14 décembre 2017

« Tout ce qui n'est pas expressément cédé par l'auteur reste sa propriété »


© Jean-Charles Houel
Je découvre ce matin que le journal « La Dépêche » de ce jour a « pompé » sur ce blog une photo de Johnny Hallyday prise par mes soins lors du concert du chanteur à Louviers le 8 décembre 1979. La journaliste de l’hebdomadaire responsable de « l'emprunt » considère que cette photo « peut-être » parue dans La Dépêche de l’époque appartient au journal. Outre le fait que cette photo aurait dû être signée puisque les règles du copyright s’appliquent, c’est aussi démontrer une méconnaissance totale du lien contractuel qui me liait au journal que j’ai servi avec enthousiasme pendant tant d’années.

Conformément aux règles concernant le droit d’auteur, la direction de La Dépêche de l’époque me versait, pour chaque photo publiée, une rétribution financière. La cession de droit est l'autorisation écrite donnée par l'auteur d'exploiter son œuvre dans des conditions déterminées. C’est exactement ce qui s’est passé avec La Dépêche. Pour chaque photo publiée, La Dépêche me versait un droit d'auteur répété autant de fois que la photo était utilisée. Si le contrat des journalistes de cet hebdomadaire a évolué, il ne m’appartient pas de juger, ni de l’opportunité ni des effets aujourd’hui. Bien des patrons de presse, pour limiter les dépenses, s'assoient sur la juste rétribution d'un travail dont l'aspect créatif original n'est pas toujours apprécié à sa juste valeur.

La loi impose pourtant que les cessions de droit doivent être strictement et clairement délimitées quant à l'étendue, la destination, le lieu et la durée et que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte (art. L.131-3 du CPI).
La philosophie de cette disposition est de renforcer l'idée que l'auteur dispose d'un droit exclusif d'exploitation sur son œuvre et il doit toujours pouvoir contrôler l'usage qui en est fait.

De nombreux contrats prévoient une cession de droit dans laquelle tous les modes d'exploitations, tous les supports, des droits cédés ad vitam aeternam, pour le monde entier sont envisagés. Ces contrats léonins ne sont pas conformes au CPI. Par conséquent, imaginer qu’une photo parue dans la Dépêche de 1979 appartient pour l’éternité à La Dépêche, est une hérésie. En effet, ces contrats, quand ils existent, ne définissent pas clairement le nombre d'exemplaires de la publication ou d'affichages et ne délimitent ni la durée, ni le territoire, ni la destination de l'exploitation. Il est concrètement impossible dans ces conditions d'envisager une juste rémunération pour le photographe. Devant l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les diffuseurs, il est du devoir des photographes de refuser ce type de contrat. Par conséquent, jamais je n’aurais accepté ce contrat si on me l’avait proposé, illégal qui plus est.

L'art. L.131-3 du CPI est une disposition impérative, on ne peut y déroger. De plus, en cas de litige, le juge opère une interprétation restrictive de ces clauses en faveur de l'auteur. Tout ce qui n'est pas expressément cédé par l'auteur reste sa propriété. La notion « libre de droits » n'existe pas en droit français. Cette appellation est manifestement contraire au Code de la Propriété Intellectuelle (articles L.111-1, L. 121-1, L. 131-3). 

Si donc on peut admettre que les photos publiées sur mon blog soient utilisées à des fins privées — les fans de Johnny pourraient l'imprimer et l'afficher chez eux — il est incompréhensible qu'un organe de presse n'applique pas la loi.


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