10 février 2017

A quoi ressemble la droite de François Fillon ? Par Reynald Harlaut


Qui gravite autour de François Fillon ? C’est la question à laquelle répondent les sociologues François Denord et Paul Lagneau-Ymonet avec un remarquable article paru dans la dernière livraison du Monde diplomatique intitulé « De qui François Fillon est-il le prête-nom ? »

Nous nous garderons de reprendre ici leur inventaire de ses principaux soutiens. Il suffit pour cela d’acheter ce mensuel totalement indépendant. Nous nous contenterons plus modestement de proposer une mise en perspective des conclusions auxquelles les auteurs de cet article sont parvenus.

Pour cela, rappelons que la Droite se compose dans ce pays de deux grands courants de pensée. Le premier est ce qu’il est convenu de nommer la Droite bonapartiste. C’est une droite populaire dans laquelle s’inscrit le Gaullisme qui, de la Libération jusqu’à l’achèvement du dernier mandat de Jacques Chirac, a largement dominé le paysage politique. Cette droite, plus ou moins sociale selon les périodes, farouchement indépendante  — d’où le retrait de l’OTAN et la mise en place de la force de frappe nucléaire — est pro-européenne, mais soucieuse de la souveraineté nationale.

Le second courant est celui qu’on nomme généralement la Droite orléaniste. C’est la partie la plus réactionnaire de cet ensemble formant deux mondes bien distincts. Viscéralement anticommuniste, c’est une droite légitimiste, bourgeoise, catholique, affairiste. C’est celle dite des « Deux cents familles » d’avant-guerre, à la tête de l’industrie, de l’assurance et de la finance. Son assise sociologique est par conséquent beaucoup plus étroite. Ces deux mondes se côtoient par nécessité mais ne se mélangent pas.

Entre les deux, perdure, de génération en génération, une rancœur tenace. Parce que la Droite orléaniste est aussi pour l’essentiel la Droite de Vichy, celle qui a pactisé avec l’occupant nazi. Celle dont un certain nombre de ses membres les plus éminents a vu ses industries, ses entreprises ou ses banques saisies et nationalisées au lendemain de la Libération par le gouvernement du général De Gaulle comprenant des ministres communistes. Celle enfin dont les plus compromis furent à la même époque, condamnés à des peines de prison ou à l’indignité nationale en raison même de cette collaboration avec l’ennemi.

Cette droite-là a été, à quelques exceptions près, écartée durablement du pouvoir par le général De Gaulle lui-même et par ses successeurs gaullistes. Elle pointe, le bout de son nez pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing avec par exemple le prince Louis de Broglie dont on sait ce qu’il advint. Mais c’est Nicolas Sarkozy qui, avec le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, signe l’arrêt de mort du gaullisme. Et simultanément rouvre les portes du pouvoir à cette droite orléaniste tenue si longtemps à distance, pour en recueillir le soutien.

Cette droite revancharde, antisociale, réactionnaire et affairiste est celle-là même qu’incarne François Fillon. Il en a fait siens tous les codes. Il n’est que de connaître les principales lignes de la politique qu’il entendait mettre en œuvre dans son programme de la Primaire pour s’en convaincre. Ce serait une régression sociale d’une brutalité inouïe.

Identifiant les personnes qui font cercle autour de François Fillon, François Denord et Paul Lagneau-Ymonet apportent les preuves irréfutables de son appartenance à ce groupe. Oui, son entourage est bien constitué de la descendance de cette France de Vichy, de la Révolution nationale : celle des maîtres de forges, des grands capitaines d’industrie — aujourd’hui encore du grand patronat — des banquiers d’affaires et autres assureurs, prêts à tout pour rattraper le temps perdu et asseoir leur domination.

Reynald Harlaut

François Denord & Paul Lagneau-Ymonet, Le Concert des puissants, Éd. Raisons d’agir, Paris, 2016

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