19 juillet 2014

Martine Aubry rentre dans le lard du projet de découpage régional


On ne fera pas taire Martine Aubry. (photo JCH)
Martine Aubry sort de son silence. Elle a tenu une conférence de presse, vendredi, à Paris, non loin de l’Assemblée nationale où les députés venaient d’adopter le découpage territorial avec treize régions et non plus quatorze. Pourquoi prendre la parole sur un sujet apparemment secondaire ? Tout simplement parce qu’il ne l’est pas du tout. Ni sur la forme adoptée par le gouvernement, ni sur le fond puisque ce découpage régional va induire des modifications considérables de compétences et de responsabilités dont on ne sait…rien ou pas grand-chose.
La première raison de la colère de Martine Aubry est le rattachement à la région Nord-Pas-de-Calais de la région picarde. Sans aucune concertation, sans aucun dialogue avec les élus du nord, le gouvernement Valls a souhaité de cette façon minorer le rôle du Front national puissant autour de Marine Le Pen, nouvelle députée européenne et très investie en Picardie. La maire de Lille constate pourtant que deux régions pauvres ne font pas une région riche et propose — pourquoi pas ? — de lorgner vers les deux Normandie pour réaliser un petit chelem susceptible de satisfaire Nicolas Mayer-Rossignol, le président du conseil régional haut-normand qui avait exprimé l’idée de s’unir à la Picardie. Cette proposition a malheureusement peu de chances de réussite eu égard au verrouillage gouvernemental.
C’est là que le bât blesse et c’est la seconde raison de l’ire aubryste. Martine Aubry considère que la méthode n’est pas acceptable. On fait violence aux élus en accélérant le pas, en refusant le dialogue et en les obligeant à choisir…sans contre-proposition discutée, négociée. Martine Aubry est étonnée par un processus brutal voire violent quand il s’agit de l’avenir institutionnel de collectivités territoriales comme autant de bassins de vie et d’échanges. Pour elle, on ne vote pas dans des conditions précipitées et surtout sans qu’on connaisse en détail les projets du gouvernement en matière de décentralisation et de déconcentration. Pour elle, on met la charrue avant les bœufs.
Le fait qu’elle prenne la parole alors qu’elle se tenait à distance de Paris et du pouvoir, est enfin une indication précieuse. Ses adversaires au PS l’accusent de préparer le congrès (dont on ignore la date de réunion) mais surtout lui reprochent de faire du tort à la politique globale suivie par le tandem Hollande-Valls.
On ne fera pas taire Martine Aubry (au passage, elle a évoqué les réussites et aussi les loupés de François Hollande) c’est bien pourquoi j’étais de ceux qui l’ont soutenue lors de la primaire socialiste et continuent de penser qu’elle aura un rôle important à jouer dans les futures campagnes présidentielle et législative. Martine Aubry a des convictions, elle ne les reniera pas pour un plat de lentilles.

18 juillet 2014

L'acquittement de Silvio Berlusconi en appel nous enseigne la prudence eu égard aux affaires judiciaires


Berlusconi acquitté en appel !
L’acquittement de Silvio Berlusconi, par une cour d’appel italienne composée de trois juges n’a pas fini d’étonner les Italiens, d’abord, les magistrats de première instance ensuite, et les observateurs de ce beau et grand pays qu’est l’Italie. Berlusconi avait été condamné à des travaux d’intérêt général (après avoir frôlé l’emprisonnement) et surtout à une peine d’inéligibilité l’empêchant de conduire la campagne des Européennes comme candidat de son parti Forza Italia.
Les raisons — il en faut, non ? — qui ont conduit les juges à blanchir le champion du Bunga Bunga poursuivi pour détournement de mineur et consommation excessive de plaisirs lascifs sont simplissimes : pas de preuve. Accusé d’abus de pouvoir, les magistrats ont en effet estimé qu'«il n’y avait pas de délit faute de preuves», et sur la prostitution, ils ont souligné que «les faits reprochés ne constitu(ai)ent pas un délit».
Berlusconi, s’il est blanchi par une justice indépendante, n’est pas pour autant réhabilité politiquement. Maintenant âgé de 77 ans, Silvio n’en a d’ailleurs pas fini avec les magistrats puisque d’autres procès s’annoncent tout aussi périlleux en première instance mais dont les décisions seront évidemment susceptibles d’appel. Il n’est pas impossible que dans l’affaire du Ruby Gate, le parquet italien se pourvoie en Cassation. Il faudra évidemment des mois avant de connaître l’issue finale d’un éventuel procès. Alors qu’il sortait de la maison gériatrique où Berlusconi accomplit son travail d’intérêt général, il a été salué par des supporters enthousiastes très heureux du dénouement.
J’ai imaginé la situation en France avec, par exemple, une condamnation de Sarkozy en première instance (quel que soit le procès futur ?) et un acquittement en appel. Cette situation serait évidemment très différente du cas italien car Sarkozy n’a pas le même âge et il s’apprête à devenir très actif dans la préparation de son retour sur la scène politique. Il suffit d’un problème de forme ou de procédure, pour que la meilleure instruction du monde soit réduite à néant. Ou qu’un manque de preuves, aux yeux des juges, permette de sauver la face de l’ancien président. On n’en est pas encore là. L’affaire Bettencourt, l’affaire des sondages de l’Elysée, le financement de la campagne d’Edouard Balladur et l’affaire Karachi, l’affaire de l’arbitrage Tapie, le scandale Bygmalion, le financement de la campagne électorale de 2007, celui de 2012…que de petits cailloux et de grosses pierres sur le chemin de Nicolas Sarkozy…vers l’investiture suprême !

16 juillet 2014

Neuf mois ferme et cinq ans d'inéligibilité pour la candidate du FN (exclue depuis)


Christiane Taubira. (DR)
Neuf mois ferme et cinq d’inéligibilité. Le tribunal correctionnel de Cayenne, saisi par une association guyanaise, a condamné une candidate du Front national aux élections municipales récentes à cette peine infamante et particulièrement sévère. La jeune militante frontiste s’était présentée à Rethel (Ardennes) sur une liste municipale et avait trouvé judicieux de faire figurer sur sa page Facebook la photo d'un jeune singe avec à proximité le portrait de Christiane Taubira légendé ainsi : «18 mois » sous la photo du singe et « maintenant » sous la photo de la ministre de la Justice.
J’avais, à l’époque, exprimé dans ces colonnes tout le dégoût que m’inspirait cette initiative. Elle n’était d’ailleurs pas une action isolée puisque d’autres, notamment des membres de la « Manif pour tous », s’étaient déjà associés à cette infamie. Christiane Taubira, on s’en doute, avait regretté « qu’une belle et haute voix ne se soit pas élevée » rapidement pour dénoncer ces propos et ces images infects.
Tout au long de l’audience, comme le rapporte le journal Libération, les avocats de Walwari avaient stigmatisé la politique du Front national qui constitue, comme l’a souligné Joël Pied, secrétaire général de Walwari, «une menace et un danger pour la société cosmopolite». En conclusion, les avocats avaient demandé que la décision qui serait prise «fasse jurisprudence inscrite en lettres d’or».
En l’absence des prévenus, Anne-Sophie Leclère et le Front national (qui depuis l’a exclue du mouvement) le tribunal a souhaité marqué le coup et indiqué aux éventuels imitateurs actuels ou futurs ce qu’il en coûtera de fustiger un(e) citoyen(e) français(e) pour la couleur de sa peau ou ses origines.
On se doute que la dame Leclère et le Front national (condamné à 30 000 euros d’amende et 50 000 euros à l’association plaignante) vont interjeter appel. Il n’empêche que ce jugement (provisoire donc) va marquer les esprits et exprime bien le souci des magistrats d’appliquer avec sévérité les atteintes à la dignité des personnes qu’elles soient un ministre de la justice ou un quidam.

15 juillet 2014

Michel Mendès France lègue la bibliothèque économique de son père à l'université de Rouen


Durant l'intervention de Françoise Chapron. (DR)
Le 17 juin dernier, une cérémonie particulièrement émouvante s’est déroulée à l’UFR Droit et Sciences économiques de l’université de Rouen. C’est en effet la date qu’a choisie Françoise Chapron, maître de conférences et spécialiste de Pierre Mendès France, pour remercier Michel Mendès France et son épouse Joan d’un legs fait à l’université.
Alors que la bibliothèque de l’ancien Président du Conseil « dormait » au Collège de France où a été hébergé l’Institut Pierre Mendès France, le changement d’adresse de ce dernier (1) a obligé Michel Mendès France à transférer l’ensemble des archives de son père (650 cartons) au bénéfice des archives nationales. Sauf les 1300 ouvrages de la bibliothèque économique légués à l’université de Rouen — « la grande banlieue de Louviers » — région où PMF fut si actif politiquement et si apprécié humainement.
A l’occasion de cette cérémonie, Françoise Chapron a eu l’immense joie de saluer Léone Nora, collaboratrice de Pierre Mendès France, présente à l’Assemblée nationale le 17 juin 1954, lors de son fameux discours d’investiture comme président du Conseil, alors que la guerre d’Indochine avait pris un tour tragique à Dien Bien Phu.
Yves Léonard, conseiller régional, représentait Nicolas Mayer-Rossignol, président du conseil régional et les élus de l’Eure notamment les deux députés, J.L. Destans et F. Loncle, retenus à l’Assemblée nationale.
(1) l'Institut Pierre Mendès France  est installé désormais dans des locaux provisoires  aux Archives nationales 60 rue des Francs Bourgeois 75003 Paris, non loin du lieu de sa naissance et de sa jeunesse…Les accès sécurisés des bâtiments ne permettant pas d'y venir sans rendez vous préalable. Il est nécessaire pour l'instant d'utiliser l'adresse suivante : contact@mendes-france.fr et de vous reporter au site dont l'adresse a aussi changé www.mendes-france.fr

14 juillet 2014

Ce n’est pas seulement l’équipe allemande qui a gagné, c’est aussi le football.


Götze, le buteur.
L’Allemagne a mérité de remporter la coupe du monde de football. Les amateurs (et les autres) les amoureux de ce sport populaire s’il en est, verront dans la victoire de la Mannshaft le fruit d’une stratégie collective, d’une cohésion totale entre le banc et le terrain et l’art de manager de Joachim Loew.
Durant l’ensemble des matches disputés par les Allemands, les qualités athlétiques et constructives ont donné des résultats positifs. Au cours de la finale contre les Argentins, ceux-ci attendaient tous de Messi qu’il compensât leur infériorité tactique. Trop de jeu dur, trop d’antijeu de l’équipe albicéleste, trop de laxisme de la part de l’arbitre italien qui, à deux reprises au moins, aurait dû sortir un carton rouge contre des arrières argentins. Et pourtant, l’équipe allemande est parvenue, malgré la fatigue et les prolongations et aussi les blessures de joueurs importants, à continuer d’attaquer le but défendu par Romero et à tenter le tout pour le tout. Schweinsteiger est le symbole même du joueur qui ne lâche rien, tout comme Boateng, dont les commentateurs ont peu cité le nom mais qui a joué un rôle essentiel pour endiguer les vagues argentines et maintenir la cage allemande inviolée.
Comble de bonheur, c’est un jeune joueur remplaçant, entré à la 88e minute et chouchouté par Loew qui, d’une amortie de la poitrine et d’une reprise immédiate de volée, a marqué le but synonyme de victoire en finale de coupe du monde. Belle récompense pour Götze, un joueur maintenant adulé de l’autre côté du Rhin.
Ce qui fait penser à l’équipe de France, également composée de jeunes joueurs. Cette équipe a montré de réelles qualités de groupe et elle a magnifiquement préparée l’euro de 2016 en France. Il ne fait pas de doute que l’équipe allemande, si elle continue sur sa lancée, sera un adversaire redoutable.
La soirée d’hier nous a fait oublier les finales anciennes disputées aux tirs au but. Il aurait été indécent et injuste que l’Argentine gagne cette coupe du monde sur coups de pieds arrêtés. C’eût été la loterie et eu égard à l’épuisement des joueurs des deux équipes une sorte de pile ou face pitoyable. Hier soir, ce n’est pas seulement l’équipe allemande qui a gagné, c’est aussi le football.

13 juillet 2014

De « grotesques » les écoutes de Nicolas Sarkozy deviennent « redoutables » pour lui et son avocat


Au risque de paraître une nouvelle fois obsessionnel, il me semble impossible pour quelqu’un qui s’intéresse à la vie politique, de ne pas commenter les derniers développements dans l’affaire de corruption active pour laquelle Nicolas Sarkozy est mis en examen. Face aux Français, sur TF1, les yeux dans les yeux, il a déclaré que les « deux dames » (comprendre les deux juges d’instruction) s’acharnaient à vouloir le détruire lui qui n’a jamais mis à mal l’état de droit (ce qui ne veut rien dire) et que les faits qu’on lui reprochait étaient « grotesques » autrement dit pas sérieux.
Le cœur des militants de l’UMP le croit sur parole et évoque un acharnement des juges, de la gauche, du gouvernement, des barons de l’UMP, tous voulant sa perte et empêcher son retour sur la scène publique. Heureusement, la France possède des organes de presse libres et une justice qui l’est (pour combien de temps ?) tout autant. C’est ainsi que le journal « Le Monde » a publié sur son site, hier, l’article de ses deux journalistes d’investigation reproduisant en détail les textes des écoutes judiciaires concernant MM. Sarkozy, Herzog son avocat, et Azibert, le magistrat de la Cour de Cassation (1) taupe des deux premiers nommés.
De grotesques, les faits deviennent redoutables pour Sarkozy. On saisit l’effroi que l’ancien président et son avocat ont dû connaître en apprenant que leurs téléphones officieux étaient aussi sur écoute et on comprend mieux l’évolution à 180° de leur discours concernant l’éventuelle action en faveur de la nomination d’Azibert à Monaco. A la lecture de l’article du Monde, on mesure aussi le culot dont est capable de faire preuve l’ancien président — mais cela ce n’est pas une découverte — la seule chance de Sarkozy de se sortir de ce mauvais pas étant d’obtenir l’annulation des écoutes ce qui détruirait la totalité du dossier en cours d’instruction.
On peut imaginer que les défenseurs de Sarkozy vont engager toutes les actions nécessaires (mais peut-être pas suffisantes) pour obtenir gain de cause. On ne peut le leur reprocher dans la mesure où les avocats sont là pour mettre à profit toutes les règles de droit et éventuellement aider à créer de la jurisprudence. Tout de même, quelle que soit l’issue judiciaire de ce dossier, les Français ont eu sous les yeux la réalité d’une pensée, d’un système de copinage avec taupes dans la police, dans la justice au plus haut niveau, une réalité qui devrait dans une démocratie comme la nôtre discréditer à jamais l’acteur-comédien de ce théâtre d’ombres dangereux pour…l’état de droit. Justement.
(1) Gilbert Azibert a demandé à bénéficier d’un départ en retraite anticipé…et accordé.