3 décembre 2016

Marc-Antoine Jamet : « François Hollande a préféré l'humilité à l'humiliation »


MAJ et François Hollande à Louviers. (photo JCH)
« Le Président de la République, en renonçant  à briguer un second mandat à la tête de l’Etat, a pris une décision politique lucide et courageuse, une décision personnelle difficile et douloureuse. Peu auraient été capables, face aux mêmes situations, d’en tirer la même conclusion. Dignité de la fonction, respect des citoyens, responsabilité de l’homme d’Etat, François Hollande, a tout pesé avant de se résoudre à cette solution. Continuer aurait été naturel ou normal. Renoncer exigeait de la force d’âme. Il appartient désormais à chacun, s’il a du cœur et de l’esprit, de la lui reconnaître. Revenons à sa motivation essentielle. François Hollande est un homme juste, honnête et sincère. A la différence de ses deux prédécesseurs, il ne termine pas son mandat sous le coup de multiples mises en examen. Il a donc jugé en conscience que, contrairement à d’autres, il ne méritait pas d’être désavoué par son pays et rejeté par son parti. Oui, il a préféré l’humilité à l’humiliation et il a eu raison.

Pourtant ce geste, si je le comprends, je le regrette. Au-delà des mots, le Président de la République a gouverné notre pays en cohérence avec les valeurs qui l’animaient, les engagements qui le guidaient, les promesses qui le tenaient : la justice sociale et l’égalité des chances, la solidarité, la liberté et la laïcité. Nous les partageons avec lui. La vie politique ne s’est pas arrêtée, par un petit matin glacial, au Bourget. François Hollande a un bilan qui, étrangement, commence à apparaître : sécurité sociale préservée, priorités — l’école, le logement, la santé — financées, société modernisée et nouveaux droits créés, sécurité renforcée, finances assainies, démocratie préservée, défense de l’environnement renforcée.

Sans doute se souviendra-t-on bientôt, alors que débute la prochaine campagne électorale, que le quinquennat qui s’achève devait être celui de « l’enfer ». C’est ainsi, avec réalisme, qu’un des candidats à la primaire de la Gauche, en 2012, peu de temps avant d’être « empêché » d’y participer, avait qualifié la période qui s’ouvrait. Il s’en était clairement expliqué. Crise de la dette, crise de l’Euro, crise du déficit, crise de l’Europe, rien ne serait facile pour celui, de Gauche ou de Droite, qui serait élu. Sans dynamique de croissance et sans création d’emplois, le pays était en miettes. L’Etat en faillite. C’est ainsi qu’il avait été laissé par la majorité précédente, son président et son « collaborateur ». François Hollande, sans doute, ne l’a-t-il pas dit et rappelé. A cela, qui suffisait, se sont ajoutés la guerre et le terrorisme. On reconnaîtra un jour le temps, la volonté et l’énergie que ces deux combats ont nécessité. Il a fallu faire face à la mort et à la souffrance. Il a fallu lutter contre la barbarie. Au Mali, en Irak, en Syrie, François Hollande a été ce rempart.

Mais notre démocratie n’était plus armée pour faire face à la multiplicité des problèmes intérieurs ou extérieurs qu’elle doit encore affronter. Passage au quinquennat, fin du cumul des mandats, émergence des primaires, décentralisation sans responsabilité et Europe sans âme, ont profondément changé, altéré, banalisé et dénaturé nos institutions. Au fil de réformes éparses et désordonnées, nous sommes arrivés à la fin d’un cycle. Notre pays n’a plus de constance, de cohérence, de cohésion. Il a perdu sa singularité. François Hollande en a payé le prix. Le manque de repères et la dilution de notre identité ont condamné le peuple au désarroi et c’est également une des causes qui a conduit son expérience au charnier.

Ce constat objectif ne peut cependant tenir lieu d’explication unique aux événements que nous vivons. Le sens commun, la foi en l’intérêt général, le dévouement au service public ont déserté. Les erreurs individuelles existent et ne se limitent pas à l’incompatibilité évidente entre la déchéance de nationalité et la France des lumières. La coexistence de deux politiques au sein d’un même Gouvernement s’est révélée - comment aurait-il pu en être autrement - mortifère. La fiscalité a laminé les classes moyennes, les salariés, ceux qui ont des revenus et pas de fortune, bien davantage que les plus favorisés. L’inversion de la courbe du chômage, exigence légitime de Florange, obligation face à une France qui n’en peut plus, est devenue le piège de l’Elysée. Tout n’a pas été fait. Tout n’a pas été essayé.

Pour autant, précisément face à ce drame qui dure depuis 1974, l’irresponsabilité collective, la préférence pour la polémique, la superficialité médiatique de la Gauche sont devenues tragiques. De certains de ses ministres, de ses collaborateurs et de ses camarades, le Président de la République  — c’est une part de son humanité — aura tout supporté : traitrises, ingratitudes, aventures personnelles, ambitions démesurées. Il n’aura été protégé que de deux choses : leur travail et leur loyauté. Une supposée déception, artificiellement proclamée, ne peut être la justification universelle de comportements infantiles et inadmissibles. Une partie de la classe politique, parce qu’elle est perpétuellement moquée, vilipendée et dévalorisée, n’est plus composée que d’ombres, d’apparatchiks ou de caricatures. Il n’y a rien à en attendre de grand ou de sublime. Il reste de la Vème République une démocratie divisée entre national-populisme, régression conservatrice et Gauche éclatée. A cette dernière, il appartient de se rassembler autour de l’idée de progrès et de la notion d’avenir. De se projeter, pas de reculer.

A François Hollande, alors que, souvent à droite et parfois à Gauche, hélas, résonnent des propos qui, au lieu de saluer celui qui va s’en aller, hésitent entre vulgarité et médiocrité, je veux simplement dire ma fidélité et mon amitié construites depuis notre première rencontre, entre fonctionnaires, voici trente ans exactement, mes remerciements pour la bienveillance dont il a continuellement fait preuve pour la commune populaire dont je suis le maire, ma reconnaissance pour l’attention qu’il a toujours manifestée pour la fédération du parti socialiste de l’Eure dont il suivait personnellement l’actualité, mon respect pour le travail qu’il a accompli pour notre pays. Je pense à son authenticité et à sa résistance, à sa fierté et à son élégance. Je pense, sans arrières pensées, à la joie éclatante qui fût la sienne et qui, voici cinq ans, devînt la nôtre, à la peine, dont, dépourvu d’amertume, mais avec une émotion réelle, il a fait preuve jeudi soir, et qui est encore, qui est aussi, aujourd’hui la mienne. »


2 décembre 2016

François Hollande n'aura-t-il été qu'un demi-président ?

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François Hollande à Val-de-Reuil
S’il fallait résumer la personnalité de l’homme Hollande, je retiendrais un acte : la demie grâce partielle accordée à Jacqueline Sauvage suite à la mort de son mari violent. Tout l’homme se trouve dans ce demi acte ! Jacqueline Sauvage ? Pas assez coupable pour 10 ans d’emprisonnement mais pas assez excusable pour être libérée sur le champ. A mon avis, si grâce il y a de la part d'un président, elle ne peut être que totale puisqu’il s’agit du pari de la réinsertion-réhabilitation dans la société des hommes et non d’une peine en rapport avec l’acte commis puisque que des juges l'ont sanctionné conformément au code pénal.

La présidence Hollande ne fut faite que de demi-mesures (1), d’avancées certes, de reculades aussi finalement conformes à la personnalité de celui qui ne faisait pas assez président, le plus souvent, même si parfois il sut se montrer à la hauteur notamment après les attentats terroristes. Il a reconnu hier soir avoir commis une erreur : la déchéance de la nationalité. Cette déchéance, ô combien combattue sur ce blog, était tellement contraire aux valeurs de la gauche, tellement inefficace pour lutter contre le terrorisme, que je ne comprends toujours pas comment François Hollande, fin connaisseur de la politique, a pu se laisser entraîner — lui et les parlementaires qui ont voté cette déchéance — par le duo Sarkozy-Le Pen sur cette pente plus que savonneuse. Ce fut un tournant dans le discrédit du président au sein de son propre camp.

Et l’affaire Cahuzac ? J’ai écrit, dès le 4 décembre 2012, quand Mediapart a sorti les frasques financières du ministre d’alors, que François Hollande devait agir vite et fort puisqu’il avait les preuves de la culpabilité de son ministre sous les yeux. Il a tergiversé, laissé Cahuzac mentir devant les députés. Il lui a même fallu plus de quatre mois pour démissionner son ministre alors que des ravages irrattrapables en terme de morale publique et d’exemplarité réduisaient à néant les belles promesses du candidat Hollande. Depuis, la gauche a perdu beaucoup de sa crédibilité quand elle a voulu mettre en cause Sarkozy, Balkany, et toutes les affaires : libyenne, Bygmalion, Azibert, Bettencourt…« Et vous, et Cahuzac ? »

Par lucidité, François Hollande renonce. Candidat, il allait au devant d’un massacre électoral pour lui-même, ce qui n’est rien, mais aussi et surtout pour la gauche et ceux et celles qui croient encore à la justice sociale, au progrès scientifique, à une démocratie réelle, un système éducatif égalitaire, ce qui aurait été beaucoup plus grave. La primaire qui s’engage à gauche — je rappelle que j’étais favorable à ces primaires (2) dès le départ malgré les moqueries et les sarcasmes — va opposer des visions de l’avenir fondamentalement différentes. Montebourg, Hamon et Valls (voire Taubira demain) symbolisent des lignes d’action politique, sans doute pas irréconciliables comme l’a affirmé imprudemment le premier ministre actuel mais aptes à permettre un choix de société face au projet brutal de François Fillon et aux propositions insensées de Marine Le Pen. Le renoncement de François Hollande est, peut-être, un mal pour un bien.

(1) Lors de la primaire de 2011, Martine Aubry avait déclaré à François Hollande à l'occasion du débat de second tour : « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup. » Elle ne croyait pas si bien dire.
(2) Je n'ignore pas que Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Emmanuel Macron refusent d'y participer. Ils s'excluent donc eux-mêmes d'un éventuel rassemblement anti-libéral.

1 décembre 2016

Le « coup d'état social » de Fillon mis au jour avec la réforme annoncée de notre système de soins


Laurent Mauduit, sur le site d’informations Médiapart, a consacré une longue enquête suite aux déclarations de François Fillon sur les modifications qu’il proposerait — s’il était élu président de la République — aux règles actuelles de la sécurité sociale. Cette sécurité sociale dit bien son nom : la « sécurité » permettant de se soigner et donc de prévenir ou de vaincre les maladies, celle qui assure une retraite à tous les salariés de France et de Navarre, « sociale » dans la mesure où les revenus ne conditionnent pas l’accès aux soins, qu’il s’agisse de maladies graves ou chroniques ou de traitements plus légers.

Sous l’influence déjà ancienne des groupes d’assurances et de certaines mutuelles, des politiques proposent de modifier sensiblement les règles actuelles issues des préconisations du Conseil national de la Résistance. Alexandre de Castries, proche conseiller de François Fillon, l’un des principaux dirigeants d’un groupe d’assurance français, a convaincu l’ancien Premier ministre d’inscrire dans son programme une révolution que Jean-Luc Mélenchon nomme « un coup d’état social. »

François Fillon propose de maintenir une sécurité sociale totale pour les longues maladies ou les maladies chroniques et d’inciter les Français à s’assurer une couverture nouvelle pour les soins et traitements considérés comme plus légers auprès des assurances privées ou de certaines mutuelles. Laurent Mauduit résume cette proposition en une formule bien connue : les pertes pour la sécurité sociale collective, les profits pour le privé ! Il s’agirait donc bien d’une vraie révolution de notre système de santé, une révolution également préconisée par le MEDEF d’autant que les besoins en prothèses : lunettes, prothèses auditives, dentisterie…seraient à la charge des patients, celles-ci étant considérées comme des outils de confort dépendant de choix individuels.

François Fillon a bien senti le danger de sa proposition maximaliste. Il vient de mettre de l’eau dans son vin (un peu) en corrigeant son tir d’origine et en soulignant que les plus modestes de nos concitoyens et les retraités (lesquels ?) ne seraient pas visés par les mesures nouvelles. L'article de Laurent Maudit démontre que le programme présidentiel de Fillon mérite d’être étudié à la loupe pour en décler les pièges et les chausse-trappes. Finalement, on doit rendre grâce aux élections primaires de droite ou de gauche. Elles permettent d’anticiper le vote décisif des prochaines présidentielles et de mieux savoir à quelle sauce les candidats voudront nous manger.

30 novembre 2016

Performances mathématiques : en France les filles sont meilleures que les garçons


Je publie ci-dessous un article paru sur le site www.touteduc.fr et reproduit avec l'aimable autorisation de ses animateurs.
« Les élèves français en terminale S souhaitant intégrer une CPGE scientifique ou ayant choisi la spécialité mathématiques ont des scores en mathématiques comparables à ceux des élèves russes ayant choisi la spécialité mathématiques et à ceux des élèves libanais, et figurent donc parmi les meilleurs. Il s'agit à chaque fois d'une proportion très limitée des jeunes de 18 ans, environ 3 %. C'est ce qui ressort des résultats de l'enquête internationale TIMSS 2015 advanced (Trends in International Mathematics and Science Study portant sur les connaissances des élèves qui se destinent à des carrières scientifiques, technologiques, d’ingénieur ou de mathématiques) dans neuf pays.
Si on considère l'ensemble des élèves de terminale S, soit plus de 20 % des jeunes de 18 ans, leur score est comparable à celui de la Slovénie et de la Norvège, inférieur à celui des États-Unis, de la Fédération de Russie (hors spécialité) et du Portugal mais supérieur à celui de la Suède et de l’Italie. Cette contre performance doit toutefois être relativisée : certains pays ont des politiques d'accès à cette filière beaucoup plus restrictives que la nôtre. « Les scores nationaux de TIMSS Advanced sont sujets à une incertitude statistique dépendant de l’erreur de mesure tenant aux échantillons utilisés », note d'ailleurs la Depp.
Le service statistique de l'éducation nationale souligne de plus que « les écarts de score sont réduits en France entre les élèves les plus performants et les élèves les moins performants (...) ce qui place la France parmi les pays les moins inégalitaires sur ce critère ». En revanche, « la France est le pays où la différence entre filles et garçons est la plus grande ». Elle note aussi que tous les pays « observent une baisse de leur score en 20 ans », mais que « la France est le pays qui accuse la plus forte baisse », là encore en considérant l'ensemble des élèves de terminale S. Ceux-ci figuraient pourtant dans le peloton de tête en 1995.
Des résultats plus moyens en physique
Ce n'était pas le cas en physique et les élèves souhaitant intégrer une CPGE ou ayant choisi la spécialité mathématiques ou la spécialité Physique-chimie figurent dans "le groupe médian" avec le Portugal, la Suède, les Etats-Unis, le Liban. Viennent en tête la Slovénie, la Fédération de Russie et la Norvège et dans le dernier groupe la France (pour l'ensemble des élèves de terminale S) et l’Italie. « La Suède est le pays qui accuse la plus forte baisse, mais la France, la Norvège et la Fédération de Russie accusent elles aussi une baisse significative du score en physique. »
Comme pour les mathématiques, l'écart entre les élèves les plus performants et les élèves les moins performants est limité en France, mais il est important entre filles et garçons. A noter que, hormis les États-Unis et la Fédération de Russie où la tendance est inverse, la plupart des pays ont évolué vers plus de parité en termes d’effectifs des filles et des garçons. « En France, en terminale S, le ratio est passé de 37 filles pour 63 garçons en 1995 à 47 filles pour 53 garçons en 2015. »
Ces évaluations sont réalisées sous l'égide de l'IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement). Le site ici 
La note d'information "Les performances des élèves de terminale S en mathématiques - Évolution sur vingt ans" est téléchargeable ici,
La note d'information "Les performances des élèves de terminale S en physique - Évolution sur vingt ans" est téléchargeable ici


29 novembre 2016

Les évêques de France s'immiscent dans les débats parlementaires : un activisme troublant


Certains d’entre vous ont crié au scandale lorsque j’ai mis en cause François Fillon et son attitude à l’égard de l’interruption de grossesse. Alors que dans son livre « Faire » Il affirmait que l’IVG était un droit fondamental des femmes, il est revenu sur cette déclaration pour corriger son propos et affirmer sur les antennes d’Europe numéro 1 qu’il était « personnellement » contre l’IVG mais qu’il ne proposerait pas un changement de la loi. Il s’agit d’une promesse de campagne mais comme toutes les promesses ne sont pas toujours tenues qui dit qu’un jour, dans un contexte donné, l’éventuel futur président de la République ne sera pas contraint par des lobbies puissants tels que « Sens commun » de revenir sur la loi initiée par Simone Veil.

Cette question n’est pas seulement formelle. Elle a du sens. Pourquoi ? Parce que François Fillon est croyant, ce que personne ne lui reprochera. Que dans la sphère privée, il exprime sa foi et ses valeurs, très bien. La sphère publique a cependant des exigences beaucoup plus larges et implique un respect des opinions et des croyances différentes. C’est si vrai que la loi sur le voile démontre que cette sphère publique peut imposer des comportements induits par des choix personnels.

La question de l’IVG refait la une de l’actualité suite à la lettre que Mgr Pontier, président des évêques de France, vient d’adresser dernièrement au président de la République. Le prélat demande à François Hollande d’empêcher l’adoption par le Parlement d’un texte présenté en commission des affaires sociales et visant à autoriser la fermeture judiciaire de certains sites internet répandant de fausses nouvelles sur l’IVG, ces sites désirant dissuader les femmes en détresse de passer à l’acte. 

Il est rare que des responsables religieux s’immiscent dans la vie parlementaire au point de dénier aux députés, par exemple, le droit de légiférer comme bon leur semble. Cette intervention, au moment même où François Fillon vient d’être interpellé par Alain Juppé sur ses positions sur l’IVG, avec la réponse que l’on sait démontre que les opposants à l’IVG ne renoncent pas à modifier un jour la loi de liberté des femmes de mener à terme, ou non, leur grossesse.

Mes détracteurs reconnaîtront, s’ils sont de bonne foi, que cette coïncidence entre les déclarations de François Fillon lors de la primaire de la droite et du centre et la lettre des évêques de France exprime un activisme troublant. Je n’ai jamais dit autre chose.

Pour Claude Cornu, l'orthographe n'est pas seulement un jeu d'écritures


Lors d’une conférence récente donnée dans le cadre de l’université populaire que s’efforce d’animer la municipalité de Louviers, Claude Cornu, lui-même responsable du programme de conférences de la société d’études diverses de Louviers et sa région, a brossé l’histoire de l’orthographe, cette matière aussi mystérieuse que traumatisante pour de nombreux petits et grands Français.

Claude Cornu en action.
Savoir lire, écrire et compter compose le panel des instructions dites basiques. Mais l’orthographe, cette science qui se voudrait exacte, et que l’on enseigne pourtant très tôt, que de crimes on commet en son nom ! Les fautes d’accord, la présence de lettres étranges (le g de vingt, de doigt) des accents surprenants (le circonflexe) des conjugaisons complexes avec la concordance des temps…que de subtilités, de finesse, pour bien écrire une langue française inscrite dans la longue tradition aussi bien orale qu’écrite. Depuis des années, on cherche le moyen de simplifier notre orthographe au prix, parfois, de caricatures. Songeons que l’orthographe compose un ensemble de règles du jeu lesquelles, respectées par tous, permettraient de mieux comprendre et de mieux se comprendre. C’est comme en tout, il y a ceux qui apprennent les règles et les appliquent et ceux qui y dérogent, le plus souvent à leur corps défendant il est vrai.

En s’appuyant sur de nombreux textes lus lors de la conférence, Claude Cornu a su montrer comment, d’une orthographe phonique, le Français avait progressé de façon plus savante en tenant compte de l’origine latine des mots notamment. Il eût été étonnant d’entendre Claude Cornu, professeur agrégé de lettres classiques, accepter sans barguigner une simplification outrancière de l’orthographe. Sa complexité relative entre dans le champ des compétences acquises, fruit d’un long processus de mémorisation et de compréhension des règles pas si évolutives que cela même si l’usage a conduit l’Académie à quelques entorses… Ce qui est formidable dans l’orthographe, c’est la nécessité de la rigueur et de l’application. Une vraie école de bonne conduite de la langue. Quiconque ne se relit pas (ou s’il se relit, se relit trop vite) est condamné au jugement impitoyable des enseignants, des employeurs, des lecteurs. Car ce qui saute aux yeux, d’abord, c’est la faute d’orthographe glissée ici, oubliée là.

Pour étayer son récit et intéresser son auditoire, Claude Cornu s’est inspiré des grands auteurs que furent Ronsard, Vaugelas, Molière, Voltaire (souvent en délicatesse avec son époque et les académiciens) narrant comment au fil des siècles et en 1990, encore, les maîtres à penser et à écrire avaient édicté des conseils en forme d’ordres suscitant une polémique toujours actuelle.

En ce qui me concerne, je tente d’éviter au maximum les fautes d’orthographe même si je suis conscient que, de temps à autre, je peux ne pas être exempt d’erreurs. Mais quand on pense qu’à l’époque de Molière, grammaire se prononçait grand-mère, on comprend les quiproquos comiques engendrés par une écriture musicale aujourd’hui dépassée. En fin lettré, Claude Cornu a ravi les quarante personnes présentes. Elles ne se lassent pas d’apprendre, quel que soit leur âge et leur seuil de tolérance à l’égard de l’orthographe.
 

27 novembre 2016

Fillon ? Le meilleur candidat pour la gauche


On dépuille dans le bureau de centre ville à Louviers. (photo JCH)
Marine Le Pen n’a qu’à bien se tenir. Elle a en François Fillon un rival redoutable qui va faire mieux que de marcher sur ses plates bandes. Quand Elisabeth Lévy, Frigide Barjot, Charles Millon, pour ne citer qu’eux, se retrouvent au QG de l’ancien premier ministre de Sarkozy, c’est qu’une page du gaullisme social est en train de se tourner. Nous avons en Fillon un digne représentant de la droite éternelle et conservatrice contre laquelle s’engage une lutte idéologique au moins égale en degrés à celle qui nous oppose depuis toujours au Front national.

Quand Fillon avait déclaré qu’il voterait « pour le moins sectaire » si un candidat FN affrontait un candidat de gauche, cela faisait longtemps qu’il avait remisé au fin fond de sa cave le souvenir de Philippe Seguin, un homme qui jamais, ô grand jamais, n’aurait mis sur le même plan un membre du Front national et un socialiste voire un communiste. Seguin savait heureusement, lui, faire la différence entre un républicain et un faux nez de l’extrême-droite, il savait faire la différence entre Jaurès-Blum-Mendès France et Pétain-Le Pen Jean-Marie ou Marine.

Finalement, tout bien pesé, et à chaud, Fillon est le meilleur candidat possible pour la gauche. Son programme économique et social est tellement caricatural, tellement inapplicable en l’état, tellement excessif, que les futurs candidats de Gauche peuvent d’ores et déjà affuter leurs arguments. Il sera temps, dans les semaines qui viennent, de reprendre un à un les éléments du programme de Fillon. Ce soir, réjouissons-nous d’avoir à  mener un combat noble et digne contre un adversaire, démocrate sans doute, mais soutenu ce week-end par une France âgée, riche, accrochée à ses lunes, peu partageuse et, surtout, tournée vers le passé. C’était mieux avant ! Tel sera le slogan d’un Fillon dont le succès inattendu du premier tour lui a permis de terrasser Sarkozy le maudit et Juppé « le meilleur d’entre nous »…selon Jacques Chirac qu’on finira par regretter. C’est dire.

La gauche et l'élection présidentielle : plus on est de fous plus on rit


Le dépouillement du second tour de la primaire de la gauche en 2011 à Louviers.
Même si elle est souhaitable, la case primaire n’est pas obligatoire. Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui s’affranchissent de cette opération vérité destinée à donner la parole démocratiquement à l’électorat de gauche. Jean-Luc Mélenchon ne participera pas à la primaire de gauche et encore moins demain puisque le PCF lui apporte son soutien et celui des élus synonymes de 500 signatures. Yannick Jadot, pour les Verts, fera le chemin tout seul en mai prochain. Et voilà que Sylvia Pinel, pour les radicaux de gauche, annonce qu’elle sera passera du grand frère socialiste. Emmanuel Macron a annoncé sa candidature en solo, lui aussi, inspiré par le renouveau et le jeunisme apartidaire. Il n’est ni de droite ni de gauche…ni de gauche donc.

Attardons nous sur ces deux dernières candidatures. Macron (dehors et dedans) et le PRG ont servi le gouvernement pendant tout le quinquennat. Ils sont donc comptables des résultats positifs, quand il y en a, et des échecs puisqu’il y en a. S’ils annoncent leur volonté d’indépendance à l’égard de Hollande et Valls, c’est parce qu’ils souhaitent monnayer, tôt ou tard, leur retour au bercail. Malgré les grands mots et les petites phrases, je vois mal M. Macron ou Mme Pinel disputer la seconde place qualificative au premier tour de la présidentielle sur leur seul projet. Bien sûr, une surprise est toujours possible et Sarkozy en sait quelque chose, mais les forces politiques en vogue (et en vague) sont plutôt du côté d’une droite dure quelle que soit l’étiquette choisie. La gauche molle a fait long feu.

Ainsi, Emmanuel Macron et Sylvia Pinel, c’est du moins ma conviction, ne concourent pas pour gagner mais pour exister et peser. On a l’habitude à Louviers et en Normandie, de ces coups de menton des radicaux de gauche (cela leur a parfois réussi) visant à affaiblir l’influence des candidats, des listes d’union ou des élus socialistes. Ils procèdent toujours de la même façon : une menace de candidature individuelle, un chantage pour obtenir les meilleures places inversement proportionnelles à l’influence réelle du PRG et souvent, en fin de parcours, un renoncement à des demandes excessives après avoir obligé le PS à céder aux injonctions de quelques notables. Ce jeu est vieux comme la politique et le PS, même s’il est en très petite forme, le sait mieux que quiconque.

Il est plus renversant d’entendre un président de l’Assemblée nationale proposer au Premier ministre en place et au Président de la République de concourir ensemble à la primaire de la gauche des 22 et 29 janvier prochains comme s’il existait des différences notables et sensibles entre leur politique. Franchement, c’est le monde à l’envers. Que M. Bartolone n’ait pas apprécié les remarques acerbes de François Hollande à son égard ne justifie pas qu’il s’érige en poisson-pilote de Manuel Valls. Cette proposition ajoute à une confusion déjà intense bien que le dessein de M. Bartolone soit en fait très lisible : en poussant Mélenchon, Macron, Valls et Hollande à concourir à la primaire, le président de l’Assemblée joue la carte du Premier ministre sans en avoir l’air mais la ficelle est un peu grosse car il sait bien que Mélenchon ne cédera pas. Alors quoi ? Les candidatures à la primaire de la Gauche doivent être déposées avant le 15 décembre. Vivement le 16 !