscales générées par l’activité industrielle et commerciale soient pompées en partie au bénéfice des petites communes forcément moins riches…Dans ces cas-là, la redistribution des richesses n’est plus un gros mot pour la droite. A toi la voirie, à toi « l’embellissement de ton village », premier mot prononcé par le nouveau président. Quelle ambition !

En fait, Bernard Leroy a savouré sa victoire, acquise de peu mais acquise tout de même et avec la légitimité d’un vote clair après les changements intervenus lors du second tour des municipales. La défaite des sortants à Léry, Acquigny, et évidemment à Louviers, a ouvert un boulevard à une droite revancharde qui piaffait depuis 1997, année de la dissolution de l’Assemblée nationale et du retour aux affaires de la gauche socialiste. 

L’élection de Bernard Leroy est un pied de nez dont notre histoire est friande. Voilà un maire, élu d’une belle commune, bien dotée et bénéficiaire des retombées positives de Val-de-Reuil qu’il a pourtant combattue avec assiduité, qui a lutté pied à pied contre son intégration dans l’intercommunalité au point même qu’il a fallu qu’un préfet place le Vaudreuil de force dans les frontières de la communauté d’alors. Bernard Leroy ne fut pas le seul dans ce cas. Le maire d’Andé, Jean-Marc Moglia, à la manœuvre cette semaine, fut dans la même situation. Avec le temps, ils ont mesuré les avantages de la création de l’agglomération. La pensée de Bernard Leroy après son élection à la présidence, pour Franck Martin, Nicole Cornier et Bernard Amsalem (2) fondateurs de la communauté de communes, n’était-elle que de pure forme quand on se rappelle le bras de fer sans pitié qui les opposa ?
le ticket Leroy-Priollaud. (photo JCH)

Mais du passé, faisons table rase. Ecoutons les mots du nouveau président qui font la joie et la bonne humeur : gestion rigoureuse des finances, mutualisation des services, volontariat des maires, rééquilibrage, gouvernance plus collégiale, plus respectueuse de tous,  tandem fidèle aux résultats des urnes » binôme gagnant, alliance de la jeunesse et de la sagesse, pas d’arène politique…
On attendait Bernard Leroy au virage des accords passés avec la CREA (3) dans le cadre du pôle métropolitain. A Louviers, FX Priollaud a fait campagne contre le Grand Louviers devenant une cité dortoir après son absorption (imaginaire) par la future métropole rouennaise. Bernard Leroy l’a rassuré : il construira un rempart contre « l’absorption » pourtant simple fantasme. La coopération, oui, mais il n’en a pas précisé les limites. 

Mon idée est que, par pragmatisme, Bernard Leroy sera tôt ou tard contraint de se plier aux exigences du temps et de l’évolution, même pour le conservateur-réactionnaire qu’il est. Tout comme Nicolas Meyer-Rossignol, président de la région haut-normande, qui propose la fusion des Normandie avec la Picardie, viendra le jour où la petite agglo Seine-Eure (70 000 habitants) devra trouver des partenaires disposant d’une masse critique importante pour des projets de grande dimension : la vallée de la Seine, de Vernon au Havre dispose de cet atout. Qu’il s’agisse d’industries, de services, de tourisme, d’infrastructures, comment refuser le progrès sinon au prix de retards et de combats d’arrière garde genre village d’Astérix forcément rétrogrades. 
Bernard Leroy s’est battu contre la ville nouvelle de Val-de-Reuil, il a perdu. Il s’est battu contre l’intercommunalité, il a perdu. Perdra-t-il — et nous avec lui — le combat de l’évolution et de la modernité ?
Patrice Yung, candidat de rattrapage, avec 18 voix, ne pouvait guère faire plus. Il est du côté des vaincus et c’est difficile à vendre surtout dans l’euphorie générale de la droite. Richard Jacquet, maire de Pont-de-l’Arche a lu un texte au ton juste, exprimant clairement les enjeux de la politique à conduire. Sa jeunesse, son esprit d’ouverture, auraient mieux convenu aux nécessités mais le suffrage commande et il s’impose évidemment à tous.
Souhaitons que le choix des 15 vice-présidents (élus mardi prochain) permette quand même de marquer quelque respect pour les villes-centres et pour la diversité, celle des communes, des sexes, des situations géographiques au sein du bassin de vie. Au fait, quinze vice-présidents ? N’est-ce pas trop ? Ne fallait-il pas donner un signe de réduction de train de vie de la CASE ? Les promesses d’avant l’élection du président et les deals échangés devront donc être assumés.
Pendant le dépouillement. (photo JCH)
Mardi prochain aura lieu l’élection des vice-présidents. On saura concrètement quel sens veut donner le couple Leroy-Priollaud à une intercommunalité qui a fait ses preuves. Franck Martin avait, certes, des défauts, mais jamais il ne s’est trompé sur le sens de l’histoire de notre région et de son développement. Il suffit, notamment, de visiter les parcs industriels, d’apprécier le système de transports, de constater les bienfaits des stations d’épuration modernes et performantes et aussi de parcourir la voie verte propice aux promenades familiales. N’oublions pas, non plus, qu’il fabriqua du consensus — sauf avec Val-de-Reuil et ce fut une erreur — gage d’une certaine harmonie collective. Bernard Leroy ne veut pas démolir mais s’il projetait de déconstruire ?

Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, étonné par le ton très politique de Bernard Leroy, a promis une vigilance appliquée à l'égard du « ticket », surprise institutionnelle de la soirée. Il a lui aussi compris que la politisation des débats faisait son entrée dans une assemblée plus habituée à fonctionner au consensus. Val-de-Reuil en fera-t-il les frais ?
(1)  Marc-Antoine Jamet a regretté le peu d’espace réservé au public dans la nouvelle salle de réunion de la CASE. Les dizaines de citoyens présents au vote d’hier sont restés debout pendant deux heures, faute d’avoir pensé que le public finirait pas s’intéresser activités de l’agglomération. Ratage absolu.
(2)  Franck Martin, maire de Louviers, Nicole Cornier, maire d’Incarville, Bernard Amsalem, maire de Val-de-Reuil, ont été les initiateurs visionnaires de la communauté de communes donnant naissance à une agglomération comprenant les « quatre » cantons de Louviers, Val-de-Reuil et Pont-de-l’Arche.
(3)  La CREA, communauté d’agglomération Rouen-Austreberte, est le second membre, avec l’agglo Seine-Eure du pôle métropolitain. Les projets communs de plateforme multimodale, de cartes de transports régionales, d’action touristique commune seront-ils mis à mal par les nouveaux dirigeants de la CASE ?

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