7 juin 2016

La fermeture du Collège Pierre Mendès France à Val-de-Reuil : « une décision injuste, inepte, irréfléchie et irresponsable »


Vue partielle de Val-de-Reuil en I982. (photo Jean-Charles Houel).
Je savais que M. Sébastien Lecornu, président du conseil départemental n’était pas bon mais j’ignorais à quel point il pouvait être mauvais. En décidant, sans vote du conseil réuni en séance plénière, de fermer définitivement le collège Pierre Mendès France de Val-de-Reuil, M. Lecornu commet une faute contre l’intelligence pour des raisons évidemment politiques ce qu’il contestera sur la forme sans convaincre qui que ce soit.
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil exprime, ci-dessous, une colère bien légitime. Comment accepter la disparition d’un collège du territoire de sa commune quand ce collège porte le nom d’un éminent homme d’Etat originaire de l’Eure, qu’il s’inscrit pleinement dans la mémoire de la ville, et joue évidemment un rôle essentiel au sein du réseau d’éducation prioritaire, élément fondamental de l’ascenseur social.
J’ignore si les actions que ne vont pas manquer d’entreprendre les élus de Val-de-Reuil mais également certains maires des communes concernées, permettront de remettre les idées de M. Lecornu à l’endroit. Le fait est qu’ils ne doivent pas être nombreux en France, les élus conduits à fermer des collèges quand le bon sens voudrait qu’on les rénove s’ils ne sont plus adaptés. Peut-être M. Destans, ancien président du conseil général, se mord-il les doigts pour avoir trop tardé dans son programme de rénovation rolivalois. Décidément, Val-de-Reuil sera toujours dans le collimateur de la droite !

Le communiqué de Marc-Antoine Jamet :

« On n'ignorait pas depuis son élection — et même avant — l’actuel conseil départemental fâché avec le monde de l’éducation, de l’école, des études. La preuve en est administrée puisque l’Eure, dirigée par la Droite, n’a eu de cesse, hélas, d’en  diminuer les budgets comme elle s’en est prise à ceux de tous les services publics locaux. On sentait la récente majorité par nature, par conviction conservatrice, peu amie des professeurs, des instituteurs et des maîtres. Il ne fallait pas être grand clerc pour le deviner. Elle n’en compte quasiment aucun dans ses rangs. On mesurait, à chacun de ses gestes, à chacun de ses mots, le divorce définitif qui existait entre le jeune Président du CD27 et toute idée de pédagogie, de culture ou d’enseignement. Ressentiment personnel ou obscurantisme idéologique, il ne voulait manifestement pas de cet ascenseur social pour la République. L’extrême brutalité avec laquelle il s’en était pris, dès l’aurore de son règne, comme s’il n’y avait pas d’autres priorités, aux élèves désirant parfaire leur connaissance des langues par un séjour à l’étranger, supprimant les bourses qui leur étaient destinées, en témoignait clairement. Pourtant, cela ne lui a pas suffi pas.

M. Lecornu vient avec la même violence de rayer de la carte scolaire plusieurs collèges de l’Eure. Pierre Mendes France, à Val-de-Reuil, en fait malheureusement partie. Devant cette décision purement arbitraire, puisque le crypto-maire de Vernon s’est arrogé, sans la moindre légitimité pour le faire, un droit de vie ou de mort sur des établissements que, selon son bon vouloir du moment, alternativement il reconstruit ou démolit, deux étonnements d’abord. Le premier est éthique. On veut espérer que ce n’est pas le nom d’un homme juste, efficace et intègre que le nouveau monarque départemental a voulu effacer, que ce n’est que, par ignorance, inadvertance ou désinvolture, bref involontairement, que, dans la circonscription qui l’a tant aimé, il fait disparaître d’un claquement de doigt énervé un symbole de l’intelligence et de grandeur de l’Eure. Cet exemple en forme de contrepoint ne lui était quand même pas à ce point insoutenable ? Le second est professionnel. On découvre, à cette occasion, les talents profondément cachés et les savoir-faire parfaitement insoupçonnés de l’ancien/toujours attaché parlementaire de M. Lemaire. Il s’enorgueillissait naguère d’être gendarme de réserve. Le voici également devenu recteur par auto-proclamation et par raccroc.
En effet, cette décision sans doute improvisée un soir de banquet, sur le coin de table des primaires de l’ex-UMP, n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni du terrain et je pense avant tout aux directeurs des écoles qui dépendent du collège Pierre Mendès France, ni des autorités académiques compétentes, rectorat et DASEN qui ont appris le caprice de l’exécutif/exécutant départemental en lisant le journal, ni des élus qui représentent au quotidien la population du territoire concerné et dont l’avais a été méprisé. Pas une minute de concertation avec la communauté éducative, les formateurs, les parents, les collégiens. Pas une seconde pour prendre le conseil ou consulter ceux qui, à l’éducation nationale, sont en charge de nos enfants. Un despotisme pas même éclairé. La méthode n’est pas seulement détestable. Elle est nulle.

Quoi qu’il en soit, après avoir juré, croix de bois, croix de fer, qu’il écouterait les arguments du Maire de Val-de-Reuil avant de faire son siège, après avoir promis d’attendre pour se déterminer les informations que lui donnerait le conseiller départemental de Val-de-Reuil Jean-Jacques Coquelet, après que l’un de ses directeurs généraux a affirmé, 24 heures seulement avant l’annonce de cette suppression qu’elle n’était pas à l’ordre du jour, une courte lettre a suffi au Jupiter ébroïcien pour accomplir son forfait. Il est vrai qu’il ne s’agit « que » de la formation de nos enfants. Pourquoi perdrait-on du temps ? Pourquoi prendre des gants ? Pédagogie, éducation prioritaire, réseau, soutien sont des gros mots manifestement  inconnus de la collectivité départementale et du vocabulaire politique de son chef. Tout cela a donc été écarté d’une main molle et ennuyée.

Pour masquer sa très grande légèreté, M. Lecornu évoque en vieux cheval de retour, malgré son âge encore tendre, en politicien roué, malgré sa relative virginité élective, dans un grand fourre-tout, censé camoufler son absence de jugeote, de jugement et de justice, à la fois l’héritage de son prédécesseur qu’il met décidemment sans la moindre élégance à toutes les sauces les plus nauséabondes, le danger que représente les CES de type Pailleron que la déconstruction de Pierre Mendès France ne rendra pourtant pas moins inflammables, un nombre trop faible d’élèves et la sécurité du collège rolivalois. Ces deux derniers points méritent qu’on s’y arrête. « Qui veut noyer son chien dit qu’il a la rage ». PMF n’était pas le seul à connaître de faibles effectifs, mais il était, cas unique dans le département, entouré de 250 logements en construction. Ajoutons que, depuis des lustres, on sait que de nombreux enfants habitant les communes voisines parcourent à des horaires déments des centaines de kilomètres en car chaque semaine simplement parce que la carte des transports scolaires n’a pas été réajustée depuis la création de la Ville Nouvelle. Autant de solutions pour l’avenir. Quant à l’ordre et la discipline, il n’y avait aucun problème sur ce plan et avec mon équipe nous nous attachons avec assez de volonté à les maintenir pour trouver déplacé qu’un élu d’un territoire où la police nationale éprouve de lourdes difficultés m’en fasse la remarque incongrue. Non tout cela n’est que coquecigrues et billevesées. Cette décision reste irréfléchie, irresponsable, illogique et injuste.

— Elle est irréfléchie, parce qu’elle a été décidée, comme l’ont été nombre d’actes du département depuis deux ans, par un homme seul, sans expérience, sans évaluation, sans raison. Pas le moindre débat dans l’hémicycle d’Evreux. Un flou certain entoure ce mauvais coup. Que feront les écoles qui effectuaient un travail de proximité avec le collège Pierre Mendès France ? Où scolarisera-t-on un élève qui ne pourra plus l’être à Alphonse Allais, l’autre collège de la Ville ?

— Elle est irresponsable parce qu’elle fait fi d’un réseau d’éducation prioritaire performant (et des crédits qui vont avec), parce qu’elle ignore royalement que cet établissement avait été fait premier collège numérique du département, parce qu’elle méprise le travail des professeurs qui, au plus près d’élèves venant d’une population souvent en situation de grande pauvreté, font un travail remarquable.

— Elle est illogique parce qu’elle crée sur la dalle que l’ANRU, financée par le département de Jean-Louis Destans, avait magnifiquement réhabilitée, au contact de la Gare où se construit le développement immobilier de la Ville, une friche administrative dont nul n’imagine le devenir. Avec un cynisme consommé, le président du Conseil départemental propose même que ce soit sur l’enveloppe du Plan National de Rénovation Urbaine de Nouvelle Génération, le PNRU2, que l’on ponctionne les crédits nécessaires à une réaffectation de ces bâtiments, ce qui signifierait moins de moyens pour réhabiliter le logement, moins de moyens pour moderniser les services municipaux, moins de moyens pour améliorer les espaces publics de Val-de-Reuil qui ont un besoin vital de cette ressource qui, loin d’être une cagnotte, est dédiée à la correction des déséquilibres initiaux dont souffre la Ville. Un élu qui connaîtrait l’Histoire ce cette partie de l’Eure ne peut à ce point l’ignorer.

Non, à moins d’un an de deux élections générales, cette décision est tout simplement injuste. C’est un mauvais coup porté à la Ville la plus pauvre du département. On renoue avec la vieille politique de droite qui avait conduit l’un des  prédécesseurs de M. Lecornu, M. Collard, à construire de quelques mètres ridicules le troisième collège de Val-de-Reuil au Vaudreuil qui accueille donc en majorité des Rolivalois. C’est n’avoir aucune idée de ce qu’est l’aménagement d’un territoire et comment on peut remédier par le service public à ses inégalités. C’est n’avoir qu’une vision étroitement comptable de l’école et ne pas comprendre qu’elle est un outil de promotion pour ceux qui n’ont pas connu à la naissance la richesse d’un héritage. C’est ne rien comprendre aux difficultés urbaines. C’est agir en gribouille et penser en oiselet.

Parce que nous croyons en la nécessité d’une école forte et vivante, nous refusons cette mesure arbitraire et nous nous opposerons par tous les moyens à la fermeture du collège Pierre Mendès France. »


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