8 juillet 2016

20% de bio en restauration collective : Les Sénateurs disent "non" !

188 sénateurs, dont les trois de l'Eure, ont refusé d'imposer 20 % d'aliments d'origine bio dans la restauration collective. Je publie ci-dessous le communiqué de l'association « agir pour l'environnement » qui dénonce cette attitude rétrograde. Elle ne cache d'ailleurs pas le soutien ainsi apporté au lobby agroalimentaire qui se moque bien de la santé des consommateurs.

Le communiqué : 
« Au terme d’un débat long et passablement idéologisé, les sénateurs ont adopté la proposition de loi visant à l’ancrage territorial de l’alimentation. Cette adoption s’est faite au détriment de son contenu, les sénateurs ayant adopté un amendement supprimant l’objectif de 20% d’aliments issus de l’agriculture biologique introduits en restauration collective publique d’ici à 2020 !

Au terme d’un débat long et passablement idéologisé, les sénateurs ont adopté la proposition de loi visant à l’ancrage territorial de l’alimentation. Cette adoption s’est faite au détriment de son contenu, les sénateurs ayant adopté un amendement supprimant l’objectif de 20% d’aliments issus de l’agriculture biologique introduits en restauration collective publique d’ici à 2020.

Agir pour l’Environnement regrette qu’une majorité de sénateurs rejette un objectif de bon sens qui aurait permis d’introduire, en restauration collective, une alimentation qui préserve la santé et l’environnement tout en redonnant du sens à l’agriculture.
Après l’abandon de toute interdiction totale en 2020 des insecticides néonicotinoïdes, la validation de la poubelle nucléaire de Bure et la suppression de l’objectif de 20% de bio en restauration collective, le Sénat redevient ce qu’il n’a jamais cessé d’être : le haut lieu du « destructivisme ».

Agir pour l’Environnement appelle le gouvernement à inscrire rapidement, en seconde lecture, cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin de réintroduire l’objectif de 20% d’aliments biologiques en restauration collective.
Chaque année, ce sont plus de trois milliards de repas qui sont servis en restauration collective dans 76 000 restaurants. La bio ne représente pourtant qu’à peine 2,4% des achats alimentaires en restauration collective. Selon un sondage IFOP commandé par Agir pour l’Environnement, 76% des personnes interrogées se déclarent favorables à l’introduction d’aliments biologiques en restauration collective. »

Le référendum n'est pas l'outil démocratique qu'on croit


Les votations suisses expriment des photos fugaces de l'opinion. Pas des opinions.
J’espère que les éditeurs de Libération ne verront pas malice après que je reproduis ci-dessous, une tribune parue dans le quotidien de ce matin. Le texte de Corine Pelluchon correspond en tous points à ce que je pense du référendum et de l’usage qui en est fait par les politiques. Si j’exclue Marine Le Pen, dont les objectifs sont trop clairs, J’invite Jean-Luc Mélenchon dont l’attachement à la République n’est plus à démontrer, à lire avec attention ce texte plus important qu’il y paraît. Même Sarkozy devrait s’en inspirer…à moins que son absence de scrupules le rende insensible aux arguments de la raison.

« Répondre par «oui» ou «non» à une question réductrice ne conforte pas la démocratie qui doit être reconstruite.
Contre celles et ceux qui estiment qu’il faut accepter comme étant démocratiques les résultats du référendum ayant eu lieu au Royaume-Uni, mais aussi à Notre-Dame-des-Landes, je voudrais apporter un démenti fondé sur certains arguments. Si je déplore, dans les deux cas, les résultats de ces deux référendums, j’aimerais me concentrer ici sur la légitimité démocratique de ce procédé et sur sa pertinence quand il s’agit de statuer sur des questions touchant la destruction irréversible d’un écosystème et l’avenir d’un pays.

Le premier argument concerne le sens politique accordé au référendum. On parle de vote, mais il s’agit plutôt d’un sondage auquel les individus sont appelés à réagir par «oui» ou par «non». Je dis bien : «réagir». Certes, les différents camps ont fait campagne afin de défendre leurs positions. Cependant, un référendum invite à une simplification des enjeux : on est «pour» ou «contre» un projet. Alors qu’une campagne électorale est cristallisée autour de personnalités incarnant un programme qui présente, même de manière sommaire, quelques idées ou propositions, et que l’élection d’un représentant le crédite, du moins au départ, de sa capacité à s’adapter aux situations imprévisibles et au contexte, le référendum fige la décision en amont et en aval. En amont, les individus n’ont pas eu à réfléchir aux conséquences multiples de leur choix ni à décentrer leur point de vue pour imaginer ce que pourraient être le point de vue et les intérêts des autres. En aval, parce qu’une fois que les résultats du référendum sont connus, il n’y a plus d’adaptation possible au contexte et plus de négociation, du moins pour ceux qui croient qu’il faut se soumettre à ce verdict.

Cela est très clair au Royaume-Uni. Or, celles et ceux qui ont voté pour la sortie de l’Europe ont des enfants et des petits-enfants. Mais, parce que le référendum est un procédé qui pousse à la réaction, et non à la délibération, ils n’ont pas pesé le pour et le contre, ni n’ont intégré dans leur jugement le bien commun, celui du pays et, en particulier, des jeunes.

Ainsi, le référendum est le contraire de la délibération. Celles et ceux qui jugent qu’il est démocratique d’accepter les résultats de la majorité confondent le référendum et le vote, prouvant leur méconnaissance de la démocratie délibérative. Or, celle-ci est la chance d’une reconstruction de la démocratie et le contrepoids indispensable à ce mélange entre démagogie et autoritarisme qui caractérise notre époque. Elle suppose que l’on se donne le temps de présenter une argumentation de qualité qui peut refléter les controverses sur un sujet, mais n’est jamais soluble dans des clichés. De même, la démocratie délibérative s’adresse à l’intelligence des citoyens et à leur sens de l’intérêt général, et elle les encourage.

Penser que le référendum est le lieu d’expression de la souveraineté populaire, c’est ignorer le sens même du terme «souveraineté populaire» et l’idée selon laquelle le peuple est à la fois le sujet et l’objet des lois, celui qui s’y soumet et celui qui contribue à leur élaboration, de manière directe (comme chez Rousseau) ou indirecte (comme dans la démocratie parlementaire). La souveraineté populaire renvoie aussi, en chacun de nous, à une dualité, puisque nous sommes des êtres de passion et des êtres de raison, des êtres égoïstes visant leur intérêt particulier et des êtres capables d’appréhender ce qui est universel ou universalisable, et même de comprendre que leur intérêt bien compris n’est pas séparable de l’intérêt général et du souci du long terme.

Le référendum est, au contraire, un procédé qui flatte ce qu’il y a de particulier et de corporatiste en chacun de nous. Il favorise l’expression des impulsions immédiates et du ressentiment. Dans ce jeu, les passions priment toujours sur les intérêts, ce qui divise sur ce qui unit, ce qui rompt et détruit sur ce qui réconcilie et construit, ce qui est immédiat sur le souci du long terme.

Non seulement ces deux référendums révèlent le manque de sens politique des décideurs, mais de plus leurs résultats trahissent l’oubli de la jeunesse et l’incapacité à opérer la transition vers un autre modèle de développement. Car il est une question qu’il faut se poser et qui est double, voire triple : à qui profite le système économique fondé sur l’extraction fossile, et donc sur la production et la consommation qui s’ensuivent ? A la majorité ou à une minorité ? Si nous passions à un autre modèle, est-ce que la population mondiale et les pauvres en France, et ailleurs, en souffriraient ? N’y aurait-il pas là une occasion de redéfinir les richesses et même d’en créer, en misant sur les énergies renouvelables, la relocalisation de l’industrie, du travail, sur les alternatives à l’alimentation carnée, etc. ? Ces questions et ces pistes de réflexion ne peuvent pas être abordées ni développées dans le cas d’une campagne précédant un référendum.

Or, s’il y a deux thèmes qui devraient être au cœur de la politique, en France et partout dans le monde, ce sont bien : 1) la transition vers un modèle de développement moins gourmand en énergies fossiles, plus respectueux des humains et des animaux et de leurs milieux, susceptible de créer de nouvelles richesses, dont certaines ne se réduisent pas à la croissance telle qu’elle est encore définie aujourd’hui. 2) la jeunesse. Qu’est-ce qu’une civilisation qui ne fait rien pour les jeunes ? Qu’est-ce qu’une démocratie qui étouffe la voix des jeunes qui osent dire qu’ils veulent un autre modèle de développement que celui que nous subissons, lié au capitalisme fossile, destructeur de la Terre et de ses habitants ? »


Dernier ouvrage paru : les Nourritures. Philosophie du corps politique, Le Seuil, 2015.


5 juillet 2016

Comment les élus de Louviers et de la CASE s'inspireront-ils des préconisations des étudiants de Sciences Po Paris ?


Le conseil municipal réuni de manière non formelle.
Les nouveaux maires sont tous pareils. Dès leur arrivée au pouvoir ils souhaitent établir des diagnostics (urbain, financier, culturel etc.) et proposer des pistes susceptibles d’être suivies pendant les vingt ans à venir. On ne reprochera donc pas à François-Xavier Priollaud, maire de Louviers, d’avoir passé une commande à l’atelier urbain de sciences Po Paris visant à définir les pôles clés d’intervention locale permettant à la fois un développement cohérent des différents quartiers de la ville pour favoriser leur lien avec le centre et un accroissement démographique synonyme de rentrées fiscales. Plutôt que d’augmenter les taux d’imposition, le maire préfère en effet accroître l’assiette. On ne saurait lui donner tort eu égard à l’image dégradée de la ville dont le montant de l'impôt foncier est considéré comme exorbitant. D'ailleurs, M. Priollaud promet sinon de baisser le taux de cet impôt du moins de ne pas l'augmenter à l'avenir.

Pour exposer leurs conclusions et leurs propositions, les étudiants avaient donné rendez-vous aux élus locaux et aux Lovériens, lundi soir au Moulin. Ils ont passé six mois à Louviers, à raison de deux jours par semaine (et deux nuits dit-on), pour établir un plan fondé sur trois points de base : l’avenir des espaces publics (champ de ville, République…) la reconquête des berges de l’Eure et le développement des quartiers nord autour de la friche Cinram. Le tout étant destiné à rendre la ville plus attractive et plus vivante.

L’avantage des étudiants, d’une manière générale, est qu’ils ont l’esprit libre. Ils font donc preuve de fraîcheur dans leurs analyses et, disons le, d’une certaine naïveté dans leurs orientations. Je ne suis pas certain, par exemple, que leur proposition de démolition d’un immeuble du quartier des Acacias (récemment réhabilité) fera la joie des locataires et du bailleur social. Il est vrai que ce n’est pas pour demain. De même, supprimer le parking actuel de CASEO pour le mutualiser avec la future zone de stationnement de la nouvelle patinoire est sans doute une idée amusante…mais après tout, pourquoi pas ?

Qui, à Louviers, ne considère pas que les places de centre-ville — champ de ville et République — méritent un traitement urbain novateur ? Aucun des maires, dans un passé récent, n’a osé se coltiner un projet durable. Trop risqué électoralement ou manque d’imagination ? Les étudiants se risquent à émettre des hypothèses sans chasser totalement la sacro-sainte automobile. Même s'ils insistent sur la qualité des transports publics et celle des relations intercités sur l'axe structurant (entre Louviers et Val-de-Reuil).

Revenons au dossier logement. Accroître le logement sur des bases de développement cela signifie de 160 à 230 logements par an selon les hypothèses. On ne sera pas étonné de lire que la mixité (social, intermédiaire, location, accession) sera la règle. Quand Bernard Leroy, président de la CASE, déplore que sur les 34 000 salariés de l’agglomération, près de 14 000 d’entre eux sont issus d’autres territoires, et que sur les 800 millions d’euros versés en salaires seuls 325 millions d’entre eux demeurent sur l’agglomération, il est légitime qu’ils cherchent à leur offrir des solutions acceptables avec des contextes d’accueil meilleurs que ceux d’aujourd’hui. Il suffit de déambuler dans les rues du centre commercial de Louviers pour constater les rideaux tirés et les droits au bail offerts aux éventuels acheteurs. Comment attirer de nouveaux Lovériens dans ces conditions ?

C’est tout le pari de la reconquête des berges. Investir dans les espaces piétons et cyclables, créer des espaces aquatiques et ludiques, ouvrir les clôtures ( ?) des propriétés privées et publiques, tirer parti du quai de Bigards et du jardin de la Villa Calderon ou de la Porte de l’eau, nécessitera de maîtriser le foncier. Il est certain que FXP (comme l’appelle sa majorité) tirera les sonnettes de la CASE comme Franck Martin sut le faire en son temps. Peut-être sera-t-il plus rigoureux sur l’architecture des programmes de logements récemment éparpillés dans la ville sans lien avec son cœur et encore moins avec son âme. J’imagine que la majorité actuelle a dans ses tiroirs des adresses d’hommes ou de femmes de l’art assez courageux pour conforter la réalisation risquée mais réussie de l’Ecole de musique par exemple quand l’école Jean Prévost fait grise mine. Ne parlons pas de sa voisine, l'école Jean Moulin !

Quelques questions ont été posées aux conférenciers d’un soir. Le chiffrage par exemple, les dates butoirs…il s’avère que leurs propositions vont donner du grain à moudre aux édiles de la mairie et de la CASE. Tant FXP que Bernard Leroy ont assuré les étudiants de Sciences Po de leur confiance et de leur influence…à juger sur pièce dans l’avenir.


4 juillet 2016

Elie Wiesel aussi a lié son nom à l'histoire de la ville nouvelle de Val-de-Reuil


Monument de Val-de-Reuil Nicolas Borel pour Jakob+Macfarlane
J’ai rappelé ici la venue de Michel Rocard à Val-de-Reuil sans omettre la visite qu’il fit au Lycée agricole du Neubourg lorsqu’il fut ministre de l’Agriculture. Je ne saurais passer sous silence le remarquable concours apporté par Elie Wiesel, décédé lui aussi ces jours derniers, à l’occasion de l’érection du monument à la Mémoire et pour la Paix construit à Val-de-Reuil également.

L’idée en revient à Bernard Amsalem, maire de la ville nouvelle, qui souhaitait la réalisation d’une œuvre, non pas consacrée à célébrer des victoires ou à rendre des hommages, mais plutôt un monument symbolique porteur d’un bien très précieux, la paix, servi par l’outil magique et humain qu’est notre mémoire. A l’époque, il serait exagéré de dire que le projet de M. Amsalem fit l’unanimité. De nombreuses voix, à droite surtout, à gauche aussi,  se lamentèrent pour tenter de discréditer une proposition originale et novatrice. Mais la paix, la mémoire, cela ne rapporte pas d’argent ! Cela en coûte même puisqu’il fallut en passer par un concours d’architecture (1) et financer une réalisation qui, pour être simple, fut assumée à 100 % par la ville.

Avec le temps et le recul, on mesure combien ce monument possède des caractères uniques. D’autant plus uniques que ce moment privilégié de la ville fit l’objet d’un parrainage exceptionnel de la part d’Elie Wiesel. De Boston, le prix Nobel de la paix adressa une lettre manuscrite au maire pour lui accorder sa « bénédiction » et surtout lui faire don d’une citation appelée à dépasser le temps des hommes et à inspirer bien des générations : « Bouclier contre la laideur de la haine et l’absurdité de la guerre, la mémoire seule permet aux hommes d’espérer. » Voilà pourquoi je n’ai jamais bien compris comment une association d’anciens combattants a pu transformer ce monument en un monument aux morts ce qui, à mes yeux, ne peut être qu’un contresens.

Elie Wiesel ne fut pas le seul à accepter de parrainer ce monument. Bien des philosophes, des humanistes, des hommes et des femmes politiques, ont offert un témoignage personnel et exclusif d’ailleurs objet d’un recueil toujours actuel. L’un d’eux, Maurice Pons, récemment disparu lui aussi s’en tira par une pirouette dont il avait le secret : « Et moi, je me contenterai de parodier le grand poète Saint-John Perse. L’homme à la mémoire d’or se dévêt de son or en l’honneur de la paix. »

(1) Concours gagné par Dominique Jakob+ Brendan Mac Farlane, architectes débutants à l’époque du concours, devenus des créateurs de renommée mondiale.

3 juillet 2016

Michel Rocard avait transformé la ville nouvelle en commune citoyenne


Michel Rocard accueilli en mairie par Bernard Amsalem. (photo JCH)
La mort de Michel Rocard nous rappelle combien l’ancien Premier ministre de François Mitterrand et son ministre du Plan et de l’agriculture, antérieurement, avait joué un rôle important dans le changement de statut de la ville nouvelle du Vaudreuil. Celle-ci, cas unique en France, avait été doté d’une personnalité juridique et administrative du nom d’Ensemble urbain. Ni commune ordinaire, ni ville nouvelle au sens strict du mot. L’Ensemble urbain était dirigé par des personnalités issues du territoire local, du conseil général de l’Eure, les habitants du moins à ses débuts, n’ayant aucun représentant élu.

Avec le temps et la démographie, les habitants de la ville nouvelle exprimèrent légitimement le besoin d’être représentés dans les organes de direction et d’orientation de la ville qu’ils habitaient. Ainsi, trois citoyens eurent-ils le droit de siéger aux côtés des notables venus d’Evreux ou d’ailleurs. Il est vrai qu’à cette époque, l’Etat assurait (par une subvention d’équilibre) la viabilité de cette ville en devenir.

Après l’élection de François Mitterrand en 1981, le besoin de démocratie s’exprima avec éclat si bien que Michel Rocard, ministre du Plan, mit en œuvre le changement de statut de cette ville nouvelle qui allait devenir une ville comme les autres avec un vrai conseil municipal et de vrais élus locaux. Lors d’une visite effectuée en mairie, l’ancien dirigeant du PSU, mendésiste convaincu, ministre de Mitterrand par souci d’équilibre des courants au sein du Parti socialiste, n’omit pas de souligner la nécessité démocratique d’une représentation citoyenne éclairée.