22 janvier 2015

Oui au renforcement des mesures de protection de la population, vigilance sur le reste des propositions du gouvernement


En utilisant le mot  apartheid » pour qualifier la situation de certaines cités et de certains quartiers de notre pays, le Premier ministre a commis un contresens. Car l’apartheid est une politique conduite volontairement et institutionnellement par un état — l’Afrique du sud en l’occurrence — et ne répond pas à la définition de la vie réelle ou supposée de minorités ethniques ou de classes sociales défavorisées dans les villes de la France de 2015.
Stigmatisation, sûrement, ségrégation, assurément, mais pas action politique réfléchie et volontaire de la part d’un état. Manuel Valls nourrit ainsi une ambiguïté sémantique qu’on peut admettre d’un auteur de livre (le sien en 2005) mais qui n’est pas admissible de la part d’un Premier ministre. L'apartheid fonctionne du haut vers le bas, pas le contraire.

L’ancien maire d’Evry, candidat lors de la primaire du PS destiné à choisir le candidat socialiste de la présidentielle 2012, avait marché sur les brisées de Nicolas Sarkozy et c’est bien pourquoi, déjà, il était classé à droite au sein du PS. Dans le célèbre (trop) célèbre discours de Grenoble, en juillet 2010, qui faisait suite à des agressions très graves contre les policiers de cette ville, l’ancien président de la République avait fustigé l’immigration non régulée, les Roms et leurs camps, les parents d’enfants délinquants, promis la suppression de leurs allocations familiales, déploré l’échec de la politique de la ville, et insisté sur le volet répression des mesures qu’il préconisait pour lutter contre la délinquance et le banditisme. Pas d’angélisme, affirmait-il, mais une action policière permanente…et visible. Il avait même viré le préfet en place pour nommer un de ses copains issu des rangs de la police. Quel fut le changement à l’échelle nationale de 2010 à 2012 ? Nul. 

Car les causes du malaise sont plus profondes qu’une simple volonté de président, défenseur de « l’identité nationale » faisant des immigrés les boucs émissaires faciles de tous les maux de la société, ne saurait faire disparaître. Déjà, il préconisait la déchéance de la nationalité française pour les délinquants, déchéance impossible selon les traités internationaux signés par la France ! Déjà il souhaitait durcir la loi, imposer des peines incompressibles, des peines plancher rendant impossible toute individualisation des peines. Des magistrats, pas tous de gauche, protestèrent contre ces propositions. Elles ne furent d'ailleurs pas suivies d'effets.

Certaines des mesures préconisées par le gouvernement Valls-Hollande sont, en revanche, recevables. La Ligue des droits de l'Homme, par exemple, « apprécie à sa juste valeur politique que le gouvernement n'ait pas cédé à la surenchère législative et réglementaire que réclamaient les partis de droite, le FN, et autres partisans d’une « guerre de civilisation ». La restriction des libertés n'a jamais favorisé une meilleure sécurité, comme l’atteste le bilan du Patriot Act américain.

La Ligue des droits de l'Homme considère que le plan de renforcement des mesures de protection par un recrutement substantiel de personnels dans la police, le renseignement et la justice, en particulier dans la protection judiciaire de la jeunesse pour agir immédiatement sur le terrain, ainsi que l'affectation de moyens nouveaux en matériel étaient nécessaires. La LDH s'en félicite et souhaite que toute la formation nécessaire à l'exercice de leur métier soit organisée tant en ce qui concerne les opérations de contrôle, qu'en ce qui tient à l'exercice de tous les droits.

En revanche, la LDH sera très vigilante sur la prochaine loi sur le renseignement. Elle est susceptible de comporter des mesures dangereuses pour les libertés sans contrôle et contre-pouvoir suffisants.

De la même manière, la LDH s’interroge sur l’efficacité du projet de regroupement carcéral des détenus qualifiés de « radicaux islamistes ». Une telle mesure peut engendrer des situations insupportables au regard des droits élémentaires de ces personnes mais aussi les amener à se radicaliser encore plus. Dans le contexte de surpeuplement des prisons françaises, ce regroupement ne peut être abordé qu’avec prudence et en préservant les droits fondamentaux des prévenus. »
Il faut donc être vigilant quant aux mesures plus répressives que préventives avancées par le gouvernement. Mais la réalité des dangers et des risques que court la population nous oblige à faire face à une réalité nouvelle : celle d’un terrorisme intérieur «œuvre» d’islamo-fascistes résolus. Il ne se combat pas avec des pincettes.

(1) L’apartheid était une politique dite de « développement séparé » affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Il fut conceptualisé et mis en place à partir de 1948 en Afrique du Sud (Union d'Afrique du Sud, puis République d'Afrique du Sud) par le Parti national, et aboli le 30 juin 1991. La politique d'apartheid se voulait l'aboutissement institutionnel d'une politique et d'une pratique jusque-là empirique de ségrégation raciale élaborée en Afrique du Sud depuis la fondation par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales de la colonie du Cap en 1652. Avec l'apartheid, le rattachement territorial (puis la nationalité) et le statut social dépendaient du statut racial de l'individu. L'apartheid a également été appliqué de 1959 à 1979 dans le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie), alors administré par l'Afrique du Sud.
La politique d'apartheid fut le « résultat de l'anxiété historique des Afrikaners obsédés par leur peur d'être engloutis par la masse des peuples noirs environnants »2. Les lois rigides qui en résultèrent, « dictées par une minorité blanche dynamique obsédée par sa survie » en tant que nation distincte, furent ainsi le résultat d'une confrontation, sur une même aire géographique, d'une société surdéveloppée, intégrée au premier monde avec une société de subsistance, encore dans le tiers monde, manifestant le refus de l'intégration des premiers avec les seconds.

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